Après l’âpre douche froide qu’a été Aliens : Colonial Marines, tout portait à croire que la franchise ne se relèverait pas. C’était sans compter sur Alien : Isolation, un jeu de survie en vue subjective, qui sera parvenu à mettre tout le monde d’accord, même ceux que la frousse a empêché de dépasser les premiers niveaux. On semblait alors tenir une formule fonctionnelle, et il y avait tout à parier que l’on s’apprêtait à avoir droit à une ou plusieurs suites reprenant ce même concept. Pourtant, il n’en fut rien, et d’une certaine façon, on peut dire qu’après ce coup de génie que personne n’avait vu venir, Alien est plus ou moins retombé dans l’oubli sur consoles et PC.
Le projet Aliens RPG, développé par Obsidian Entertainment (Star Wars KOTOR 2, Fallout New Vegas, The Outer Worlds), est définitivement abandonné alors que les PlayStation 4 et Xbox One envahissent les rayons. Alien : Isolation fait feu de tout bois en 2014, et la réussite est totale. Il se paye alors le luxe de plusieurs DLC, puis revient même sur Nintendo Switch en l’an de grâce 2019. Mais toujours aucun nouveau jeu à l’horizon. Il faudra attendre le mois d’août 2021 pour voir débarquer Aliens : Fireteam Elite sur consoles et PC, un Third Person Shooter axé coopération qui, à défaut d’être mauvais, manquait énormément de personnalité.
Nous sommes pratiquement deux ans plus tard, et le bien nommé Aliens : Dark Descent vient de sortir. Nouveau projet convertissant la franchise horrifique à la stratégie en temps réel, il est développé par Thindalos Interactive, un studio français. Alors certes, personne n’attendait vraiment de STR dans l’univers de Ridley Scott et de Giger, ce qui couplé à une campagne publicitaire hasardeuse laisse assez peu d’espoir quant à l’intérêt que revêt ce nouvel opus. Pourtant, laissez-moi vous contredire si, vous aussi, vous ne voyiez en Dark Descent qu’un projet sans âme, destiné à gratter un peu de sous sur le dos des fans. Car on tient un jeu plus intéressant qu’il n’y paraît.
Conditions de test : Nous avons passé près de vingt heures sur la version Xbox Series X du jeu, ce qui fut suffisant pour voir le bout de son aventure. Au cours de notre partie, nous avons fait face à deux bugs nous obligeant à charger une sauvegarde plus ancienne (nous y reviendrons). Ce test est garanti sans spoiler majeur.
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ToggleEntre Isolation et XCOM…
Alors effectivement, personne n’attendait vraiment la franchise sur le terrain de la stratégie en temps réel. Mais après tout, pourquoi pas ? D’autant que Thindalos Interactive, studio indépendant basé à Paris, n’en est pas à son coup d’essai, ayant notamment planché sur Battlefleet Gothic : Armada. Un titre relativement solide, adaptation très respectueuse de l’univers de Warhammer 40.000, que la critique aura surtout taclé pour sa technique dépassée, un scénario peu engageant, et un manque de lisibilité global. Des défauts que gommera en grande partie sa suite, qui s’offrira par ailleurs un contenu nettement plus conséquent.
Contenu qui n’a rien à envier à celui de Aliens : Dark Descent, puisque le dernier titre de Thindalos Interactive n’a, pour sa part, aucun mode multijoueur à son actif, n’offrant pas le moindre prolongement à l’expérience une fois la campagne solo bouclée. Il faut dire qu’il remplace les vaisseaux spatiaux par une équipe coordonnée de Marines Coloniaux, dans un ersatz de XCOM prenant place dans des zones relativement grandes et ouvertes, où l’exploration sera de mise. Au même titre que la furtivité, d’ailleurs, puisque le titre nous fait rapidement comprendre que les Aliens sont loin d’être des créatures amicales. On tient là une expérience purement solitaire.
Aliens : Dark Descent pose rapidement une ambiance pesante, plutôt surprenante pour un jeu du genre. Il la doit à un travail satisfaisant sur les jeux de lumière ainsi que le sound design, d’une part, et à un concept un peu particulier, d’autre part. Particulier, parce qu’ici vous fondez des équipes de Marines dans le but de partir au secours de populations civiles, dans un premier temps, mais vous retrouvez rapidement pris de vitesse par des ennemis qui ne resteront pas passifs. De chasseur, on devient proie. L’intelligence artificielle aura à cœur de traquer le joueur avec une certaine intensité. Le mode de difficulté demeurant paramétrable, et avec lui, la violence et l’omniscience des adversaires.
Adversaires au pluriel, vous avez bien lu, puisque non seulement il faudra faire face à des créatures Xénomorphes d’une puissance et d’une résistance infernales, mais en plus, vous allez devoir vous battre contre vos semblables. Ce que Dark Descent justifie avec son scénario s’inscrivant avec un respect évident dans l’univers de Ridley Scott et Giger, sans pour autant se révéler transcendant, ou même indispensable à l’appréciation de cette expérience. Le titre distille du lore avec une certaine maîtrise, comme des petits bonbons qui viennent récompenser les plus gros fans de la franchise, mais passer à côté n’est pas handicapant.
Notez seulement que, là où Alien : Isolation s’inscrivait plutôt dans la continuité du Huitième Passager, premier film de la saga qui faisait la part belle à l’ambiance horrifique, Aliens : Dark Descent penche plutôt du côté des deux longs métrages suivants. L’action sera donc au cœur de l’expérience, mais elle ne se fera pas sans heurt, et chaque porte ou conduit de ventilation peut mener à la défaite de notre escouade. Heureusement, bien que le titre demeure plutôt complexe tout du long de son aventure, le joueur a pour lui un détecteur de mouvements efficace et particulièrement utile, dont se passer reviendrait à foncer tête baissée vers une mort certaine.
… avec une pointe de Darkest Dungeon ?
Si l’on peut affirmer sans mal que Aliens : Dark Descent porte du XCOM 2 en lui, la référence à Darkest Dungeon paraît tout de suite moins évidente. Pourtant, manette en mains, on ne met guère de temps à comprendre que les deux jeux partagent de grandes similitudes. En effet, dans le dernier jeu de Thindalos Interactive, nos Marines Coloniaux gagnent de l’expérience à chaque fois qu’ils partent en mission, ce qui leur permet de débloquer différentes compétences passives ou actives. Mais attention, car le niveau de stress qu’ils ont ressenti les pénalisera durablement, en les faisant développer différentes afflictions.
D’une peur panique du feu à une paranoïa accrue, ces malus varient en fonction des personnages et de ce qu’ils vivent en mission. Et il va falloir faire très attention à ce que vos Marines ne sombrent pas dans la folie la plus pure, poussée par une montée de stress trop intense. Car ils deviendraient alors beaucoup moins efficaces en combat, et pourraient ainsi conduire la totalité de votre escouade à la mort. Chose qui arrive très rapidement, si l’on ne se prépare pas avec minutie, ou si l’on sous-estime l’ennemi, qui a une fâcheuse tendance à nous tomber dessus par nuées mortelles lorsque l’on est repéré, suite à une rixe un peu trop bruyante.
Néanmoins, le titre se démarque de Darkest Dungeon sur deux aspects. Le premier, c’est que la mort de la totalité de notre escouade se solde par un Game Over, nous contraignant à charger une sauvegarde antérieure. Tandis que dans le jeu de Red Hook Studios, cela signifie un retour à l’envoyeur sans sommation et la perte irréversible de nos combattants. Ainsi, vous aurez parfois presque intérêt à sacrifier tous vos soldats lorsque vous en perdrez un au combat, si celui-ci vous était cher, pour reprendre quelques minutes avant le coup dur. D’autant que, malgré la présence d’un camp d’entraînement destiné à offrir un peu d’expérience aux Marines ne partant pas en mission, la barre d’XP monte plutôt lentement. Et le jeu sauvegarde régulièrement, sous conditions.
L’autre point sur lequel Aliens : Dark Descent se démarque de Darkest Dungeon, c’est évidemment sur la structure de ses missions. Le jeu de Red Hook Studios axe toute son expérience sur la génération aléatoire de ses niveaux, et d’une certaine manière, malgré la présence de quelques lettres, on peut dire qu’il ne raconte pas grand-chose. Ici, chaque déploiement sera l’occasion d’en apprendre plus sur les Aliens, mais aussi comment ils sont arrivés là. Les différentes missions offrent plusieurs objectifs qu’il est parfois possible de réaliser dans l’ordre de notre choix, parfois non. L’expérience est en quelque sorte beaucoup plus quadrillée et linéaire.
Notez que si le jeu est plutôt difficile, et demande une concentration de tous les instants pour éviter que les ennemis repèrent notre escouade, il est néanmoins possible de s’éclipser en cours de mission. On est chaque fois déposé sur les lieux par un véhicule, qu’il est possible d’appeler à différents endroits des maps (à condition d’avoir dégagé la voie, dans certains cas), et qui sera notre meilleur ami quel que soit le déploiement. Non seulement parce que ses mitrailleuses lourdes sont un secours absolument divin, mais aussi parce qu’il suffit de monter dedans pour éviter une horde imminente de Xénomorphes, voire pour rentrer directement au bercail. Ce qui sera parfois à privilégier.
Faire honneur au matériau de base
Aliens : Dark Descent est une expérience complète, qui nous fait vivre des combats haletants, d’une part, mais nous place aussi en charge des derniers survivants d’un vaisseau, avec ce que cela implique de gestion. Rien de bien compliqué, ne vous y méprenez pas, d’autant qu’il distille ses nouvelles mécaniques en douceur. Peut-être même un peu trop lentement pour ceux qui ont l’habitude de ce genre d’expérience d’ailleurs. Le résultat n’est pas exempt de défauts, notamment un certain manque de fioritures hors des combats, ou des explications un peu trop succinctes pour les néophytes. Mais la mayonnaise prend bien, et on ne s’ennuie jamais.
Du moins, tant que le jeu nous épargne ses cinématiques à base de dialogues, qui mettent en lumière un character design très perfectible, et une écriture qui ne brille jamais. Certes, comme dit plus haut, Aliens : Dark Descent est fidèle au matériau de base, et s’offre de belles références qui feront plaisir aux amoureux des films. Néanmoins, il faut reconnaître que les répliques de nos Marines tournent en rond, et sont souvent ridicules, tandis que les protagonistes faisant avancer l’histoire tombent dans des facilités d’écriture navrantes. Dommage, car en choisissant de marquer un peu plus son inspiration des films d’action des années 80, le titre aurait certainement été plus mémorable à ce niveau.
Reste que l’entièreté de sa proposition demeure solide. Le gameplay en mission offre de sympathiques possibilités d’approche, à condition de bien choisir l’évolution de nos Marines. D’ailleurs, la prise en mains sur console manque de précision, c’était à prévoir, mais demeure plutôt réussie malgré tout. Il y a peut-être un certain temps d’adaptation à prévoir, mais le tutoriel plutôt complet et bien pensé est suffisant pour nous mettre pleinement dans le bain. On ressent néanmoins que le titre manque un brin de finition, notamment en ce qui concerne son intelligence artificielle, qui fait parfois n’importe quoi.
Nous nous sommes par exemple heurtés à deux reprises à un Marine se bloquant purement et simplement à un endroit et n’en bougeant plus. La seconde fois, suite à une attaque d’Aliens, ledit Marine a fini par foncer tête baissé vers le véhicule d’extraction, provoquant un bug supplémentaire empêchant l’escouade de monter à bord et s’enfuir. Deux séquences que nous avons donc dû recommencer en chargeant une sauvegarde antérieure. Et ce n’est pas tout, puisque nous avons aussi fait face à pas mal de petites imprécisions, notamment venant du curseur, lorsque soldats ou tourelles chevauchent une porte. Rien de rédhibitoire, certes, mais cela peut se révéler agaçant.
Enfin, un petit point sur l’aspect visuel du jeu, qui lui non plus ne brille jamais vraiment, mais a tout de même le mérite d’essayer, et d’être constant. L’ambiance véhiculée par les décors ensanglantés est palpable, mais il faut reconnaître que les environnements intérieurs se ressemblent tous un peu trop, ce qui dessert l’exploration. Aliens : Dark Descent manque peut-être un peu d’identité visuelle, en dehors de ses créatures, et malgré une bonne volonté qui se ressent. Un défaut qui n’en est plus un, une fois que l’on a plongé tête baissée dans son atmosphère, mais que l’on aimerait voir corrigé si suite il y a. Ce que l’on espère.
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