Streaming : comprendre la polémique Alex Hutchinson (Stadia)
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Rédigé par Doodz
Vous avez peut-être vu passer des articles ou des tweets sur Alex Hutchinson et sa polémique depuis hier. On s’est dit qu’un petit article pour comprendre son argumentation et ce que certains lui reprochent ne serait pas de trop.
Mise à jour : Un détail amusant sur cette « affaire » a été ajouté à cet article, il s’agit de la partie avec le streameur Jacksepticeye.
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Si Stadia est beaucoup cité et a même été en tendance Twitter, le service de jeu en streaming n’a rien à voir à faire avec la polémique qui nous vient surtout des derniers changements de Twitch en ce qui concerne la diffusion de musique. Jusqu’à présent, la filiale d’Amazon était plus que permissive pour laisser les streameurs diffuser n’importe quelle chanson.
Si quelqu’un diffusait une musique sans payer les droits d’auteurs, Twitch se contentait de couper le son lors de son passage sur le replay. Ce n’était pas assez sévère pour les ayants-droits américains qui étaient en guerre contre le site cet été pour obtenir des sanctions plus sévères, ce que Twitch fait depuis le 20 octobre.
the Twitch DMCA bloodbath has begun, as hundreds of partnered streamers have received emails from Twitch as DMCA takedown notifications pic.twitter.com/zoIoI7Q7Xp
— Rod Breslau (@Slasher) October 20, 2020
Si on trouve de la musique diffusée illégalement sur votre chaîne, le replay est désormais tout simplement supprimé. Et vous vous prenez l’avertissement même si vous supprimez votre VOD vous-même avant que l’infraction soit détectée. Et contrairement à Youtube, impossible de contester une plainte d’un ayant-droit.
Ce changement assez radical est logiquement très mal reçu par les streameurs qui n’hésitent donc pas à se plaindre lors de leurs émissions ou sur les réseaux sociaux ce qui a fortement irrité Alex Hutchinson.
Qui est Alex Hutchinson ?
Alex Hutchinson est un game designer australien qui s’est d’abord fait connaître pour son travail chez Electronic Arts entre 2003 et 2010. Il était en effet Lead Designer des versions consoles des Sims 2 et des Urbz puis de Spore avant de devenir Directeur créatif sur Army of Two. Il est ensuite passé chez Ubisoft pour être Directeur créatif d’Assassin’s Creed 3 et de Far Cry 4. Il est parti en 2017 pour cofonder Typhoon Studios qui a sorti cette année Journey to the Savage Planet.
Il faut savoir qu’il est habitué des polémiques. En 2014, Ubisoft combattait déjà des accusations de sexisme en ce qui concerne ses personnages. A l’époque, on reprochait à Assassin’s Creed Unity l’absence de personnages jouables féminins dans le multijoueur. Hutchinson avait donc été interrogé par Polygon sur cette même absence dans Far Cry 4.
Il avait répondu que cela demanderait trop d’animations supplémentaires et qu’il n’y avait pas de fille dans l’équipe pour jouer les répliques temporaires. Il s’était aussi illustré en accusant de racisme les critiques occidentaux de jeux vidéo, leur reprochant de pardonner beaucoup plus facilement les problèmes d’écriture des jeux japonais par rapport à deux des jeux occidentaux.
En décembre 2019, Google a racheté son studio pour renforcer les équipes de création pour Stadia. Depuis Hutchinson se présente comme « Directeur créatif @ Stadia » ce que beaucoup voient comme une tentative de se faire passer pour l’un des responsables de Stadia ce qu’il n’est absolument pas.
Ce qu’Alex Hutchinson a dit sur les streameurs
Alex Hutchinson a publié deux tweets dans lesquels il explique qu’en plus de payer des droits d’auteurs pour la musique, les streameurs devraient payer des droits d’auteurs pour les jeux qu’ils diffusent. Il trouve en effet injuste que certains se fassent de l’argent sur le dos de ceux qui ont créé les jeux sans qu’ils touchent le moindre centime.
Certains diraient que les streameurs ont déjà versé une somme en achetant le jeu et si ce n’est pas le cas, cela veut dire que c’est l’éditeur ou le studio qui leur a offert le jeu pour profiter de publicité gratuite (ou faire une opération rémunérée).
Dans les réponses, il explique que bien évidemment, il sait que tout le monde n’est pas Ninja ou PewDiePie et ne se fait pas des millions. Il ne voudrait pas un système de prix fixe mais plus un pourcentage sur les revenus des streameurs s’ils gagnent de l’argent.
Évidemment, Google qui tente de se développer dans le monde du streaming de jeux via Youtube Gaming et Stadia a été très rapide à se dissocier des propos d’Hutchinson et surtout de rappeler qu’il n’était pas Directeur créatif de Stadia en général mais seulement du studio de Montréal. L’intéressé a depuis modifié sa bio Twitter, non pas pour clarifier la situation mais pour préciser que ses propos n’engageaient que lui (et donc pas son employeur).
Le streameur Jacksepticeye a également réagit pour signaler toute l’ironie des propos d’Alex Hutchinson sur les streameurs quand sa propre bannière Twitter est actuellement un fanart qui met Jacksepticeye dans la combinaison du jeu Journey to the Savage Planet. Et pousse même le comble en ayant coupé la signature de l’artiste sur l’image sans l’avoir jamais crédité.
Il a raison ou il a tort ?
Il est très compliqué que nier en bloc ce qu’il dit, quand à côté, on tente de faire comprendre que l’on ne peut pas « payer en visibilité » les créateurs. On peut facilement comprendre pourquoi certains développeurs sous-payés et soumis au crunch seraient jaloux de la fortune de certains streameurs. Mais soyons honnêtes, il y a de nombreux chantiers nettement plus importants à traiter avant dans l’industrie, comme l’inégalité des salaires, au lieu de s’occuper de la poignée de personnes qui vivent du streaming.
La vision d’Alex Hutchinson est beaucoup trop simpliste puisqu’il compare la situation au fait d’acheter un film et de parler par-dessus pour recevoir de l’argent. Il ne comprend pas, ou fait semblant de ne pas comprendre, ce qui fait ou non le succès d’un streameur. Un bon streameur sera capable de divertir son public quelque soit le jeu utilisé, même s’il est vrai que certains titres se prêtent plus à des moments mémorables que d’autres.
Les développeurs semblent avoir un réel intérêt à attirer le public Twitch si l’on en juge par le nombre de jeux ou de fonctions pensés pour le stream qui sont de plus en plus réguliers. Certains indés ont vite répondu aux tweets pour signaler l’aide qu’une bonne visibilité sur Twitch pouvait avoir sur les ventes. Et ce ne sont pas les équipes d’Among Us ou de Phasmophobia qui nous diront le contraire en ce moment.
De plus, des droits d’auteurs pour les jeux vidéo demanderaient un travail pour être appliqué qui ne serait trop facilement contourné. Hutchinson reconnait le « Fair Use » qui permet de diffuser des séquences du jeu dans le but d’une critique. Qui empêche les streameurs de dire que leurs sessions sont des critiques ? Qui les empêche d’inciter les gens à donner seulement en dehors des phases de gameplay pour éviter à donner leur pourcentage ?
Tout ça pour ça ?
Bref, vous l’aurez compris la situation est très complexe. Si tout sujet mérite d’être abordé, il faut reconnaître qu’Alex Hutchinson aurait pu tenter de faire une déclaration moins incendiaire pour provoquer un débat plus apaisé. Et encore une fois, les streameurs qui vivent de leur activité ne sont pas si nombreux que ça pour qu’un pourcentage de leurs revenus changent quoi que ce soit pour les créateurs, surtout quand ils ont des besoins nettement plus urgents à côté.
Mais il faut aussi noter que le fait qu’il travaille pour Stadia a aussi beaucoup amplifié la polémique puisque cela a permis à beaucoup de se servir de ses propos pour en remettre une couche sur le service de Google qui avouons-le ne se porte pas très bien. Il est triste de constater que ces deux tweets d’Alex Hutchinson ont beaucoup plus fait parler de Stadia que les trois jours d’annonces du Good Stuff qui ont précédé.
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