Personne n’y croyait, même parmi les plus gros fans du premier épisode, pourtant c’est une réalité, Alan Wake 2 est bel et bien là. Ce petit miracle, on le doit autant à la persévérance d’un studio plein de talent, Remedy, qu’à sa propension à mettre en place des univers riches, et interconnectés. Oui, d’une certaine façon le succès de Control est la meilleure chose qui soit arrivée à l’écrivain, qui se retrouvait propulsé malgré lui dans un récit bien plus vaste que ce qu’il laissait imaginer en premier lieu, grâce à un DLC sobrement nommé AWE. Un peu plus de trois ans plus tard, et treize après la sortie du premier jeu, voici que Alan Wake revient dans une nouvelle aventure, suite directe de l’originale, annonçant un conséquent lot de surprises, et d’horreurs.
La bonne nouvelle, c’est que non seulement le jeu est destiné à une sortie exclusivement sur les consoles de nouvelle génération et le PC, ce qui promet une expérience digne des technologies actuelles, mais en plus, c’est ce bon vieux Sam Lake qui est aux commandes. Une personnalité très connue dans le milieu, puisque non content d’avoir participé au développement de plusieurs œuvres cultes, il a aussi prêté sa trogne à Max Payne dans sa première aventure. Ici, il ne se contente pas d’être derrière la caméra, puisqu’il joue un rôle dans l’histoire, aux côtés de Saga Anderson, nouvelle protagoniste qui viendra, entre deux passages dans la Dark Place aux côtés de Alan, apporter toute son expertise d’agent du FBI.
Avant de plonger dans l’horreur, voici un petit avant-propos qui peut vous être utile : non Alan Wake 2 n’est pas à conseiller aux nouveaux venus ! Comprenez par là qu’il se destine aux joueurs ayant déjà bouclé le premier opus, et ayant par ailleurs fait le tour de Control et de son DLC AWE. On déconseille fortement à ceux qui n’ont pas terminé ces aventures au préalable de se lancer dans ce survival horror. D’une part, ils risqueraient de louper une quantité non négligeable de clins d’œil, participant grandement à la richesse scénaristique de ce jeu mettant énormément l’accent sur sa narration. Mais c’est aussi la compréhension des néophytes qui est en péril, face à cette histoire qui ne fait aucune concession. Vous voilà prévenus.
Conditions de test : Nous avons passé environ 18h sur le jeu dans sa version Xbox Series X. Ce fut suffisant pour voir le terme de son aventure, explorer ses différentes zones, et boucler une partie du contenu annexe. À noter que nous avons fait face à de nombreux bugs, dont certains nous ont carrément empêchés de progresser pendant un moment, nous forçant à relancer à plusieurs reprises notre partie, voire carrément à farfouiller dans les options. Ce test est garanti sans spoiler.
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L’aventure débute sur une plage, en pleine nuit, alors qu’un homme d’âge mûr, bedonnant et complètement nu, s’extirpe péniblement d’un sable humide lui collant à la peau. Progressant à tâtons dans cet espace naturel un brin effrayant, il est éclairé par deux énigmatiques figures, retournant vite se cacher dans l’ombre, visiblement terrifiées par son accoutrement. Après quelques minutes de marche, le voilà rattrapé par un groupe masqué, vraisemblablement mal intentionné, qui l’attache sur une table et le tue d’un violent coup de couteau dans le thorax, avant de lui arracher le cœur à mains nues. Ainsi s’achève la séquence d’introduction de Alan Wake 2, autant perturbante que brutale.
On découvre rapidement que treize années se sont écoulées depuis la disparition de Wake. Mais aussi que ce que nous venons de voir se déroulait à Bright Falls, théâtre des événements du premier épisode, de surcroît aux abords de Cauldron Lake, lieu chargé d’une aura malfaisante, ayant déjà eu son rôle à jouer dans les pérégrinations de notre écrivain. Sur place, on découvre Saga Anderson et son coéquipier, un certain Alex Casey incarné par Sam Lake. On comprend que l’enquête a été récupérée par le FBI, qui a envoyé deux agents compétents sur les lieux, afin de déterminer si, comme le voudrait le rapport initial, la zone fait face à une épidémie de meurtres rituels, perpétrés par un culte dont personne ne semble rien savoir.
La bonne nouvelle, du moins pour le joueur, c’est que cette affaire est sur le point de prendre une tournure surprenante et sans précédent. Mais, et notre cher Alan Wake dans tout ça ? Eh bien ceux qui ont déjà pu boucler le premier jeu et ses DLC, ainsi que AWE, savent qu’il n’est plus exactement dans notre réalité, s’étant volontairement rendu dans un cauchemar orchestré par la présence sombre, un antagoniste mystérieux, dans le but de sauver Bright Falls, mais surtout de ramener sa femme à la vie. Si vous n’avez jamais touché au jeu, c’est sans doute là que vous commencez à comprendre pourquoi on déconseille cette suite aux néophytes.
De l’amour à la haine
Sans rentrer dans les détails de ce scénario, qui connaîtra de multiples rebondissements bien sentis, il est bon de noter que Alan Wake 2 fait des choix surprenants. Rien de ce que l’on pouvait imaginer avant de mettre les mains sur cette suite ne se réalise. À la place, on fait face à une aventure étrange, mystique, et toujours autant pleine de bonnes idées. Bonnes idées que sa mise en scène absolument divine exploite à merveille. Le titre de Remedy est d’une richesse étonnante, s’offrant une narration maîtrisée de bout en bout, des personnages fort bien écrits, et une quantité de clins d’œil qui ne tombent jamais dans le fan service regrettable.
Et ce n’est en rien gâché par une réalisation qui fait honneur aux machines actuelles. Alan Wake 2 est bel et bien un jeu nouvelle génération, comme le laissaient entrevoir les quelques séquences diffusées en amont de sa sortie. Techniquement, il est époustouflant, tournant globalement à merveille, même s’il n’échappe pas à quelques faiblesses par moments, notamment des bugs qui cassent un brin l’immersion. À ce sujet, certains sont plus problématiques que d’autres, pouvant bloquer complètement votre progression. Si l’on se doute que quelques patchs régleront ces divers problèmes, à la sortie néanmoins, l’appréciation ne peut qu’en être moins bonne.
Cela étant dit, Alan Wake 2 est une véritable leçon de mise en scène et de narration. Ses dialogues sont fort bien écrits, et il véhicule des idées visuelles et scénaristiques absolument lumineuses. Par ailleurs, sa progression est intelligente et permissive, laissant le choix au joueur d’incarner Alan ou Saga dans leurs aventures respectives. Une idée intelligente, là encore, qui permet à chacun de se forger sa propre histoire à son rythme. Rythme qui, cependant, demeurera lent, d’aucun dirait même mou, quelle que soit votre façon d’aborder les événements. Ce qui risque fort de décontenancer ceux qui ont connu le dynamisme du premier volet, mais aussi de Control.
Garder le Control
Parce que ce qu’il faut comprendre en premier lieu, c’est que derrière son image de Survival Horror à gros budget, Alan Wake 2 cache finalement une expérience narrative d’un genre hybride, ne rechignant jamais à ralentir son action. Voire à carrément mettre ladite action de côté. Si l’on retrouve bien un système de combat très classique, hérité de Resident Evil 4, auquel s’est ajouté tout le savoir-faire de Remedy qui s’est étoffé avec Quantum Break et Control, celui-ci représente finalement une partie très minoritaire dans l’expérience. Là où Alan Wake premier du nom faisait souvent monter la tension en ajoutant des ennemis, sa suite le fait à grand coup de mise en scène oppressante.
Ainsi, le titre pourra décevoir. Il n’est pas la suite que certains imaginaient, et il ne cadre pas aux attentes actuelles. Lorsqu’un jeu de ce calibre débarque, on sait que l’action y tiendra une place de choix, car les développeurs et éditeurs craignent plus que tout que nous lâchions la manette, que nous nous endormions. Or, Alan Wake 2 s’en cogne royalement. Lui, il est là pour vous raconter une histoire, prendre son temps. Ce qui ne signifie pas qu’il ne connaît aucun temps fort, loin s’en faut. Juste que ceux-ci interviennent moins souvent que dans le jeu original, et qu’entre-temps le rythme n’est clairement pas la priorité.
Ainsi, la majeure partie de son expérience peut se résumer à de l’enquête. Aux commandes de Saga, on fouine dans le monde réel, dans de grandes zones de toute beauté, à la recherche d’indices destinés à faire avancer l’intrigue. Après de longues investigations, on finit par se confronter à un peu plus d’action. Mais on retombe ensuite dans le même schéma. Du moins, quand le jeu ne décide pas de casser ses propres codes. Du côté d’Alan, la structure est plus ou moins la même, quoique s’offrant des mécaniques à part, permettant de petites énigmes environnementales qui fonctionnent à merveille, et rendent particulièrement bien à l’écran.
Code Quantum (Break)
Alan Wake 2 n’est pas nécessairement meilleur que son prédécesseur, il est différent. Ce qui signifie qu’il pourrait ne pas plaire à tous les fans de la première heure. Maintenant, sur la question de la qualité, cette suite surclasse de très loin toutes les expériences horrifiques auxquelles nous avons eu droit cette année, même le pourtant excellent Dead Space Remake. Le jeu de Remedy est d’une richesse qui fait plaisir à voir, mais qui surprend immanquablement, et ce à tous les niveaux. Nous parlions du visuel, plus haut, mais comprenez bien que non seulement la technique est un cadeau, mais en plus le titre est une véritable pépite artistique fourmillant d’excellentes idées.
On pourrait qualifier Alan Wake 2 de véritable bad trip, tant son expérience nous fait passer par des phases absolument absurdes à une cadence étrangement lancinante, le tout en incorporant assez d’horreur pour contenter ceux qui venaient se faire frissonner. Parce qu’on peut facilement se faire peur sur le soft. Alan Wake 2 est tantôt glaçant, tantôt absurde ; tantôt profondément dérangeant, tantôt à hurler de rire. Il souffle le chaud et le froid, sans jamais faire retomber le niveau de son écriture, et le résultat est mémorable. Bien que sa longueur ne joue peut-être pas en sa faveur. Condenser un peu plus ce qu’il avait à raconter aurait certainement été une bonne idée.
Mais à part cela, le jeu en regorge, de bonnes idées. La liberté dans le sens de la progression, par exemple. Les énigmes intelligentes qui ne prennent jamais le joueur par la main, surtout du côté de Saga dans le monde réel. Ce lore déjà riche, qui se mêle avec brio à celui de la licence Control, pour créer une nouvelle entité si impressionnante de cohérence qu’on pourrait presque croire que le studio l’imaginait déjà avant de sortir le premier Alan Wake. Un contenu annexe pas évident à dénicher ni à déchiffrer, qui se révèle gratifiant à découvrir. Ou encore des séquences lunaires, dont vous risquez de vous souvenir à vie.
Departure
Bien sûr, le titre n’est pas exempt de tout défaut. Nous citions plus tôt les différents bugs qui ont compliqué notre session, et nous ont fait craindre le pire à deux ou trois reprises, mais ce n’est pas tout. On pourrait aussi citer des combats qui manquent un peu de pêche, alors qu’ils fonctionnaient très bien dans le précédent. Une difficulté pas toujours très bien dosée, avec quelques passages frustrants. Rejoints par des checkpoints parfois mal placés, notamment lors de certains combats marquants. Une ergonomie perfectible dans l’inventaire, et une navigation fastidieuse dans la boîte à chaussure, qui sert de stockage, comme la malle de Resident Evil.
Et si les doublages fonctionnent à merveille dans la langue de Shakespeare, avec un jeu sans fausse note et des acteurs investis, même lors des phases en live action, il faut reconnaître que la version française a perdu de sa superbe. Le premier épisode bénéficiait du savoir-faire de comédiens francophones remarquables, et si certains sont de retour, comme le doubleur de Alan qui fait un travail exceptionnel, d’autres sont moins convaincants. Notez aussi qu’il n’est pas rare que le jeu repasse en anglais, sans prévenir, le temps de quelques phrases. Or, en l’état, lancer l’aventure avec les doublages en anglais n’est pas optimal non plus, car celui-ci souffre de nombreux problèmes d’affichage des sous-titres. Vous risqueriez de manquer des pans entiers de dialogues. Espérons que le développeur corrigera rapidement le tir à ce niveau.
Mais ce qui risque de diviser le plus, c’est assurément la mécanique de Palais Mental, que l’on trouve, sous des formes différentes, chez Saga comme chez Alan. Tandis que chez le second, les interactions en son sein sont légères et succinctes, chez la première, on peine longuement à trouver l’intérêt de cette fonctionnalité en premier lieu. C’est lent, pas forcément bien utile à l’avancée du scénario ou de l’enquête lors de certaines séquences qui se suffiraient parfaitement à elles-mêmes, et on a un peu l’impression, après coup, que ce n’est là que pour nous ralentir inutilement. Certes, certaines excellentes idées sortent de ce Palais Mental. Mais suffisent-elles à faire oublier l’agacement ressenti, par moments, à son contact ?
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