Comment ne pas penser aux jeux Quantic Dream (et à ceux de Telltale) lorsque l’on débute l’aventure proposée par As Dusk Falls ? Rien d’étonnant à cela puisque l’on retrouve le studio INTERIOR/NIGHT à la baguette, qui est maintenant dirigé par Caroline Marchal, qui a été lead game designer sur Heavy Rain et Beyond Two Souls, et qui a donc une sacrée expérience dans le domaine du jeu narratif. La comparaison est donc inévitable, même si As Dusk Falls se veut être un jeu narratif d’un genre nouveau, appuyé par une forte direction artistique et une histoire plus terre à terre que celles des jeux du studio parisien. Une recette qui fonctionne bien, mais qui ne parvient pas à renouveler le genre pour autant.
Conditions de test : Nous avons terminé As Dusk Fall sur Xbox Series en environ 6 à 7 heures, avant d’explorer quelques embranchements narratifs différents afin de constater les changements apportés par certains choix. Ce test est garanti sans spoils sur l’intrigue, avec des images qui en montrent le moins possible ou qui ont déjà été montrées dans les trailers.
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ToggleBienvenue à Two Rock
Contrairement à beaucoup de jeux narratifs, As Dusk Fall prend le pari de construire un récit aux points de vue multiples, avec plusieurs personnages à incarner via différentes temporalité. On y suit surtout le destin croisé de deux familles, les Walker et les Holt, lorsque le chemin de ces tribus va s’entrechoquer suite à un braquage qui va bien mal tourner au fin fond d’un motel perdu dans l’Arizona (dans la ville de Two Rock) de la fin des années 90.
Chez les Walker, on suivra surtout Vince, le père de famille qui va tout faire pour protéger les siens des Holt, tandis que chez ces derniers, on assistera à tout cela via les yeux de Jay, le cadet de la famille, qui s’est retrouvé malgré lui dans ce bourbier inextricable et qui souhaite ne faire de mal à personne.
L’aventure se décompose alors en six chapitres, divisés en deux « livres », dont tout le premier est centré sur la prise d’otage, avec un récit entrecoupé de flashbacks pour mieux comprendre comment tout ce beau monde en est arrivé là. D’autres personnages gravitent autour de ces deux familles, comme un shérif pas très net, une gérante d’un motel qui perd tout du jour au lendemain, ou une jeune fille rêvant de liberté après un drame familial.
Si l’instauration de flashbacks est nécessaire mieux nous faire comprendre comment tout cela a démarré, il faut bien avouer que le rythme du récit en souffre quelque peu lors du premier livre, même si cela semble nécessaire étant donné que toute la partie consacré à la prise d’otage nous fait vivre une aventure très sous pression. C’est d’ailleurs durant ces moments-là que As Dusk Falls s’en sort le mieux, avec une vraie escalade dans la tension et des choix de plus en plus difficiles à faire.
On a bien du mal à savoir où toutes nos décisions vont nous mener, et c’est là toute l’intelligence du récit. As Dusk Falls nous présente des personnages complexes, très loin du manichéisme habituel que l’on pourrait retrouver dans ce genre d’intrigue. Prévoir les réactions de certains de ces protagonistes en devient d’autant plus difficile, sachant qu’aucun d’entre eux n’est tout blanc ou tout noir. Les motivations et les obligations de chacun entrent en conflit, et tout ce que l’on peut essayer de faire, c’est de choisir le moindre mal (du moins, si vous voulez garder le maximum de personnes en vie).
Des thèmes bien narrés, mais parfois limités
En dehors de cette grande scène d’action et de tension qui sert de théâtre au premier livre, As Dusk Fall aborde de nombreux sujets lourds, que ce soit l’adultère, les addictions, la corruption, la santé mentale, la maladie et même le suicide. INTERIOR/NIGHT a cependant l’intelligence de cacher, si on le souhaite, une scène forte qui pourrait mettre mal à l’aise certaines personnes face à tous ces thèmes pas toujours évidents à mettre en scène. Un geste appréciable, et qui ne gâche en rien la narration du jeu et le traitement de ces sujets, bien maitrisés.
Le récit parvient donc à nous captiver durant les premières heures, mais peine à conserver le même niveau d’intérêt dans cette seconde partie, un peu plus faible. Sans rentrer dans les détails, le fait que l’une des familles soit presque complétement écartée du récit pendant deux chapitres sur trois rend l’aventure beaucoup plus banale. Si As Dusk Fall découpe toujours sa narration en nous permettant d’incarner d’autres personnages, ces derniers sont loin d’être les plus intéressants. Et même lorsque l’on est de retour dans la peau de l’un des personnages principaux, on perd grandement en tension par rapport à la première partie.
Cela vient peut-être des choix que l’on a effectués, qui ouvrent des pans de récit un peu moins captivants que d’autres. A vrai dire, on a l’impression qu’As Dusk Falls s’en sort le mieux lorsque tout va mal. Impossible de se défaire du sentiment qu’il existe des raccourcis un peu faciles, que certains dialogues « obligatoires » sonneraient mieux si un tel était mort, ou si l’on avait pris une autre décision par le passé. Et puisqu’ici, on a choisi de faire la fameuse « perfect run » (on est des saints), on a parfois eu le sentiment que des scènes ou les réactions de certains personnages auraient mieux fonctionné avec un peu plus de drame, surtout dans le dernier chapitre.
Un récit aux multiples ramifications
Heureusement, pour palier à ça, le studio a décider d’implémenter un arbre à choix à la fin de chaque chapitre, qui nous permet de mieux voir tous les embranchements possibles. Cette arborescence n’est pas sans rappeler celle de Detroit Become Human, si ce n’est qu’il est ici bien plus complet, avec des détails sur les scènes et sur les choix que l’on a pu faire. On y voit aussi les statistiques des autres joueurs et joueuses du monde entier, avec le pourcentage des personnes ayant pris les mêmes décisions de vous. Un récupatiluatif à chaque fin de chapitre vous indique également le profil de joueur que vous êtes, avec les valeurs représentées par vos choix.
Et afin de ne pas nous frustrer, le jeu nous permet non seulement de visualiser l’arbre de chaque chapitre, mais aussi de rejouer à certaines étapes clés pour prendre d’autres décisions. Vous avez alors le choix de simplement relancer une scène et d’explorer les autres routes sans impacter votre sauvegarde, ou au contraire de rejouer en écrasant votre sauvegarde précédente, voire d’en créer une nouvelle. On ressent alors réellement les très nombreux chemins disponibles, et après avoir terminé une partie, on ne peut s’empêcher de se demander à quoi pourrait ressembler l’aventure avec des choix totalement différents (et c’est bien là tout ce que l’on attend d’un jeu du genre), même si l’on a tout de même l’impression de n’avoir que des « variantes » de fin pas tout à fait pertinentes (pour certains personnages).
On aurait aimé que cela s’accompagne de la possibilité de zapper certains dialogues, puisqu’il faut parfois recommencer loin pour prendre une seule décision différemment, mais c’est tout de même un confort non négligeable quand on veut explorer les différentes possibilité du récit. Il sera évidemment impossible de tout voir de cette manière sans recommencer de zéro, étant donné que des routes sont bloquées par rapports à des choix effectués dans des chapitres antérieurs. Cela permet au moins de rattraper quelques petites boulettes si vous avez manqué un QTE ou si vous avez pris une décision sans réfléchir.
Le point’n click à l’ancienne
En parlant du gameplay, vous l’aurez compris, As Dusk Falls s’appuie essentiellement sur des phases de QTE lors des scènes d’actions ou des passages plus tranquilles, comme faire la vaisselle. On vous l’accorde, ce n’est pas toujours passionnant, d’autant plus qu’en dehors de quelques moments sous tension où vous aurez peu de temps, ces QTE se ressemblent toutes et sont très simples pour la plupart. Le jeu se démarque un peu plus par son aspect point’n click.
Vous ne contrôlerez pas directement les personnages ici, mais seulement un curseur que vous pourrez déplacer dans les moments fixes, qui demandent un peu d’enquête. Dommage que cela soit un peu fastidieux à la manette, surtout dans la navigation des menus, très peu pratique. On apprécie tout de même ce feeling à l’ancienne, quand bien même cela rend la mise en scène un peu statique. Mais il ne pouvait en être autrement étant donné qu’As Dusk Falls tire son originalité de sa direction artistique et de sa mise en scène des plus singulières.
Un roman graphique qui peut diviser
Le jeu prend la forme d’un roman graphique, avec des personnage en 2D qui ont été redessinés à partir de performance de la part de vrais acteurs. Le tout est intégré dans des environnements en 3D, avec des objets qui le sont aussi pour la plupart, ce qui donne un rendu aussi étrange que captivant.
Si de notre côté, on a été séduit par la proposition, nul doute que cet aspect devrait diviser. Chaque action est décomposée, soi-disant pour mieux s’arrêter sur les expressions du visage, ce qui hache forcément l’action et ce qui rend certains passages parfois plus drôles que dramatiques (malgré eux). Un style qui ne devrait donc pas plaire à tout le monde, surtout sur plus de six heures d’aventure, mais force est de constater qu’As Dusk Falls parvient à se créer une vraie identité grâce à cela. De plus, avec ce côté statique, on assiste parfois à de très beaux plans, notamment parce que le rendu des personnages est souvent très réussi.
As Dusk Falls devrait faire plus l’unanimité du côté de sa proposition musicale, avec une ambiance folk-country qui fonctionne plutôt bien. Même chose pour son doublage, avec une mention particulière pour le casting français. En dehors de quelques rares erreurs de mixage sonore (dialogue qui se répète ou qui disparait), la qualité est bien au rendez-vous.
Avoir une VF bien produite est un gage d’accessibilité pour un titre du genre, qui ne lésine pas non plus sur les autres options de confort pour rendre l’expérience plus agréable. Entre la possibilité de ralentir les QTE, de paramétrer les sous-titres et d’autres choses, INTERIOR/NIGHT a fait les choses bien.
De quoi vous permettre de mieux configurer votre aventure pour l’adapter aux souhaits de vos amis, qui pourront vous rejoindre grâce à un mode multijoueur. Même en local, vous pourrez jouer jusqu’à huit personnes. Et pas besoin d’avoir huit manettes ici, vous pourrez utiliser des smartphones grâce à une application dédiée. Les choix se feront alors de manière collégiale, avec un système de votes. Une dimension multijoueur qui fait écho aux jeux de Supermassive, ce qui est toujours bon à prendre.
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