Véritable surprise adressée aux fans de l’œuvre de Georges Lucas et de l’ère 128 bits, Star Wars : Battlefront Classic Collection s’annonçait au cours du Nintendo Direct Partner Showcase du mois de février dernier. Annonce qui, arrivant pourtant au milieu d’autres plutôt marquantes, aura su retenir l’attention. Il faut dire qu’avant que Call of Duty et Battlefield redéfinissent ce qu’est le jeu multijoueur, Battlefront et sa suite avaient attiré une quantité folle de joueurs, qu’ils marquèrent parfois durablement. Au point que le reboot de la franchise par Dice et Electronic Arts fut, le plus souvent, assez mal reçu par les fans de la duologie originelle.
Arrivant quelques jours après Star Wars : Dark Forces Remaster, au potentiel nostalgique lui aussi important, Star Wars : Battlefront Classic Collection a de solides arguments à faire valoir. D’abord, en embarquant les deux jeux mais aussi du contenu supplémentaire, cette compilation s’assure une durée de vie fort satisfaisante en solo. Ensuite, et c’est sûrement le plus important, Aspyr ouvre des serveurs pour permettre des joutes jusqu’à 64 joueurs en simultané. Enfin, ne boudons pas notre plaisir, la Classic Collection arrive sur tous les supports du marché, et pourra être jouée en portable sur Nintendo Switch, le tout en étant proposée moins de 35 euros. Faut-il craquer ?
Conditions de test : Nous avons passé une vingtaine d’heures sur cette compilation via une version PlayStation 5 fournie par l’éditeur. Notre partie s’est composée d’environ cinq heures sur le premier Battlefront et quinze sur le second. Nous avons aussi essayé la version PS4 via une PlayStation 4 Pro pendant quelques heures supplémentaires, le temps de nous rendre compte qu’il n’y avait aucune différence notable entre la précédente et l’actuelle génération.
Sommaire
ToggleLa madeleine de Proust
Bien que les deux derniers opus en date soient de véritables cartons commerciaux, il ne faut pas oublier qu’avant eux, les deux premiers jeux de la franchise Battlefront avaient écoulé une dizaine de millions de copies. Un chiffre qui, même sans être remis dans son contexte, a de quoi impressionner. D’autant que l’offre de jeux Star Wars, à l’époque, est peut-être encore plus fournie qu’aujourd’hui, avec une quantité surprenante de productions paraissant sur chacune des trois consoles de salon du marché : la Gamecube, la Xbox, et bien sûr la PlayStation 2. C’est évidemment sans compter sur le PC qui, non content de s’offrir des portages de certains de ces titres, a aussi droit à ses exclusivités, idem pour les machines portables.
Pourtant, s’il y a bien une franchise qui aura su marquer plus que les autres, au moins autant que Knights of the Old Republic, c’est Star Wars: Battlefront. En même temps, il est facile de comprendre pourquoi : les deux titres proposent de l’action survitaminée, nous plaçant au cœur de guerres que les films n’avaient fait qu’effleurer, dans la peau de bidasses interchangeables aux designs reconnaissables, mais aussi de héros appréciés. Nous sommes plusieurs années avant l’arrivée de Call of Duty 4, mais les jeux de guerre ont déjà la cote. Et ceux-ci ont une particularité qui leur confère un supplément d’âme, ils empruntent son univers à l’une des plus grosses franchises cinématographiques de tous les temps. Mais ils ne se contentent pas de cela.
En effet, l’histoire retiendra que Star Wars : Battlefront et sa suite étaient et demeurent des expériences particulièrement solides. D’abord en solo, puisqu’il faut bien une vingtaine d’heures, minimum, pour faire le tour de ce que chacun des deux titres propose à ce niveau. Le tout en n’oubliant pas, c’est habituel à l’époque, le fameux mode deux joueurs en écran splitté, permettant de jouer avec un ami à chacun des modes proposés. Mais en plus, bien que le online en soit encore à ses balbutiements, les deux titres ont la particularité d’être pensés pour la castagne en multijoueur. Une singularité qui leur permettra de perdurer sur PC et sur Xbox, principalement, au fil des années. Malheureusement, comme beaucoup d’autres, leurs serveurs finirent par fermer au profit de productions plus récentes et lucratives.
Toujours aussi solides ?
Vingt ans, c’est long, surtout à l’échelle d’un média comme le jeu vidéo. Une expérience au top en 2004 a toutes les chances d’être vue comme désuète, à un point rédhibitoire pour certains, en 2024. Alors qu’en est-il de Star Wars Battlefront 1 & 2 ? Eh bien, il faut reconnaître que malgré un petit up graphique qui se voit, et leur confère un poil plus de couleurs, ces deux classiques du shooter multi ont pris un sacré coup de vieux. Star Wars : Battlefront, pour commencer, avait déjà été violemment mis à l’amende par sa suite, et ce sur plusieurs points, qui font encore plus tâche de nos jours. À commencer par l’impossibilité de courir, rendant de facto ses joutes un peu molles, à fortiori sur ses maps les plus vastes.
Un détail qui a toute son importance aujourd’hui, puisque l’habitude est plutôt à la vivacité dans le genre du multijoueur, tant compétitif que coopératif. À côté de cela, c’est toute l’interface du jeu qui fait peine à voir, puisque reprise telle quelle sur la version de 2004. Et s’il n’est pas compliqué de s’y retrouver lorsque l’on veut simplement lancer une partie rapide en multi, ou une joute sur le mode Campagne, dès lors que l’on cherche quelque chose d’un peu plus spécifique, c’est une autre histoire. Prenez l’ouverture d’un salon en ligne par exemple, mais surtout le mode Conquête Galactique, particulièrement austère. On aurait aimé un travail à ce niveau, ne serait-ce que pour rendre le tout un peu plus digeste.
D’autant que Star Wars : Battlefront 2 souffre du même problème. Lui aussi voit son interface calquée sur celle du jeu d’origine ce qui, lorsqu’il s’agit de créer un salon multijoueur, n’est pas bien agréable à l’œil. Heureusement pour lui, ce second volet pouvait à l’époque se targuer de nombreuses améliorations vis à vis de son aîné, parmi lesquelles on comptait la lisibilité dans ses menus. Ce qui était surtout valable pour le mode Conquête Galactique, qui s’offrait une map de la galaxie, bien plus engageante que le bête listing de planètes du premier volet. Un mode qui a toute son importance, puisqu’il représentait l’un des gros attraits de ce second volet, avec toute sa dimension stratégique mais surtout la possibilité d’y jouer à deux dans le même canapé.
Ce qui est toujours valable aujourd’hui, puisque Aspyr a conservé tout le contenu et les fonctionnalités des deux jeux. Ainsi, bien que les modes Conquête Galactique et Campagne soient principalement pensés pour le solo, rien ne vous empêche de les faire à deux. Malheureusement, comme à l’époque, il n’est pas possible d’y jouer en ligne, avec un camarade connecté sur une autre console. On réserve cela aux joutes multijoueur, qui ne sont finalement qu’une succession de maps aux objectifs clairs. Le plus courant étant la capture de postes de commandement, autrement dit des points de réapparition pour votre équipe. Ce qui faisait très bien l’affaire il y a vingt ans, encore une fois, mais semble un peu léger aujourd’hui, d’autant que le mode Assaut Héroïque du second volet, argument de vente à l’époque, a immensément perdu de sa superbe, notamment à cause d’une prise en main compliquée…
Portage stricto sensu
Et on touche là au cœur du problème : les deux jeux n’ont finalement eu droit à aucune amélioration, aucun ajout ergonomique. Les seuls « bonus », puisqu’ils sont présentés comme tels, ce sont plusieurs maps, et deux héros à incarner dans Star Wars : Battlefront 2. Ce qui fera certes plaisir aux fans de la première heure, mais en touchera une sans faire bouger l’autre aux nouveaux venus, qui auraient bien eu besoin d’un petit quelque chose pour adhérer à l’expérience. Parce que les problèmes sont nombreux, d’un point de vue contemporain, et certains peuvent purement et simplement décourager ceux qui ne connaissaient pas déjà très bien les deux jeux. Seuls les fans de la première heure sont enclins à leur pardonner leur austérité et leurs errances.
Revenons sur Star Wars : Battlefront, qui permet de choisir entre la vue à la première et à la troisième personne d’une simple pression du joystick gauche. Un très bon point, certes. Malheureusement, le jeu est plutôt pensé pour le FPS visiblement, puisque si vous choisissez de jouer façon TPS, chaque réapparition vous fera revenir sur une vue à la première personne. Agaçant dans un premier temps, ce point de détail finit par devenir abominable. Toujours sur le même jeu, certaines maps proposent des vaisseaux spatiaux qu’il est possible de piloter. Malheureusement, la conduite de ces engins était déjà une catastrophe à l’époque, et est aujourd’hui absolument imbuvable. Bon courage pour servir à quelque chose aux commandes d’un chasseur sur un champ de bataille, la faute avant toute chose à une altitude maximum absolument risible.
Star Wars : Battlefront 2 corrigeait ce problème en distinguant bien les phases au sol et les phases dans l’espace aux commandes de vaisseaux. Chose qui le rendait plus immersif, d’ailleurs, d’autant que les joutes spatiales permettaient de souffler un peu après les gunfights. Malheureusement, aujourd’hui ces phases font peine à voir elles-aussi, puisque molles et peu ergonomiques. Les nouveaux venus comprendrons bien les objectifs, puisque ceux-ci sont assez clairs, mais la prise en main risque de les rebuter. Ce qui est dommage, puisqu’on se doute que c’est bien sur ce second volet que vont se concentrer l’essentiel des joueurs, au vu des défauts du Battlefront originel cités plus haut.
Autre point peu compréhensible, mais qui a de quoi irriter les joueurs de longue date de la duologie, les voix françaises ont totalement disparu du champ de bataille, et sont remplacées par leur version anglaise. Un point de détail pour certains, mais qui a toute son importance lorsque l’on connaît bien les deux jeux, qui perdent donc un petit quelque chose de leur attrait nostalgique. Un souci d’autant plus agaçant qu’il ne touche vraiment que les affrontements, puisqu’à côté de cela le mode Campagne du second volet a encore droit à sa voix off dans la langue de Molière. C’est à n’y rien comprendre.
Enfin, puisqu’il n’a été fait aucun ajout, en dehors des maps et héros « bonus », alors pas de système de progression en ligne, de carotte pour faire revenir les joueurs. On ne demandait pas un Battle Pass à la Helldivers 2, loin s’en faut, mais inclure un petit quelque chose, pourquoi pas de simples cosmétiques à débloquer, ça ne semblait pas sorcier, et ça aurait pourtant changé beaucoup de choses. Parce qu’en l’état, cette collection a des chances de ne pas durer dans le temps, si elle parvient à toucher son public cible, ce qui n’est pas gagné non plus. Toutefois, contrairement à beaucoup d’expériences en ligne, Star Wars : Battlefront Classic Collection remplira les rangs alliés et ennemis de bidasses contrôlés par l’IA si le combat n’engage pas 64 joueurs, ce qui est tout de même plutôt rassurant. Même si, bien entendu, on a connu mieux niveau intelligence artificielle.
N’allez surtout pas croire que cette compilation est décevante, au regard des nombreux problèmes énumérés dans cet article. Comme dit plus tôt, on voit assez mal comment les nouveaux venus et les jeunes joueurs pourraient accrocher à cette expérience criblée de rides. Néanmoins, en ce qui nous concerne, ce bol de nostalgie est une véritable bouffée d’air frais, quand bien même on connaîtrait les deux jeux comme le dos de notre main. Et nous ne doutons pas que de nombreux joueurs à travers le monde seront eux aussi dans ce cas. Ainsi, si vous faites partie de ceux qui ont déjà poncé les deux titres à l’époque de leur sortie, et que l’expérience vous tente, alors ne vous laissez surtout pas décourager par les défauts que nous citons ici, car vous avez toutes les chances de (re)prendre un pied monstrueux.
Cet article peut contenir des liens affiliés