Les aventures narratives sont, pour la plupart, associées au vilain terme de « Walking Simulator » ont du mal à sortir du lot. Le genre demande de tisser une histoire assez engageante pour que le joueur accepte son simple rôle de spectateur. De ce fait, le sujet se doit de toucher émotionnellement le joueur en faisant appel à son vécu. Artifact 5, les développeurs et éditeurs d’Anamorphine, ont fait leur possible pour traiter graphiquement le thème de la dépression.
Sommaire
ToggleL’interprétation d’intentions
Dans cette courte aventure d’une heure environ, il s’agit d’explorer les environnements qui retracent le vécu d’un couple de manière linéaire. L’histoire est facile à assimiler malgré l’absence de dialogues ou de textes présents sur la majorité des jeux du genre. Pour faire simple, le joueur incarne un homme nommé Tyler qui s’installe dans son appartement avec Elena, sa compagne. L’appartement est à explorer dans les moindres recoins pour comprendre les étapes de vie par lesquelles le couple est passé. On comprend rapidement qu’Elena, violoniste talentueuse, performe à l’Opéra et donne des cours de musique aux enfants. Cependant, à la suite d’un accident de vélo elle se casse le bras (oui elle va vraiment trop vite!!). La jeune femme est incapable de reprendre en main son art : la dépression désormais la tourmente nuit et jour. C’est ainsi que Tyler se retrouve impuissant face à une véritable descente aux enfers.
Il est difficile de se projeter dans l’état de dépression si non vécue de près ou de loin.
Je fais une parenthèse pour souligner à quel point le sujet traité est difficile. Il y a peu de studios qui oseraient effleurer le thème. L’industrie est grandissante, de nouveaux horizons se profilent laissant aux studios ambitieux l’occasion de s’attaquer à de nouveaux terrains inexplorés. En effet, les sujets difficile à traiter comme les maladies mentales ne sont pas légions. La référence la plus notable est Hellblade (Ninja Theory) qui a su amener le sujet dans nos mains et traduire la maladie d’une manière graphique et sonore. Anamorphine quant à lui, n’arrivera pas à la cheville d’une telle prestation…
Beaucoup de maladresses sillonnent le jeu et empêchent l’histoire d’éclore.
Artifact 5 clairement tente d’emmener un sujet qui lui tient à cœur d’un couple qui s’émiette après un tragique accident. L’intention louable au travers des visuels originaux pour illustrer l’état émotionnel qui se retrouve spectateur des méandres de son couple. Mis à part observer l’environnement et naviguer dans celui-ci, le joueur est totalement spectateur des événements qui se déroulent. Le plus étrange c’est qu’on passe une grande partie du temps dans les souvenirs précédents l’incident. Les conséquences après la tragédie ne sont même pas abordées ! Voir survolées…
Mémoires bancales
Tyler est sans aucun doute affecté par les événements qui tournent en boucle dans sa tête. Cette sensation est représenté dans une sorte de hub dans lequel il est possible de naviguer pour visiter les salles composant ses souvenirs de l’événement. De nombreux embranchements sont présents et finalement la seule façon de faire progresser l’histoire est de rejoindre la pièce centrale du lieu. C’est assez décevant et frustrant de se sentir comme un fantôme errant sans pouvoir d’interaction. Sans rien vouloir spoiler, je souhaite pointer du doigt que le jeu possède une fin à libre interprétation trop vague.
L’arrivée brutale des crédits de fin laisse un goût amer à l’expérience.
A vrai dire, au bout des vingt première minutes du jeu on a déjà fait le tour du pot et arpenter les décor devient un vrai calvaire. Pour le coup le joueur déprime également à sa façon pour en voir le bout. L’action semble se répéter en boucle et Tyler perd complètement la boule à mesure qu’on se rapproche du présent. La spirale infernale dans laquelle le joueur se voit aspiré prend fin sans prévenir. En effet, je me suis même demandé s’il y avait une volonté de faire un jeu par épisodes – ce qui aurait pu aider à nourrir l’intrigue, mais non. Le message est plutôt clair dès le début et le jeu fait l’impasse sur une conclusion. Cela traduit le manque d’approfondissement d’un thème si délicat à manipuler et la distance qu’on éprouve lors des phases de jeu rend l’expérience impersonnelle.
La fin est le plus joli raté de cette production.
Pour ne pas finir sur une mauvaise perspective, le sound-design est tout bonnement fabuleux. La musique est magnifique et les autres bruitages sont disposés de manière très intelligente. Par moments le son vous guidera sur la bonne voie à suivre dans des zones trop capillotractées pour y parvenir sans indices sonores. En effet, le meilleur moyen d’en profiter sera de jouer au casque afin de profiter d’une fonctionnalité qui pourrait passer inaperçue ! En aucun cas le travail effectué sur la spatialisation du son est mauvais, au contraire. Le seul hic est sa conceptualisation visuelle au même titre que son pauvre level-design en couloirs interminables et d’aller-retours… En effet, il est rageant de se retrouver devant un flan alors que la recette du menu semble mémorable ! Les décors font l’objet de créativité exemplaire gâchée par des randonnées sans queue ni tête en vélo dans un désert interminable (vous comprendrez pourquoi si vous y jouez).
Au bout du rouleau
C’est véritablement le sentiment que j’avais à l’approche de la fin du jeu. Un bon nombre de jeux de ce genre optent pour une expérience mémorable. Cependant, Anamorphine semble louper le coche… Pour avouer toute la vérité, le jeu ne semble tout simplement pas abouti. La musique a beau être excellente, elle ne rattrape pas le peu que le jeu a à offrir. Et encore, la bande sonore est plaisante mais ça ne va pas plus loin. Quel dommage pour un jeu qui traite d’un sujet si intéressant d’un point de vue émotionnel, même vu de l’extérieur l’état mental dégradant d’un être cher se doit de vous toucher. Les développeurs sont conscients de la gravité du sujet qui pourrait même affecter émotionnellement le joueur. De ce fait, une option permettant de sauter certains passages durs à digérer. L’idée est excellente et montre une certaine prise de conscience à laquelle plus de développeurs devraient songer ! C’est la petite option qui semble anodine au premier abord, mais qui pourrait éviter à bien des personnes de revivre des souvenirs enfouis, trop durs encore à digérer. Je pense qu’il est important de le faire remonter.
Synthétique dans son approche visuelle, très basique en animations, textures pauvres et des décors sans vie.
D’un point de vue technique, le jeu tourne sur la plupart des PC actuels à moins d’avoir une machine qui tourne au charbon. Les contrôles à la souris fonctionnent relativement bien, cependant les déplacements à la main sont horripilants. Le jeu hérite encore de quelques bugs de développement mais rien qui ne provoquera un BSOD. Par contre, les sauvegardes automatiques sont assez hasardeuses et parfois ne marchent même pas ! Il est possible de finir le jeu d’une traite alors ce n’est pas bien grave finalement. La VR est une fonctionnalité disponible pour le jeu, je n’ai pas eu l’occasion de faire le test avec un casque de réalité virtuelle. Un fort doute sur l’intérêt d’y jouer en VR me turlupine, à réserver pour ceux qui ont le casque qui prend la poussière.
Cet article peut contenir des liens affiliés