Lorsqu’une licence de jeu vidéo domine largement un genre, il est difficile pour les nouveaux venus de se faire une place sans souffrir de la comparaison avec une entité ayant une énorme expérience. Avec Ara: History Untold, Xbox et Oxide Games tentent ainsi de se faire une place dans le milieu des jeux de stratégie 4X (pour rappel : eXploration, eXpansion, eXploitation et eXtermination). L’excellent Humankind des français d’Amplitude a prouvé que l’on pouvait faire différemment et c’est ce qu’a aussi fait également Ara selon nous malgré un Civilization VII qui arrivera l’année prochaine. Voici notre verdict final sur ce gros condensé d’histoire.
Conditions de test : Nous avons joué plus de 25 heures sur la version PC (Steam) avec la configuration suivante : AMD Ryzen 7 5800X3D, 16Go de RAM DDR4, AMD Radeon RX 6700 XT. Nous avons essentiellement joué plusieurs parties en solo contre l’IA (difficulté vicomte et comte) en contrôlant plusieurs nations et leaders différents. Bien que l’on rappelle qu’il s’agissait d’une version anticipée destinée à la presse et ne bénéficiant pas des dernières mises à jour, nous avons uniquement constaté quelques bugs visuels au niveau des textes.
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Comme certains internautes s’en amusent, « Ara » ne fait pas référence à la célèbre interjection japonaise, mais les développeurs ont effectivement choisi un titre qui a du sens. Le studio s’est inspiré d’un mythe de création issu des peuples de Bornéo, une île d’Asie du Sud-Est. Ce mythe raconte l’histoire de deux oiseaux géants, Ara et Irik, qui auraient formé la terre et le ciel. L’oiseau « Ara » symbolise, dans ce contexte, un rôle créateur, représentant la formation de quelque chose de grand et puissant, comme la terre. De plus, « Ara » peut aussi signifier « Roi » en arménien, ou encore « Autel » en latin.
Le titre du jeu a ainsi une signification multiple. Il évoque à la fois le leadership (roi), le spirituel (autel), et la création (mythe de Bornéo). Des thèmes intimement liés à l’essence du jeu de stratégie où l’on façonne une civilisation et où l’on écrit sa propre version de l’histoire (c’est là qu’intervient notre « History Untold »). Voilà qui résume assez bien ce que propose Ara: History Untold pour les néophytes du genre.
Il est plutôt amusant de remarquer que, durant toute la communication autour du jeu, Xbox et Oxide Games ont soigneusement évité de prononcer le mot en « C ». Pourtant, le jeu est développé en grande partie par l’ancienne équipe de Firaxis, responsable de Civilization V. On comprend cependant leur volonté de se distancer au maximum de cette franchise emblématique du 4X, afin d’éviter l’étiquette de simple « clone de Civ ». Certes, Ara partage plusieurs similitudes avec l’ancienne formule de Civilization, mais cette nouvelle licence réussit à introduire suffisamment de subtilités et d’innovations pour offrir une alternative pertinente et rafraîchissante au genre.
Il permet aussi aux néophytes de s’initier à un genre pas forcément évident au premier abord. Pour rappel, les jeux de stratégie 4X, comme Ara, consistent à diriger une civilisation en explorant le monde, en étendant son territoire, en exploitant les ressources disponibles, et en affrontant ou en collaborant avec d’autres nations. Chaque décision prise — qu’il s’agisse du développement technologique, de la gestion des ressources ou des relations diplomatiques — influence l’évolution de l’empire. Le but est de prospérer à travers ces quatre axes, tout en adaptant sa stratégie à un environnement dynamique et changeant, où il n’existe pas de voie unique vers la victoire.
« Il ne peut en rester qu’un »
Pour son lancement, Ara: History Untold propose un contenu plutôt solide, avec plus de 40 leaders issus de figures historiques représentant des nations ou des civilisations anciennes. Vous pouvez, par exemple, incarner la Pologne avec Nicolas Copernic, la France avec Jeanne d’Arc, ou encore l’empire Songhaï sous le règne d’Askia Mohammed I. Bien que chaque partie demande une adaptation à l’environnement et aux autres nations, ces leaders possèdent chacun une caractéristique unique, ainsi que des malus et passifs qui influencent leur style de jeu. Cela permet d’adopter une stratégie propre, qu’elle soit axée sur le militaire, la religion, le commerce ou encore l’industrie, tout en affinant ce choix avec des détails supplémentaires.
Si vous optez pour une approche militariste, le Japon, par exemple, dispose d’un talent unique appelé Étude de la patience, qui vous pousse à agir de manière hostile envers les autres nations sans jamais déclarer la guerre vous-même. Cela permet de faire grimper la lassitude de guerre des autres nations tout en réduisant la vôtre. Dans un autre cas de figure, l’Allemagne de Bismarck favorise une approche plus industrielle de la guerre. Toutefois, on peut regretter le manque d’éléments distinctifs pour rendre les nations véritablement uniques, comme des constructions ou des unités exclusives à chaque civilisation. C’est notamment pour cette raison que l’on estime que le jeu est plus accessible aux débutants, qui pourront rapidement saisir et maîtriser les mécaniques, puisque les différences entre les leaders ne sont pas trop marquées.
Pour ceux qui recherchent une expérience un peu plus pointue, il faudra probablement attendre les mises à jour et DLC prévus par le studio, qui a annoncé un support à long terme et affirme prendre en compte les retours de la communauté. Le modding, également prévu pour une future mise à jour, pourrait aussi apporter davantage de profondeur sur des points très précis. Cela dit, cette critique n’enlève rien à la richesse et aux qualités déjà présentes dans Ara: History Untold. Le jeu simplifie certains aspects du genre pour mieux appréhender la complexité globale, comme le fait d’incarner une seule civilisation à travers les âges ou des affrontements simplifiés, ce qui évite notamment de survaloriser les stratégies militaires.
L’un des éléments centraux d’une partie est l’accumulation de prestige, que l’on peut obtenir de diverses façons (armée, commerce, gouvernement, religion, culture, science…). Cela offre une grande flexibilité pour atteindre la victoire, avec plusieurs chemins possibles. Une autre subtilité que nous avons particulièrement appréciée est l’obligation de survie à travers les trois actes qui rythment une partie. En effet, au cours des deux premiers actes, si une civilisation ne parvient pas à évoluer assez rapidement et à accumuler plus de prestige que ses rivaux, elle est purement et simplement éliminée du jeu. Les autres nations peuvent alors profiter des ressources laissées dans les ruines de cette civilisation. Cela oblige à bien réfléchir à sa stratégie et à rester compétitif tout au long de la partie, toutefois cela peut être frustrant lorsque l’on préfère un développement plus lent.
Un monde vivant
Le principe est souvent amusant selon les situations, mais nous avons constaté que l’IA peut être assez irrégulière dans son niveau d’hostilité. Même en difficulté normale (plus la difficulté augmente et plus l’IA est agressive), certaines nations ont eu des comportements incohérents malgré une approche pacifique de notre part. Lors d’une partie, par exemple, nous avions d’excellentes relations avec une nation voisine qui sans raison apparente est soudainement devenue hostile et a déclaré la guerre. Cela semble parfois aléatoire et nous avons eu l’impression que l’IA réagissait de manière incohérente lorsqu’elle était sur le point d’être éliminée d’un acte.
Un autre aspect qui distingue Ara de Civilization est son côté sandbox, qui offre des environnements plus vivants et réalistes. Contrairement aux hexagones classiques, la carte est découpée en régions de tailles variables, chacune avec ses ressources primaires et ses biomes distincts. Ce découpage apporte une immersion plus poussée et une carte très détaillée, sans doute l’un des points forts du 4X d’Oxide Games. C’est également un aspect qui nécessitera du temps pour être pleinement maîtrisé, car la prospérité de votre nation dépend fortement de la façon dont vous exploitez les ressources disponibles dans l’environnement, sans oublier les variations en fonction de l’Age actuel. De plus, avant de commencer une partie, un éditeur de cartes très complet permet de configurer différentes situations et d’adapter le terrain à vos préférences, ajoutant ainsi une couche supplémentaire de personnalisation pour des parties plus à votre goût.
Vous avez ainsi la possibilité de choisir un environnement caniculaire avec de vastes zones désertiques et peu de ressources alimentaires, ou encore un monde largement dominé par les eaux, favorisant un gameplay axé sur la navigation et les batailles navales. Il est même possible d’aller encore plus loin dans la personnalisation en ajustant l’inclinaison de l’axe planétaire, la température ou l’humidité. Dans l’ensemble, Ara pousse assez le côté « City Builder » par rapport aux autres 4X, ce qui se reflète dans ses graphismes, rendant le monde incroyablement vivant. Que ce soit les bâtiments, les fermes ou les zones dédiées à diverses activités, le souci du détail est impressionnant.
En zoomant suffisamment, vous pouvez observer les citoyens se déplacer et participer activement à la vie de l’empire. Cependant, cette attention aux détails est un peu moins marquée dans les batailles, qui proposent une vue optionnelle sous forme de vidéo. Bien que cela soit correct, on ne s’attend pas ici à un rendu aussi détaillé qu’un Total War. Le système de combat manque toutefois de clarté, notamment en ce qui concerne les formations et l’aspect « pierre, papier, ciseaux » entre les différentes forces armées.. Un autre point positif est la présence d’une narratrice qui introduit chaque leader et intervient à plusieurs moments clés de la partie, notamment entre les actes pour décrire l’approche que vous avez adoptée.
Un 4X fait comme un Ara
Ara: History Untold regorge de subtilités, que ce soit dans la gestion de la culture, des religions, ou de l’économie, qu’il serait laborieux de détailler ici. Ce qui ressort surtout, en plus des mécaniques déjà abordées, c’est son système de tours simultanés. Cela signifie que tous les joueurs effectuent leurs actions en même temps, que ce soit en solo ou en multijoueur. Cela implique que les joueurs ne connaissent pas les actions de leurs adversaires avant que leur propre tour ne soit résolu, de plus cela permet également d’annuler un mouvement en cas d’erreur tant que le tour n’est pas fini. Précisons tout de même qu’en multijoueur, les parties sont chronométrées, ce qui signifie que les joueurs doivent effectuer toutes leurs actions et appuyer sur « fin de tour » avant la fin du temps imparti.
Le jeu propose également un système de crafting particulièrement approfondi. Vous pouvez exploiter une grande variété de ressources pour fabriquer des biens destinés à votre peuple ou du matériel de guerre. Durant le dernier acte, il est même possible d’établir des chaînes de production pour créer des objets encore plus précieux. Les bâtiments et améliorations dépendent également de ces ressources, et il est souvent nécessaire de choisir où concentrer ses efforts : par exemple, fabriquer de la nourriture pour rendre les citoyens heureux ou développer des ressources militaires.
Au fur et à mesure que vos villes se développent, des Parangons peuvent apparaître. Ces figures historiques peuvent être assignées à votre nation en tant que conseillers (militaires, économiques, culturels, etc.), placées dans des bâtiments pour concevoir des chefs-d’œuvre, ou encore assignées à vos armées pour les renforcer. Bien que le système soit assez aléatoire, il permet de personnaliser davantage votre règne. Il y a même un succès assez rigolo où il est nécessaire d’obtenir les quatre artistes de la Renaissance ayant inspiré les noms des Tortues Ninja.
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