En 2016, les Espagnols de Lince Work publient Aragami, un jeu d’infiltration basé sur les principes de Tenchu né d’un projet étudiant. Réussi, et ce malgré quelques lacunes de jeunesse, le titre au 600 000 exemplaires vendus a donc eu droit à une suite sobrement intitulée Aragami 2, annoncée lors de la gamescom Online 2020. Nouvelle direction artistique, nouvelle histoire, niveaux plus étendus et combats directs font partie des caractéristiques de ce nouvel opus qui ne met pas pour autant l’infiltration et l’utilisation de l’Ombre de côté. Un pari réussi ?
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ToggleMourir tu ne peux pas, mais un Aragami sans visage tu seras
Aragami 2 nous emmène dans la vallée de Rashomon, une région toujours inspirée du Japon féodal. Celle-ci est envahie par une armée du nom d’Akatsuchi (rien à voir avec Naruto), et notre personnage dont on peut choisir le nom lutte pour sa liberté. Il est cependant assassiné, puis est ramené sans son humanité et incapable de réellement mourir. Il découvre alors le village de Kakurega, qui abrite un clan caché dirigé par Kurotsoba. Ce dernier lui offre un masque et lui explique qu’il subit la même malédiction que les autres habitants du lieu, leur faisant peu à peu perdre l’esprit tout en les privant de visage.
Notre héros ne peut donc plus mourir, mais sa capacité à ressentir quoi que ce soit a disparu. Il incombera donc aux joueurs d’Aragami 2 d’empêcher la destruction de la vallée, mais également de découvrir un moyen de lever la malédiction. Un postulat de départ très classique, qui motivera l’exécution de 51 missions en divers lieux. Si le récit décolle dans son dernier tiers, on peine à se sentir concerné en raison d’animations faciales très basiques quand elles ne sont pas tout simplement absentes, et les doublages ne sont pas très nombreux, probablement faute de moyens. Le reste des missions n’est que très brièvement contextualisé et le nombre très restreint de cutscenes n’aide pas à s’investir.
Aragami 2 aurait pu ramasser sa narration en divisant presque par deux le nombre de missions à accomplir. Il est vraiment dommage d’attendre les 4 ou 5 dernières heures pour voir les enjeux s’incarner et nous impliquer réellement. Ce constat s’applique également aux ennemis, qui sont assez peu variés : certains restent en place mais sont très dangereux, d’autres patrouillent, d’autres se tiennent prêts à attaquer à distance. Même l’introduction d’un ou deux nouveaux ennemis au cours de la progression ne parvient pas à atténuer ce sentiment de répétitivité. Notons enfin l’absence quasi-totale de boss, créant un étrange sentiment au niveau du rythme.
Un jeu trop copieux ?
Aragami 2 souffre d’un réel problème de structure, faisant qu’on enchaîne les missions tête baissée après de brefs passages au sein du village qui sert de hub, et où on peut recharger nos consommables, dépenser les points de compétences, acheter de nouvelles tenues, et fabriquer quelques runes modifiant les statistiques. Dans l’ensemble, Aragami 2 aurait pu être deux fois plus court sans que cela n’entrave la narration d’aucune manière que ce soit. On comprend que la présence de la coopération, par ailleurs très agréable lorsqu’on arrive à composer avec les dizaines de petits bugs et avec la caméra dans les espaces exigus, oblige à proposer un contenu plus conséquent, mais en solo, on en vient à se lasser.
Il faut dire que ce sentiment est renforcé par les objectifs des missions, trop peu diversifiés et/ou contextualisés. On élimine une cible, on récupère un document, on vole certains éléments, on écoute une conversation, et rebelote, dans une configuration légèrement différente avec plus d’ennemis et des objectifs qui se répètent en se cumulant parfois. Plus frustrant encore, les environnements, plus grands et beaucoup plus verticaux que dans le premier opus, ne sont qu’une dizaine. De ce fait, on parcourt en long, en large et en travers la ville, le petit village, la forêt, la forteresse ou encore la mine jusqu’à ne plus observer pour foncer, à l’aide de notre connaissance des lieux et des capacités débloquées.
Cela étant dit, la construction des zones est réussie, et permet d’effectuer des trajets différents à chaque passage et selon les envies. De plus, de nombreux objets et plans sont cachés dans les niveaux, mais ils ne servent qu’à fabriquer des éléments cosmétiques, à obtenir une meilleure note dans les missions, et à éventuellement fabriquer des runes. Un peu de gras pour les complétionnistes, en somme, mais qui n’apporte rien de très probant à l’expérience.
Un gameplay plus nerveux, plus libre
Être un Aragami, c’est se « téléporter » à travers les ombres pour atteindre un toit avec le Bond des Ombres, cacher les corps dans les fourrés, assassiner ou assommer les ennemis. Pour ce faire, on dispose d’une course et de roulades, mais également de capacités trouvant leur source dans l’Ombre. On peut ainsi devenir invisible en se collant contre un mur, devenir invisible lors du Bond des Ombres, siffler les ennemis, faire disparaître instantanément un corps, et même assassiner deux adversaires d’un coup tout en déclenchant un fumigène. Ces capacités sont à débloquer au sein d’un arbre de compétences, et peuvent même voir leurs effets renforcés.
Cependant, leur usage est limité par une jauge d’action et un cooldown plus ou moins long. Elle se remplit heureusement très et permet, avec un peu de doigté, de travers les environnements à toute vitesse, donnant un peu de nervosité à un genre qui mise plutôt sur l’observation en règle générale. Malgré tout, on regrette la disparition de deux choses liées aux pouvoirs des ombres dans Aragami 2. D’une part, la fin de la nécessité de trouver des zones d’ombres pour recharger les compétences, retirant un aspect tactique très intéressant du premier opus. D’autre part cette jauge est désormais très classique et n’es plus intégrée à une cape comme avant, réduisant un peu l’immersion. En revanche, l’utilisation du Bond des Ombres n’est plus limitée à ces zones situées dans l’obscurité, donnant une plus grande liberté de mouvement.
En plus de cela, on dispose de consommables, sous la forme de potions, de kunais, de fléchettes capables de désorienter l’ennemi ou de le pousser à attaquer ses comparses. On trouvera vite le type d’objets qui conviennent le mieux, même si l’ensemble des choses proposées font sens en coopération. A ce sujet, il est important de noter qu’Aragami est très agréable à jouer en coop à deux ou trois, voire même jouissif, surtout lorsqu’on parvient à coordonner les actions.
Mais Aragami 2 est également l’occasion pour les développeurs d’intégrer des combats frontaux. Il se base sur un système d’esquive et de contres. Il faut réussir à vider la jauge de défense d’un adversaire pour lui occasionner des dégâts, et cela passe par l’attaque et le blocage. Intéressant de prime abord, le système montre vite ses limites. La fenêtre de parade est en effet peu précise, et il devient très difficile de lutter contre plusieurs ennemis sans utiliser d’objets.
Une technique en retrait et une direction artistique moins percutante
Dès les premières minutes, le constat est là : Aragami 2 change de direction artistique et délaisse cet aspect cel-shading très marqué qui rendait le premier jeu remarquable. De ce fait, le rendu est moins flatteur et fait d’autant plus ressortir les limites du titre, sans être désagréable à l’œil pour autant. Les textures montrent qu’elles sont relativement peu détaillées, et certains effets font très datés. Il suffit d’ailleurs d’observer l’horizon pour constater des problèmes dans le chargement des shaders (même sur PS5) ou de progresser à grande vitesse pour constater quelques soucis dans les effets. Rien de rédhibitoire, mais des impairs suffisants pour regretter le rendu d’Aragami premier du nom.
Fort heureusement, l’agréable gameplay de cet Aragami 2 est très efficace, et rarement perturbé par des soucis techniques. Il nous est arrivé de passer à travers la carte à deux ou trois endroits bien précis, mais la chute hors des limites ramène le joueur à son point de chute, limitant ainsi la gêne. La caméra souffre parfois dans les lieux fermés ou lorsqu’on est très proche des murs, mais on apprend rapidement à faire avec. L’ensemble est accompagné par une musique efficace, même si le thème unique lié au village devient pénible au fil de la vingtaine d’heures nécessaires pour finir Aragami 2 en jouant de façon classique (accomplissement des missions, tentatives, légère fouille des niveaux).
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