Au cours de la dernière décennie, la série Ace Attorney aura connu une période assez difficile en France. Entre jeux bloqués au Japon et opus indisponibles en français, être fan francophone de la série était relativement compliqué. Seule semblait trouver grâce aux yeux de Capcom la première trilogie, élevée au rang de classique du jeu-vidéo, que l’éditeur n’a pas manqué de ressortir sur tous les supports possibles et imaginables.
Alors que les joueurs s’étaient plus ou moins résignés à jouer en boucle aux trois premiers jeux, 2021 marquera un vent nouveau pour la série, avec un revirement de la part de Capcom, qui sortira The Great Ace Attorney Chronicles pour la première fois hors du Japon.
L’éditeur ne semblant pas vouloir s’arrêter en si bon chemin, c’est à présent au tour des opus 4, 5 et 6 de la série de connaître leur propre compilation. Après toutes ces années à l’abandon sur 3DS et mobiles dans la langue de Shakespeare, Apollo Justice: Ace Attorney Trilogy, qui sortira le 25 janvier prochain sur Switch, PC, PS4 et Xbox One, représente-t-elle un retour en fanfare pour ce qui était jusque-là les opus mal-aimés de la série ? Apollo restera-t-il dans l’ombre de Phoenix ?
Conditions de test : Nous nous sommes principalement concentrés sur Dual Destinies et Spirit of Justice, que nous avions déjà eu l’occasion de faire à leur sortie. Nous avons joué à la majorité des affaires de ces jeux, pour un total d’environ 50 heures, avec une version non finale fournie par Capcom, sur Steam.
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ToggleLe respect de (la) Justice
Pour expliquer en quoi la sortie d’un jeu en VF en 2024 est un événement, il est bon de revenir un peu sur l’histoire de la série en France. Arrivée en Europe en 2006 sur DS, la série Ace Attorney a connu au fil des années une histoire assez compliquée en occident, notamment en France. En dépit d’un groupe de fans fidèles et assez vocaux, elle a à l’époque peiné à trouver son public. D’une part à cause de son format de visual-novel, auquel les Français et plus largement les occidentaux étaient assez peu habitués, et d’autre part à cause de problèmes logistiques retardant Trials and Tribulations, le troisième opus de la série, et le faisant sortir presque six mois après l’épisode 4.
C’est donc en mai 2008 que sortira Apollo Justice: Ace Attorney, qui suivra les aventures non pas du bien-aimé Phoenix Wright, mais du jeune avocat Apollo Justice, plusieurs années après Trials and Tribulations.
Malencontreusement débarqué comme un cheveu sur la soupe au milieu de la première trilogie, le jeu recevra un accueil assez mitigé, malgré les qualités dont il faisait preuve, notamment avec son gameplay tirant parti des fonctionnalités de la DS.
Une réception si fraîche que, un changement de console et de scénariste plus tard, ce sera finalement Phoenix qui redeviendra plus ou moins le personnage principal de la série avec Dual Destinies et Spirit of Justice. Probablement une tentative de la part de Capcom de redonner du poil de la bête à la licence, tout en faisant fi du support physique et d’une traduction autre qu’anglaise pour ces deux derniers opus.
Après un petit portage uniquement en anglais sur 3DS et mobile pour Apollo Justice « histoire de dire », c’est dans cette situation un peu étrange dans laquelle se trouvait la seconde trilogie ; présente, mais clairement pas une priorité pour Capcom. Du moins jusqu’à maintenant.
Monsieur et Madame Dubois ont une fille…
Comme son nom peut l’indiquer, Apollo Justice: Ace Attorney Trilogy regroupe les opus 4, 5 et 6 de la série principale, respectivement Apollo Justice Ace Attorney, sorti à l’époque sur DS, Phoenix Wright Ace Attorney Dual Destinies et Phoenix Wright Ace Attorney Spirit of Justice, sortis quant à eux sur 3DS.
Contrairement à la première trilogie Ace Attorney, qui comportait alors trois jeux sortis sur le même support et traduits en français, Apollo Justice: Ace Attorney Trilogy a la particularité d’en comporter deux qui n’avaient jusqu’à présent jamais été traduits. Une première donc pour les fans francophones de la série.
Compte tenu de la réputation de la franchise quant à la qualité de sa localisation, l’une des premières questions que les joueurs seront à même de se poser est « La traduction est-elle à la hauteur de celle du reste de la série ? », un point sur lequel nous pouvons tout de suite les rassurer : il s’agit d’un grand oui. Les textes sont traduits avec toute la finesse des premiers opus et conservent la personnalité de chacun des personnages, tandis que les noms, et notamment leurs jeux de mots, qui faisaient tout le sel de la VF, ont été localisés avec beaucoup d’humour et de créativité. Mention spéciale à l’enquête bonus de Dual Destinies, « Volte-face à la barre », qui nous propose un panel de personnages aux noms particulièrement savoureux, que nous laisserons aux joueurs tout le loisir de découvrir par eux-mêmes.
Quelques erreurs d’orthographe ont cependant réussi à passer entre les mailles du filet, majoritairement dans le musée du jeu, où l’on peut trouver des erreurs sur certains noms de personnages, ou même parfois un oubli de localisation. Des erreurs cependant relativement rares dans le jeu lui-même puisque durant notre playthrough nous n’en avons détecté que quelques unes qui ne devraient en aucun cas nuire à l’expérience de jeu. Nous espérons tout de même qu’un correctif sera apporté, car il est toujours malencontreux de tomber sur ce genre de faute sur un jeu quasiment entièrement basé sur du texte.
Comme évoqué dans notre aperçu, la mise à jour graphique, plus flagrante sur l’épisode 4, est de particulièrement bonne facture, et même supérieure au travail qui avait été fait sur la première trilogie. Un résultat sans doute dû à la qualité des sprites originaux, bien moins datée que celles des trois premiers jeux, qui arrivaient quand même de la GBA. Un petit bémol cependant sur certaines cutscenes 3D, déjà sacrément datées à l’époque, qui sont restées telles quelles sur cette version.
En plus de son passage à la HD et d’une traduction inédite, cette compilation propose également quelques petits ajouts plutôt sympas, tels que les affaires DLC de Dual Destinies et Spirit of Justice, pour un total de 16 affaires réparties entre les trois jeux, ainsi que, à l’instar de TGAAC, la possibilité de changer les tenues des personnages.
La compilation est également dotée d’un musée, dans lequel les joueurs pourront retrouver une galerie comprenant les cutscenes du jeu ainsi qu’une sélection de concept art, le Hall de l’orchestre avec plus d’une centaine des pistes, dont certaines issues des concerts live, et enfin le studio d’animation, dans lequel il sera possible de réaliser différentes mises en scène grâce aux sprites et animations des personnages.
L’esprit de la loi
Pour revenir rapidement sur le scénario, Apollo Justice: Ace Attorney suit les aventures du jeune avocat éponyme devant résoudre, comme Phoenix Wright avant lui, différentes affaires de meurtres afin d’innocenter son client accusé à tort.
Dual Destinies, se déroulant un an plus tard, suivra plus largement les membres de l’agence à tout faire Wright, dont sa nouvelle recrue, Athena Cykes, dotée d’une ouïe particulièrement fine qui lui permettra d’entendre les émotions dissonantes dans le cœur des témoins et ainsi de déceler des incohérences dans leur récit.
Spirit of Justice, enfin, suivra ces mêmes protagonistes dans des affaires se déroulant tour à tour en France et dans le pays de Khura’in. Avec d’un côté Apollo et Athéna, chargés de garder la maison pour leur patron, et de l’autre Phoenix, parti visiter le pays de Khura’in pour y retrouver une vieille amie. Khura’in n’est cependant pas un pays des plus hospitaliers envers les avocats de la défense, qui depuis quelques années n’ont plus droit d’exercer, et où les procès s’articulent autour d’une séance de divination où sont lus les derniers moments de la victime. C’est dans ce contexte que Phoenix commencera bien malgré lui à s’opposer à ce système judiciaire… Trois protagonistes, donc, qui se succèderont dans différentes affaires, dont certaines se révèleront assez personnelles pour certains d’entre eux.
Prises individuellement, ces affaires sont plutôt intéressantes à jouer, mais il faut bien avouer que, à l’instar du reste de la licence, elles ne sont pas toutes de qualité égale et sont, d’une manière générale, en deçà de ce que proposait la première trilogie.
C’est tout particulièrement le cas pour Dual Destinies, où la trame scénaristique viendra complètement diverger du 4 et où l’abandon de certaines intrigues s’avère assez décevant. Spirit of Justice fera de son mieux pour proposer quelque chose d’un petit peu plus cohérent avec plus ou moins de succès. En effet, là où la première trilogie proposait un fil rouge sur ses trois épisodes, Spirit of Justice, malgré ses efforts pour récupérer des éléments d’Apollo Justice, ne le fait que véritablement sur un seul jeu et avec des personnages que l’on connaît à peine.
Des inégalités scénaristiques, donc, qui témoignent peut-être d’un rétropédalage de Capcom vis-à-vis de la direction de la série après le départ de Shû Takumi de la série principale, en enlevant à Apollo son rôle de personnage principal de cette nouvelle trilogie au profit non seulement du retour de Phoenix, mais aussi de l’arrivée d’Athéna, qui elle, bien que centrale au gameplay et au scénario, peine à s’imposer comme protagoniste à part entière, laissant un goût amer de potentiel gâché.
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