Silent Hill et Konami, retour sur quinze ans de déception
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Rédigé par Nathan Champion
En 2004, Silent Hill est LE roi de l’horreur sur consoles, et même sur PC. Fort d’un premier épisode à l’accueil excellent, autant côté critiques que public, Konami aurait pu tomber dans les mêmes facilités que Capcom avec Resident Evil, en développant du spin-off facile, et en travestissant un brin sa nouvelle licence pour vendre encore plus. Pourtant, contre toutes attentes, quatre jeux vont se succéder, de 1999 à 2004, chaque fois excessivement soignés, et fidèles au matériau original. Quatre jeux mythiques, qui présageaient un avenir plutôt radieux pour la série. Malheureusement, et en dépit de l’aura qu’elle conserve, les choses ne se sont pas exactement passé comme prévu.
Jusqu’en 2007, tout se déroule pour le mieux pour Silent Hill, qui s’offre un épisode sous-titré Origins sur PSP (porté ensuite sur PlayStation 2) très bien accueilli. Mais c’est en 2008 que la donne va changer. Avec l’apparition d’un certain Silent Hill : Homecoming, un opus qui a divisé, autant chez les fans de la première heure que chez les autres. Un premier pas dans la mauvaise direction pour Konami, comme une mauvaise augure… Parce qu’en effet, Silent Hill met un certain temps à se remettre de cet échec. On peut même dire qu’il sonne le commencement de pratiquement quinze ans de déception, jusqu’à l’annonce récente de plusieurs projets qui sentent plutôt bon.
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ToggleLa septième génération maudite
C’est un fait établi, la septième génération de consoles a mis une bonne partie des studios japonais à genoux. Parce que la nouvelle technologie mise sur le marché par Microsoft, avec sa Xbox 360, demande plus de ressources que ce à quoi les développeurs étaient habitués. C’est encore pire chez Sony, puisque la PlayStation 3 possède une architecture informatique très complexe. En des termes plus simplistes, il est difficile de développer du jeu vidéo pour la PS3. L’industrie japonaise va donc connaître un petit passage à vide sur toute la première partie de cette génération HD, se rattrapant sur le marché portable, avec une DS et une PSP qui cartonnent, ou sur la Nintendo Wii.
Konami ne fera pas exception à la règle. Quatre ans après son Silent Hill 4 sur PS2, et quelques mois après Origins sur PSP, l’entreprise japonaise va sortir un certain Silent Hill : Homecoming sur Xbox 360 et PlayStation 3. Un titre qui connaîtra un accueil critique assez froid, et qui se vendra moins qu’escompté. Il faut dire qu’il ne fait pas grand-chose pour être aimé. Pour commencer, son scénario manque cruellement d’intérêt, et se repose sur un protagoniste creux, au design oubliable, ainsi que des personnages vides de sens et des doublages sans aucune conviction.
Mais le pire reste à venir, puisque les joueurs attendaient Homecoming sur son aspect visuel, étant le premier opus de la série à sortir sur nouvelle génération. Or le résultat est terriblement décevant. Le jeu manque cruellement de charme, avec sa ville décharnée, grise, et son grain d’image qui lui confère un aspect encore plus désuet. Le moins réussi restant encore ses environnements, avec leur level design mal pensé, et le manque de personnalité global. On sent que les développeurs ont voulu s’inspirer d’un Silent Hill 2 culte pour leur projet, mais le résultat est tout simplement mauvais. Et ne parlons pas de son gameplay raté, particulièrement les combats, qui représentent pourtant une grosse partie de l’expérience…
Visiblement conscient de ses erreurs, Konami met en chantier un nouveau projet à destination de la Xbox 360 et la PS3, et lui alloue plus de temps que pour Homecoming. Et en attendant, puisque la Wii fait beaucoup de chiffre, l’entreprise japonaise décide d’y sortir une relecture du premier épisode, adaptée au Motion Gaming, nommée Silent Hill : Shattered Memories. Un opus aux retours critiques mitigés, mais qui semble trouver son public, et s’offre même un statut presque culte chez certains fans. Il faut dire qu’il est plutôt ambitieux. Malheureusement, le portage sur PS2 et PSP fonctionne beaucoup moins bien…
Fin 2012 c’est au tour de Silent Hill : Downpour de rentrer dans l’arène. Le succès de la série Resident Evil sur nouvelle génération, et l’apparition de nouvelles licences telles que Dead Space, sont autant de facteurs qui font grandir l’attente autour du jeu. Est-ce enfin le retour au sommet de Silent Hill ? La réponse est malheureusement non. Le titre est bien meilleur que Homecoming, et ce sur tout les aspects. Il est plus beau, véhicule quelques chouettes idées visuelles, se paye un scénario intéressant et revoie son gameplay de zéro. Malheureusement, la sauce prend moyennement, le jeu divise, et on ne peut toujours pas parler de pleine réussite pour Konami.
Dans le même temps, Konami sort une Silent Hill HD Collection. Une bonne idée, sur le papier, afin de faire découvrir au public de l’époque les opus de la PS2, le tout en leur offrant un petit lifting en haute définition. Malheureusement, ça commence mal, avec l’absence du quatrième opus sur le CD, qui ne contient donc que Silent Hill 2 et 3. Deux excellents jeux, au demeurant, qui souffrent ici de plusieurs bugs, notamment visuels, d’un lifting anecdotique et d’un gameplay vieillissant, rien n’ayant été remis aux goûts du jour à ce niveau. On se rappellera aussi des nouveaux doublages de Silent Hill 2 qui n’avaient absolument pas lieu d’être. L’histoire est un peu plus compliquée qu’un développement chaotique, mais ceci est une autre histoire que l’on se réserve pour un autre article.
Tirer sur la corde jusqu’à la rupture
Konami l’a bien compris, Silent Hill a besoin d’une pause sur consoles de salon. Il faudra revenir plus tard, en meilleure forme, avec un projet solide et aguicheur, sans quoi cette franchise pourtant culte pourrait bien disparaître définitivement. Mais en attendant, il faut quand même continuer à ramasser quelques billets. Alors pourquoi ne pas simplement travestir Silent Hill pour se servir de sa notoriété ? C’est ainsi que sort de terre, peu après Downpour, le très décevant Book of Memories, un Hack’n Slash dénué d’intérêt exclusif à la PS Vita. La console se vendant très mal, on vous laisse en déduire le succès commercial de ce spin-off.
Avant cela, Konami envisage de plus en plus sérieusement le marché du mobile (smartphones et tablettes), et décide de mettre une équipe sur un projet qui lui sera dédié. Il s’agit de Silent Hill : The Escape, un jeu d’action / énigmes en vue à la première personne qui manque cruellement de charme et d’intérêt. Un constat alarmant pour un titre qui sort juste après Homecoming, déjà décrié. Plusieurs autres projets mobiles verront le jour, tous plus oubliables les uns que les autres. Après l’annulation du reboot, que l’on abordera plus bas, l’entreprise met le développement de coté, et se contente de faire du partenariat, notamment avec Dead by Daylight récemment.
Pendant ce temps, celui que l’on considérait au début des années 2000 comme son plus grand rival, Resident Evil, a opté pour une formule résolument plus action qui divise, mais lui assure d’un autre côté un succès commercial retentissant. On pourrait presque croire que l’horreur à la japonaise était sur le point de disparaître de nos consoles, avec l’arrêt de la série Forbidden Siren après son épisode PlayStation 3, et la sortie d’un Project Zero : La Prêtresse des Eaux Noires mal reçu, échec commercial absolu. Les trois grands ténors de l’horreur ayant sévi sur PlayStation 2 au début des années 2000 étaient à genoux.
Depuis, Forbidden Siren n’a pas redonné signe de vie. Son dernier épisode, sorte de remake un peu maladroit du premier volet, n’a pas fait l’unanimité, et sa campagne de pub inexistante l’a empêché de se vendre convenablement hors du Japon. Project Zero a récemment porté son dernier volet en date sur tous les supports du marché actuel, et il en fut de même pour Le Masque de l’Éclipse Lunaire, un volet exclusif à la Wii hors Europe jusque là. Quant à Silent Hill, l’histoire est, là encore, un peu plus compliquée. Et décevante, par la même occasion.
Silent Hills, à deux doigts du chef-d’œuvre
En août 2014, au cours de la Gamescom, Konami annonce du très lourd. L’entreprise a appris de ses erreurs, elle a écouté les fans, et elle a mis en chantier un tout nouvel opus, qui prendra la forme d’un reboot. Aux commandes, le célèbre Hideo Kojima, géniteur de la saga Metal Gear qu’on ne présente plus, qui a décidé de s’entourer d’un Guillermo del Toro, réalisateur reconnu dans le milieu du film de genre, et d’un Norman Reedus, acteur apprécié dans la série The Walking Dead. Que demander de plus ? Eh bien, par exemple, une démo jouable dès maintenant sur le store de la PlayStation 4 !
P.T., c’est le nom un peu étrange que porte cette courte démo jouable, faisant presque plus office de démo technique qu’autre chose, à ceci près qu’elle se pare d’une mise en scène excessivement réussie. En terme de marketing, c’est du génie ! Ce véritable teaser interactif place les joueurs dans une sorte de boucle, racontant une histoire tragique en faisant grimper une tension infernale jusqu’à la fin, qui débouche sur les noms de Kojima, del Toro et Reedus, avant un fondu au blanc annonçant le titre Silent Hills. Qu’est-ce qui pouvait mal se passer ? Beaucoup de choses, en fait, mais il y a, on l’espère, une réalité alternative dans laquelle nous avons pu toucher à ce projet qui sentait extrêmement bon !
Parce que la vérité, c’est que Silent Hills ne verra jamais le jour, qu’importe le nombre de messages virulents que recevra Konami sur les réseaux. En cause, un désaccord entre Hideo Kojima et l’entreprise, qui va décider de purement et simplement mettre à la porte le créateur, alors que le développement de Metal Gear Solid V arrivait à son terme. On ne connaît pas toute l’histoire, et plusieurs rumeurs ont circulé, mais rien n’a jusque là été précisé par les intéressés. Ce que cela signifie, c’est que tout le travail accompli sur ce reboot doit être mis à la poubelle, une partie des têtes pensantes du projet ayant de toute façon quitté le navire avec Kojima.
Pour Hideo Kojima, c’est un moment difficile à passer. Ce grand monsieur du jeu vidéo se sent un peu trahi, et par dessus tout, il se sent démuni, privé de ses équipes et du matériel nécessaire au développement de ses projets. Il parvient néanmoins à s’entourer rapidement et efficacement, faisant à nouveau appel à Guillermo del Toro et Norman Reedus, sous l’égide d’un Sony désireux de s’offrir une exclusivité avec ces têtes d’affiche rutilantes pour PlayStation 4. Le résultat, c’est Death Stranding, un titre très particulier, qui flirte énormément avec le cinéma, et propose une vraie réflexion sur le jeu vidéo et l’entraide.
De son côté, Konami ramasse ses billes, les recompte, et s’attend à quelques années compliquées. Les fans sont terriblement déçus, cela va de soi, et le nom Silent Hill perd beaucoup de sa superbe. Il faudra du temps avant que l’on reparle de la licence après l’annulation de Silent Hills début 2015. Beaucoup s’attendent à ce que, à l’instar de Metal Gear avec Survive, elle subisse le développement de jeux de commande surfant uniquement sur son univers pour proposer quelque chose de très moyen. Pourtant, il n’en est rien, et la franchise disparaît simplement des radars. Jusqu’à très récemment, avec l’annonce de plusieurs projets, corroborant nombre de rumeurs.
Quel futur pour Silent Hill ?
Le constat que nous venons de faire est assez terne. Silent Hill, après avoir brillé sur PlayStation et PlayStation 2, s’est pris les pieds dans le tapis en débarquant sur 360 et PS3. Ce qui a peut-être influencé la suite des événements, un brin tragiques. Des épisodes moins travaillés, peut-être, et des concepts mal exploités. Toujours est-il que la franchise s’est lentement mais sûrement écarté des rayons de nos magasins spécialisés, pour se focaliser un temps sur le mobile, puis disparaître purement et simplement.
L’annonce de tous les projets mis en branle par Konami a de quoi surprendre, comme si sept ans après l’annulation de Silent Hills, l’entreprise nippone avait enfin décidé d’offrir à la franchise la lumière qu’elle mérite. Un film, pour commencer, avec une nouvelle fois Christophe Gans à la barre, grand amoureux de la licence. Une série, ensuite, décrite comme interactive, dans laquelle les joueurs / viewers devaient prendre des décisions destinées à faire avancer l’intrigue. Une idée un peu expérimentale, mais qui aurait parfaitement pu déboucher sur une expérience surprenante, dans le bon sens du terme… Du moins si Silent Hill Ascension, de son petit nom, avait été plus qu’un concept. Car dans les faits, personne n’a rien compris à ce projet singulier…
Mais le gros morceau, c’est bien sûr Silent Hill 2 Remake, développé par Bloober Team, à qui l’on doit les intéressants The Medium et Layers of Fear, ou encore Observer. Une refonte qui prend différents partis pris, pour le moment pas entièrement approuvés par les fans, mais le projet sent tout de même plutôt bon. Exclusivité PlayStation 5 temporaire, ce qui veut dire qu’il débarquera potentiellement sur Xbox Series X|S ultérieurement, Silent Hill 2 Remake sortira en parallèle sur Steam, et a de bonnes chances de toucher la corde sensible des amoureux de la franchise. Réponse dans quelques jours, puisque le titre nous arrive le 8 octobre.
Pour finir, un vrai nouvel épisode, prenant place dans un Japon passé, dans les années 1960 plus précisément. Silent Hill f, de son petit nom, développé par NeoBards Entertainment à qui l’on doit le dispensable multijoueur de Resident Evil 3 Remake… Ainsi qu’un projet nommé Silent Hill Townfall, par NoCode Studio à qui l’on doit Observation et Stories Untold, particulièrement énigmatique. Les deux jeux semblent sortir des sentiers battus (en ce qui concerne la série), mais il faudra pour le moment se contenter de croire Konami sur parole, puisque aucune information véritablement exploitable n’a été diffusée. Seuls deux trailers, qui ne nous apprennent rien de rien.
On ne peut s’empêcher de terminer cet article sur une note négative. Parce que nous avons la ferme impression que ces projets, s’ils ne trouvent pas leur public, sonneront définitivement le glas de la licence, qui aurait mérité un traitement plus équilibré sur les quinze dernières années, plutôt qu’une fournée de productions diverses annoncées toutes en même temps. Beaucoup voient d’un mauvais œil les choix artistiques de Bloober Team sur Silent Hill 2 Remake. Les deux autres jeux sont intrigants, mais difficile de leur accorder beaucoup de crédit pour le moment. Quant à la série interactive, elle demeure discutable, et le film à venir est peut-être prometteur, mais on sait combien le cinéma a pu faire de mal au jeu vidéo. On aurait aimé dire du bien de Silent Hill : The Short Message, production gratuite parue il y a quelques mois à la surprise générale, mais l’expérience n’avait rien de mémorable… Affaire à suivre donc.
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Date de sortie : 08/10/2024