Quinze ans, c’est long. Et même si, comme le veut l’adage, quand on aime on ne compte pas, il faut reconnaître que les fans de la franchise Advance Wars en ont gros. Parce que non seulement la série a disparu des radars pendant quinze printemps, mais en plus elle acheva sa carrière sur un opus reçu assez froidement. Par ailleurs, Intelligent Systems, le développeur, n’a pas mis la clé sous la porte, loin s’en faut, mais s’est plutôt attelé à une production en chaîne d’épisodes de Fire Emblem, entre deux tentatives de nouveauté, notamment avec un injustement oublié Codename S.T.E.A.M.
Ainsi, il y avait du boulot pour reconquérir le cœur des fans de Advance Wars, qui se sentaient à juste titre trahis. Un boulot que les équipes de WayForward ont pris sur elles d’accomplir, non sans un certain retard sur le planning initialement annoncé, à demi mot expliqué par une volonté de Nintendo de ne pas encourager les récits guerriers, cependant que l’histoire semble se répéter… Bref, voici qu’en ce mois d’avril 2023, à quelques jours de la sortie du très attendu The Legend of Zelda : Tears of the Kingdom que les possesseurs de Switch attendent fiévreusement, débarque Advance Wars 1+2 Re-Boot Camp.
Un titre sur lequel nous étions bien incapables de nous prononcer à l’occasion de notre preview, quelques semaines plus tôt. Et pour cause, son contenu nous semblait identique à celui des cartouches de Game Boy Advance, qu’il fond dans un nouveau moteur ne nous ayant pas convaincus. Mais vous avez déjà vu la note, et vous savez donc que nous ne sommes guère devant une franche déception, ce que pouvaient vaguement laisser craindre les premiers avis. Voyons donc ensemble pourquoi il est heureux de voir débarquer ce Re-Boot, mais aussi pourquoi il aurait été apprécié qu’il fasse un peu plus…
Conditions de test : Nous avons passé environ 25h sur le titre. Le temps de terminer les deux campagnes en mode Classique, puis de lancer le mode expert de la première, et enfin de nous essayer aux divers modes de jeu et d’acquérir une bonne partie du contenu à collecter. Ce test est garanti sans spoiler majeur.
Sommaire
ToggleRemake, reboot, ou aucun des deux ?
La première chose qu’il me semble nécessaire d’aborder ici, c’est la place qu’occupe Advance Wars 1+2 Re-Boot Camp sur le spectre du Reboot et du Remake. À première vue, on serait tenté de lui attribuer le premier, puisqu’il trouve place dans son titre. Mais en y regardant de plus près, on a tout de même plus l’impression qu’il s’agit du second puisque, comme indiqué plus tôt dans notre aperçu, le contenu ne semble pas avoir bougé depuis les cartouches de Game Boy Advance.
Toutefois, il demeure toujours un peu compliqué d’expliquer à quel degré de refonte nous avons à faire. Et si certains trouvent que le travail réalisé sur un The Last of Us Part I relève effectivement du remake, d’autres soulèvent une problématique qui touche aussi cette compilation : c’est exactement le même jeu, simplement refondu sous un nouveau moteur. Or, si Nintendo avait choisi l’appellation Remastered pour le récent retour de Metroid Prime, ici, on comprend difficilement pourquoi c’est Re-Boot qui a été conservé.
Alors effectivement, le moteur n’est pas le même, les dialogues ont été réécrits en partie, les animations de Pouvoir et Super Pouvoir ont changé, les musiques sont réorchestrées, et un mode en ligne a fait son apparition. Il est aussi possible de jouer avec la caméra, la plaçant tantôt plus haut, tantôt plus bas, selon nos préférences, ou simplement pour une meilleure lisibilité de la map en cours. Des ajouts indispensables à une sortie sur Nintendo Switch, en somme, sans lesquels le titre aurait été bien trop proche des versions originales pour son bien.
Nous ne nous risquerons pas à le qualifier de simple remaster. Mais dans les faits, il demeure que ce cru 2023 est très loin de l’ambition et de la maîtrise des remakes de Resident Evil 4 ou The Legend of Zelda : Link’s Awakening. Quiconque connaît bien les cartouches d’origine aura l’impression tenace de rejouer exactement les mêmes aventures, sous le prisme d’un habillage moins charmant. À l’instar d’un Tiny Metal qui, néanmoins, parvenait à s’offrir une identité plus prononcée.
Reprenons depuis le début
Pour les quelques-uns d’entre vous qui ne connaîtraient pas Advance Wars, il s’agit d’une série de jeux de stratégie au tour par tour, s’articulant sur un damier, débutée sur Nintendo Nes exclusivement au Japon, avec Famicom Wars. La franchise a étalé ses sorties sur plus de vingt ans, mais l’Europe comme l’Amérique du Nord ne la connaissent que depuis les épisodes Game Boy Advance, parus respectivement en 2002 et 2003 sur le vieux continent. On vous renvoie à notre chronique dédiée pour de plus amples informations.
Le principe est simple : avec des unités déjà présentes sur la carte, ou construites via des usines, aéroports et ports, vous devez réduire l’armée adverse à néant. À ce concept facile à comprendre s’ajoutent quelques subtilités, notamment une gestion du terrain, faisant varier le niveau de défense. En d’autres termes, un régiment de tanks se cachant dans les bois recevra moins de dégâts qu’à découvert, au milieu d’une route. Mais le plus notable reste la spécialisation de chaque général, qui possède par ailleurs un pouvoir, utilisable une fois une jauge remplie.
Ainsi, Kanbei possède des unités très puissantes et résistantes, mais leur coût de production est particulièrement élevé ; Max, quant à lui, jouit d’une force de frappe au corps-à-corps accrue, mais en contrepartie ses unités de tir à distance ont une portée amoindrie. Vous saisissez l’idée ! Et comme nous le disions plus tôt, quiconque connaît la franchise ne sera pas dépaysé ici, puisque Advance Wars 1+2 Re-Boot Camp reprend trait pour trait la même recette que les cartouches de Game Boy Advance, conservant même les spécificités des deux épisodes séparés (comme l’apparition d’une seconde jauge de Pouvoir dans Black Hole Rising).
Deux campagnes pour deux fois plus de plaisir ?
Ainsi, le titre regroupe les deux campagnes des deux cartouches de GBA, qu’il est possible de faire dans l’ordre de notre choix, même s’il nous est vivement déconseillé de lancer la seconde en premier. On y retrouve une galerie de personnages hauts en couleur, et un scénario qui n’a que peu d’intérêt, narré sous la forme de dialogues en plan fixe, partiellement doublés en français. Niveau mise en scène, on est sur un niveau abyssal, repris quasiment tel quel des versions du début des années 2000. Dommage, il y avait moyen de faire mieux, et de raconter quelque chose de plus intéressant.
La petite nouveauté, c’est qu’il est possible de rejouer les différentes missions que l’on a débloquées, en baladant un curseur sur la vaste map des deux modes Campagne. Une fois la première terminée, on acquiert même l’accès aux affrontements que nous n’avions pas réalisés, un petit plus qui fait grossir sa durée, sans cela un brin décevante. Et bien entendu, comme à l’époque, vous aurez la possibilité de relancer les aventures en mode Expert une fois terminées une première fois, en débloquant celui-ci chez Hachi.
Un niveau de difficulté légendaire, repris là encore tel quel, ce qui ne sera pas sans faire grincer des dents aux connaisseurs (et aux nouveaux venus par extension) qui prendront en pleine poire un mur de difficulté lors de certains affrontements. On se rappelle d’une fameuse mission face à Kanbei dans la campagne du premier opus, où une unique combinaison de déplacements est à réaliser pour parvenir à la victoire. Ce qui contraste beaucoup avec le mode Classique, calqué sur la difficulté et l’IA des jeux d’origine, manquant a contrario de challenge.
Quant au contenu, malgré une durée moyenne pour les campagnes en mode Classique, puisqu’il vous faudra une petite vingtaine d’heures pour en voir le bout si vous êtes un habitué du genre, on est sur du très solide. Advance Wars 1+2 Re-Boot Camp embarque toutes les maps trouvables dans les cartouches de GBA. À réaliser en mode VS (jouable en ligne, en local, voire sur la même console) ou Quartier Général (qui vous attribuera une note et une somme en argent à la fin de chaque mission, comme dans la campagne).
Le tout est à acheter au Magasin de Hachi, au même titre qu’une tripotée de généraux et de collectables (dont l’intérêt demeure discutable). Quant à la création de cartes, elle est toujours de la partie, bien heureusement, et il est même possible de partager ses créations en ligne, une riche idée ! Dommage que l’on soit restreint à des maps de 20 cases par 30, ce qui demeure malheureusement assez mince. C’est suffisant, entendons-nous bien, mais on aurait aimé plus.
Quelques réserves néanmoins
Dans les faits, tout est là. Et on ne va pas vous mentir, nous n’avons pas boudé notre plaisir à retrouver Andy et sa clique après autant d’années d’absence. Mais il faut malgré tout clarifier un point crucial : cette version ne fait rien de mieux que les originales. À ceci près qu’elle offre la possibilité d’accélérer les combats via la pression d’une simple touche, ce qui est effectivement agréable, surtout lorsque l’on joue sans les animations ; mais aussi qu’elle acquiert une option permettant de recommencer son tour de zéro ainsi qu’une sauvegarde automatique grâce à laquelle quitter le jeu (même en pleine bataille) ne sera jamais un problème. Reconnaissez que cela fait peu comme nouveautés remarquables, ou comme améliorations du confort de jeu.
Car en étant si proche du modèle, cette version Switch oublie finalement ce qui a été fait de meilleur ces quinze dernières années, notamment du côté d’un Wargroove immensément inspiré par le travail de Intelligent Systems. Pour commencer, malgré la touche précédemment citée, le jeu demeure un peu mou, et il n’est pas possible de passer les animations de Pouvoirs et Super Pouvoirs, ce qui finit par peser (surtout au cours des batailles s’éternisant).
Le système de médaille du premier volet a été repris en partie dans ce Advance Wars 1+2 Re-Boot Camp, mais l’application est moins valorisante pour les joueurs. Les connaisseurs s’en rappellent peut-être, celui de la cartouche originale avait quelque chose de grisant, qui faisait appel à l’esprit de collection, et fonctionnait à merveille. Dommage qu’il n’ait pas été repris tel quel, lui !
Plusieurs petits soucis nous ont aussi sauté aux yeux au cours de notre partie. On passera sur un bug de son nous ayant surpris au cours d’une mission de la seconde campagne, qui disparaîtra probablement avec les premiers patchs et n’était pas bien grave. Mais on excusera plus difficilement les quelques ralentissements que nous avons essuyés, ou le fait que la caméra se replace toujours au second cran (sur quatre) lorsqu’un général utilise un Pouvoir ou Super Pouvoir.
Quant aux missions des modes Campagne et Quartier Général, il faut le dire : elles fonctionnaient à merveille à l’époque, mais elles accusent parfois un manque de profondeur et de variété aujourd’hui, en comparaison à ce que nous avons pu goûter depuis. Il ne fait aucun doute que Wargroove offrait plus de diversité dans ses objectifs et ses maps, et il y a fort à parier que Wargroove 2 balaye d’un revers de la main la qualité globale de ce Advance Wars 1+2 Re-Boot Camp.
Notamment parce que son aspect visuel manque de quelque chose. Alors ce n’est pas moche, ne soyons pas mauvaise langue. Mais le résultat n’a pas le charme de l’ancien. Il aurait été plus judicieux de partir sur quelque chose de plus ambitieux, ou de choisir un rendu au style HD 2D, comme pouvaient le proposer Octopath Traveler ou Triangle Stategy. Sans cela, il paraît évident que cet opus manque d’identité, ce qui représente à coup sûr son plus gros défaut.
Cet article peut contenir des liens affiliés