On ne s’en rend peut-être pas compte, mais c’était il y a maintenant dix ans que le tout premier Assassin’s Creed venait faire sa petite révolution dans le milieu de l’open-world. Dix ans. Après huit épisodes majeurs – neuf si l’on inclut Rogue – la licence est devenue un monument du jeu vidéo moderne, aussi imparfaite soit-elle. Il est donc difficile d’évoquer cet épisode sans revenir sur ses conditions de production, bien différentes de celles de ses prédécesseurs. Alors que la série nous avait habitués à un rythme de sortie annuelle, cet Origins intervient deux ans après un Syndicate en demi-teinte.
Une pause plus que nécessaire réclamée à cor et à cri par les fans désireux d’un renouveau, mais aussi lassés par les deux derniers épisodes qui n’ont pas su s’adapter aux nouvelles consoles. Heureusement pour eux, leur vœu fut exaucé et on peut dire avec certitude que Ubisoft a pris la meilleure décision possible. En laissant du temps aux équipes déjà à l’oeuvre sur l’épisode Black Flag, l’éditeur leur offre l’opportunité de révéler tout leur talent et de faire ressortir au mieux toute l’ingéniosité de la licence Assassin’s Creed, en nous livrant cette année l’épisode le mieux calibré et le plus abouti de la série, grâce aux multiples influences qu’il accueille. Cela suffit-il à faire d’Origins le meilleur opus de tous ?
Xbox One X : Nous avons également essayé la version Xbox One X d’Assassin’s Creed Origins et qu’elle est belle ! Ubisoft propose une optimisation aux petits oignons et peut se targuer de proposer une édition bien plus belle que ses concurrentes. C’est fluide et mention spéciale à la profondeur de champs qui nous offre des paysages magnifiques.
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ToggleQuand t’es dans le désert…
Lorsque l’on pense à un nouvel opus d’Assassin’s Creed, la question de la période historique visitée est probablement celle qui vient immédiatement en tête. Après s’être de plus en plus rapproché de notre époque contemporaine, Origins vient bouleverser toutes nos habitudes et nous présente la décadence de l’Egypte Antique, une ère finalement assez peu commune et peu présente dans les productions vidéoludiques de ces dernières années. C’est donc avec joie et curiosité que nous pouvons découvrir une période primordiale pour l’Histoire, mais aussi un cadre somptueux et magnifiquement rendu à l’écran.
Sans tergiversations, le monde ouvert de cet épisode est sans contexte l’un des plus beaux jamais visités, aidé par un moteur qui fera oublier les tares passées de la licence. Si l’on n’échappe pas à quelques bugs, inhérents à tout open-world et surtout à cette licence, ainsi qu’à quelques soucis d’affichage, l’Egypte que l’on nous offre est tout simplement splendide, regorgeant de centaines de panoramas absolument saisissants que l’on pourra capturer avec plaisir grâce au mode Photo.
Le monde ouvert de cet épisode est sans aucun doute le plus complet et le plus beau de toute la série.
Le plus beau dans tout cela, c’est que pour une fois dans la série, la direction artistique n’est pas desservie par la technique et lorsque l’on voit le travail titanesque des artistes sur cet épisode, on ne peut qu’être soulagé. Le soin accordé aux détails est remarquable, tout comme la diversité présente dans ce monde qui accentue encore davantage l’effet de dépaysement à chaque déplacement. Que cela soit Memphis, Alexandrie, Philadelphie ou encore le Fayoum, chaque lieu a son ambiance, son mode de fonctionnement et son esthétique, ce qui apporte une richesse visuelle qui fait plaisir à voir. On se prend alors rapidement au jeu de visiter chaque parcelle de la carte, immense au demeurant, pour profiter des différents paysages du titre qui nous donnent l’impression d’être minuscule, notamment face aux légendaires pyramides ou lors de balades près des vallées rocheuses.
Un Assassin pas comme les autres
Terminons ce guide touristique pour nous intéresser à l’un des autres points les plus essentiels de la licence, la question du héros. Alors qu’Ubisoft a proclamé son envie de « jeu en tant que service », les craintes autour du nouveau protagoniste étaient grandes, de peur que celui-ci soit dépersonnalisé au possible pour que le joueur s’identifie plus vite à lui. Après des héros fascinants comme Altaïr, Edward et principalement Ezio, figure emblématique de la saga, nous avions effectivement eu droit à des personnages moins marquants, moins développés et plus lisses, faisant alors écho au propos du studio. A la plus grande des surprises, Bayek vient balayer tout cela d’un revers de lame secrète.
Personnage noble en quête de vengeance, ce qui semblerait être une condition sine qua none pour tous les héros de la série, Bayek est loin d’être une coquille vide. Sur bien des aspects, il se révèle être l’un des héros les plus intéressants de la série, au caractère fort mais cachant une sensibilité pure. Il en est de même pour sa femme, Aya, bien moins dans l’émotion que son mari mais qui crève aussi l’écran et forme avec Bayek un duo vraiment attachant et sympathique à suivre. On regrettera seulement qu’elle ne soit finalement jouable que peu souvent, le temps de quelques séquences bien trop expéditives.
L’histoire de ce couple, assurément tragique mais que l’on n’évoquera pas afin de ne pas trop spoiler, se mêle de manière fluide à l’Histoire de l’Egypte de 48 av. J.-C., qui est en proie au chaos. Gouvernée par le pharaon Ptolémée, un dirigeant autoritaire ayant peu de scrupules, le pays et les cités se voient ravagés par les luttes de pouvoir internes, qui opposent principalement Ptolémée et la grande Cléopâtre qui veut s’emparer du pouvoir. C’est donc en tant que Medjay – une sorte de shérif avant l’heure – de cette dernière que Bayek va partir à la recherche de l’ordre des Anciens, une mystérieuse organisation cachée dans l’ombre qui semble tirer les ficelles de tous les complots politiques.
En somme, un schéma classique pour la série, dans lequel notre héros voyage dans le but de décimer les généraux ennemis à travers plusieurs missions d’assassinats. Une formule déjà vue, mais qui profite d’une meilleure mise en scène, notamment à travers des cinématiques plus travaillées, que cela soit dans l’action ou dans le comportement des personnages. A ce titre, on peut adresser une mention spéciale aux scènes post-assassinats qui changent du tout au tout de ce que l’on pouvait connaître, et s’autorisent à des partis pris créatifs assez intéressants. Le seul véritable point noir serait à adresser à l’introduction du jeu, assez brouillonne, qui n’aide pas vraiment à s’immerger dans l’aventure dès les premières heures, mais ce n’est finalement qu’une petite goutte d’eau dans le Nil.
La mise en scène des séquences d’assassinats est plus inventive que dans le passé, et vient mettre l’accent sur l’aspect mystique de la licence.
L’écriture s’est elle aussi bonifiée avec cet épisode, avec un soin apporté aux dialogues même si l’on reste encore assez loin de ce qu’a pu proposer un titre comme The Witcher 3. Cette comparaison n’est certainement pas due au hasard, puisque le titre de CD Projekt Red semble avoir bien inspiré les développeurs d’Origins, autant par le gameplay que par l’aspect narratif. On le remarque surtout face aux nombreuses quêtes annexes que nous propose le titre, à mille lieux de ce que la série avait l’habitude de faire. Exit les quêtes Fedex ou les plumes à collecter, place aux missions uniques qui prennent souvent la forme d’une enquête et qui possèdent leur propre histoire tout en bénéficiant d’un travail d’écriture plus important. Relativement longues pour certaines, elles donnent un véritable relief à l’aventure en nous présentant des personnages intéressants ou des éclaircissements plus que bienvenus sur le personnage de Bayek et son passé. Sans dire que ces quêtes sont toutes captivantes, on peut saluer l’effort mis en place et constater que la série va dans la bonne direction.
Plus qu’être dans le bon chemin à suivre, Origins semble avoir retrouvé ses ambitions narratives d’antan, avec la réapparition de la fameuse méta-histoire du présent. Grande oubliée des trois ou quatre derniers épisodes – soit depuis la fin de l’histoire de Desmond – elle fait ici son retour, de manière quelque peu timide mais qui fera plaisir à un bon nombre de fans de la série. Nous avons ici enfin droit à un véritable nouveau personnage, Layla, que l’on peut contrôler en vue à la troisième personne, comme au bon vieux temps. Si l’intérêt ludique des phases dans le présent reste grandement limité, on ne pourra passer outre le fait que l’on retrouve un feeling que l’on pensait perdu, une ambiance remplie de mystère et bourrée de références en tout genre. Comme dans le premier opus de la saga, on peut alors consulter les différents mails et fouiner à travers les dossiers qui apportent des easter-eggs plutôt sympathiques, lorgnant vers le fan-service mais qui ont le mérite d’attiser la curiosité. Le contenu de ces séquences reste maigre, mais l’idée d’avoir un retour de la méta-histoire promet de très bonnes choses pour la suite.
Un épisode qui assume ses ambitions
Comme son nom pourrait pourtant l’indiquer, cet épisode ne fait pas que dans la nostalgie, puisqu’il est un maillon primordial dans l’évolution du gameplay de la série. Au fur et à mesure des anciens opus, la licence avait eu tendance à s’orienter du côté Action-RPG, sans jamais s’y adonner pleinement. Avec Origins, la mue est complète et le titre embrasse fièrement le genre avec tout ce qu’il implique. La quête d’expérience devient alors le véritable moteur de progression dans le jeu, puisque Bayek et ses ennemis posséderont tous un niveau, avec les caractéristiques habituelles d’un A-RPG.
Avant même d’être visible sur le terrain, on peut constater la présence du level-scaling directement via la map du jeu, fragmentée en plusieurs zones selon les niveaux. Il faudra donc bien faire attention où vous mettez les pieds, puisque chaque rencontre avec un ennemi dont le niveau est supérieur au vôtre sera très souvent fatale. L’échec est d’ailleurs bien plus présent dans cet épisode, en partie dû à l’implantation de ces niveaux, mais aussi puisque la difficulté a été revue à la hausse. Ne comptez plus vous débarrasser d’un groupe d’ennemis tout seul, car le moindre affrontement qui impliquerait trois ou quatre adversaires du même niveau que vous vous sera plus que défavorable.
Les combats subissent un lifting considérable pour notre plus grand bonheur, et deviennent plus techniques qu’auparavant.
Heureusement pour vous, engranger de l’expérience se fait plutôt rapidement, le jeu étant généreux dans les points d’XP qu’il vous accorde à chaque mission accomplie. Comme dans tout bon RPG, vous serez aussi amenés à dépenser des points de compétences qui vous aideront dans votre aventure, et ce à travers trois arbres différents : Guerrier, Chasseur et Clairvoyant. Trois orientations qui ne modifient pas radicalement votre approche du jeu, mais qui apportent plus de diversité au gameplay, comme de nouveaux outils ou des capacités spéciales.
Ces points de compétences sont assez simples à obtenir, puisque chaque activité annexe vous fera progresser, à tel point que la montée en niveau s’effectue souvent sans s’en rendre compte, de manière presque naturelle. Entre les courses de chars, les combats à l’arène, les zones à compléter ou les explorations de tombeaux – géniales en passant, on a jamais la sensation de devoir véritablement grinder, d’être obligé de répéter sans cesse la même boucle pour avancer au fil du jeu. Tant mieux, puisque toutes les quêtes ont elles aussi un niveau pré-requis, et il vous faudra obligatoirement passer par ces activités annexes pour pouvoir espérer accomplir les quêtes principales qui commencent vite à être ardues.
En vérité, cette difficulté est en partie due aux changements significatifs apportés au système de combat. Là encore, et c’est peut-être ici que c’est le plus remarquable, Origins démontre son évolution vers le A-RPG avec des joutes plus techniques et moins automatisées que par le passé. A mi-chemin entre la brutalité des combats de The Witcher 3 et la patience requise des Souls, le système de cet épisode marque un véritable chamboulement dans la série et fait entrevoir des batailles bien plus réfléchies. Il vous faudra donc vous familiariser avec les deux sortes d’attaques, faibles et fortes, à l’utilisation de l’esquive et du bouclier ainsi qu’aux contres qui vous permettront d’infliger des dégâts critiques.
Le titre ne renonce pas non plus à son côté action, puisque malgré ce changement important, les combats restent très dynamiques et les coups peuvent s’enchaîner assez vite. On pourra jouer les aigris en prétextant que cet épisode ne fait que piocher dans ces influences sans vraiment réinventer la roue, mais le plaisir de jeu est bel et bien là. En plus de cela, Ubisoft a eu la bonne idée de donner à chaque arme un moveset différent, permettant alors plusieurs styles d’affrontements pour éviter toute lassitude malgré l’effort fourni sur la technicité de ces batailles.
Le loot enfoui de l’Egypte
Les armes – de mêlée ainsi que les arcs – ont donc leur propre niveau et leurs caractéristiques respectives. La grande massue vous permettra par exemple de taper plus loin et plus fort aux dépens d’une vitesse amoindrie, alors que l’épée courte fera tout l’inverse. En plus de cela, chacune de ces armes possède un style d’attaque finale, tantôt passive tantôt offensive, qui s’active après avoir rempli la jauge d’adrénaline de Bayek. Avec une lance, Bayek foncera sur l’ennemi pour l’embrocher sans que l’ennemi ne puisse se protéger, tandis qu’avec une épée courbée, notre héros déchaînera sa rage en portant des coups plus rapides, sans jamais se fatiguer et en ralentissant le temps autour de lui. L’utilisation de cette capacité peut donc vite être vitale, sans pour autant être permissive. Elle ne déséquilibrera jamais complètement le combat, mais pourra vous permettre de vous sauver la peau de nombreuses fois.
Mais avant de pouvoir tester toutes ces possibilités, il faudra vous équiper, ou plutôt looter. Oui, le loot est bien présent dans cet épisode, et en grande quantité. En tuant des ennemis ou en ouvrant la myriade de coffres présents autour de vous, vous pourrez avoir accès aux différentes armes très facilement, voire même en abondance. Cela deviendrait presque indigeste au bout de quelques heures, mais cette particularité est assez bien implantée pour éviter la course au loot constant et maladif comme dans d’autres jeux. En dehors de cela, vous serez aussi amenés à collecter divers matériaux, comme du fer ou du bois, ou encore des fourrures que vous pourrez obtenir en partant à la chasse, tout cela afin d’améliorer les caractéristiques de Bayek. Le loot n’est en effet présent que pour les armes, il va donc falloir vous mettre à la cueillette de matériaux premiers pour améliorer votre « armure ».
L’ajout du loot ne déséquilibre pas le jeu, et il est suffisamment bien dosé pour éviter toute source de frustration.
Partir à la chasse dans un monde aussi vaste peut avoir l’air assez déstabilisant au début, surtout avec un HUD plus simple que d’ordinaire et une simple boussole en guise de mini-carte. Vous pourrez alors compter sur Senu, l’aigle de compagnie de Bayek, qui s’occupera pour vous des plus petites bêtes comme les serpents, mais pas seulement. Véritable compagnon de voyage, Senu se révèle indispensable dans les phases d’infiltrations et les diverses missions de repérage. A l’aide d’une simple touche, vous pourrez en prendre le contrôle en lui faisant survoler les bases ennemis ou les coins dangereux, afin qu’il vous indique où sont nichés les ennemis. On ne va pas se mentir, on n’est pas loin du drone déjà présent dans les autres productions d’Ubisoft, mais le côté pratique l’emporte facilement pour laisser jouer notre suspension d’incrédulité. Sans Senu, l’infiltration serait donc extrêmement compliquée, et lorsque l’on connaît les problèmes de la série liés à cette particularité, on est bien content d’avoir un aigle magique à disposition.
Quelques grains de sable dans la sandale
Malgré tous les efforts entrepris dans cet épisode, les phases d’infiltration restent encore loin d’être parfaites, notamment à cause d’une IA parfois à côté de la plaque. Il n’est pas rare de voir un garde rester complètement stoïque alors que Bayek assassine l’un de ses compatriotes à dix mètres de lui, dans la plus grande des cacophonies. L’inverse est aussi vrai, avec des ennemis qui, tels Superman, se mettent à vous repérer derrière les murs sans raison aucune. Les outils mis à notre disposition permettent aussi trop de facilité dans l’accomplissement de ces phases, comme les éternels buissons qui vont rendront invisible beaucoup trop aisément. On note quand même que des évolutions ont été faites, notamment au niveau du level-design, plus inspiré, et qui permet plus d’approches et de liberté qu’auparavant, ce qui est très appréciable. Le fait que notre lame secrète ne soit plus synonyme de mort assurée demande aussi plus de précautions dans les assassinats, et il vous faudra parfois vous y reprendre à deux fois avant de mettre à terre un ennemi, au risque de vous faire repérer.
Bien que le côté infiltration gagne en liberté, on reste assez déçu de voir que cet aspect a encore besoin d’être grandement peaufiné.
Tout n’est cependant pas noir du côté de l’IA. Si certains gardes peuvent avoir un comportement étrange ou si le pathfinding de votre cheval fera souvent des siennes, on peut noter une nette amélioration par rapport aux anciens épisodes. Tous les personnages et les habitants semblent avoir leur propre rythme, différent selon l’heure de la journée ou de la nuit. On pourra donc croiser des gardes allant se coucher, allant même uriner parfois, ou encore des PNJ à qui l’on doit parler se balader à travers toute la ville, qui ne nous attendent pas bêtement comme des piquets. Cela ajoute une bonne dose d’authenticité et de vie à cette représentation de l’Egypte, en plus de ne pas casser l’immersion. C’est même visible en plein combat, puisque vos ennemis ne feront plus dans la chair à canon et ne feront plus la file d’attente pour s’en prendre à vous. Enfin.
Un mot pour terminer sur l’aspect parkour, indissociable de la série, qui subit lui aussi quelques modifications. Du moins, nous pourrions plutôt parler de simplification, puisqu’il suffira simplement de pousser le joystick et d’appuyer sur X ou A afin d’escalader tout ce qui nous barre la route. On reste malgré tout sur des acquis, et on pourra encore pester contre quelques accrocs lors de ces phases. Rien de bien dérangeant, mais cela peut vite agacer lors de certaines courses-poursuites, tant Bayek semble presque moins agile qu’un Arno par exemple. Une impression peut-être due aux animations, qui ne sont pas encore optimales même si elles restent totalement décentes. En somme, quelques petits faux pas bien excusables face à l’immensité et à la richesse de ce nouvel opus qui maîtrise à peu près tout le reste.
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