À chaque génération de consoles sa palanquée d’objets vidéoludiques non identifiés. La septième n’est pas en reste, avec notamment Force de Défense Terrestre 2017, quelques titres signés Suda51 (Shadow of the Damned, Lolipop Chainsaw ou encore Killer is Dead), et bien sûr Sweary65 et son Deadly Premonition à la fois culte et déroutant. Malgré un budget bien supérieur, puisque proposé par Capcom et l’un des studios les plus en vogue de cette période, j’ai nommé CyberConnect2, Asura’s Wrath ne démérite pas dans la catégorie des étrangetés.
Mélange étonnant entre animation japonaise, Beat’em All et surabondance de QTE, le bébé de CyberConnect2 s’est forgé une solide réputation d’OVNI. Faut-il y voir pour autant un titre à éviter ? Une expérience tout juste bonne à divertir le temps de la découverte ? Rien n’est moins sûr. Dix ans après sa sortie, revenons le temps d’un test sur ce projet singulier, ambitieux, qui n’aura malheureusement pas rencontré le succès escompté.
Conditions du test : Nous avons passé une petite dizaine d’heures sur la version Xbox 360 du soft, tournant sur une Xbox One S. Les captures que vous trouverez dans cet article ont été réalisées par nos soins.
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ToggleUne volonté assumée
Dans la plupart des cas il n’est pas bien compliqué de définir dans quel genre classer un jeu vidéo. Devil May Cry 5, c’est du Beat’em All, Call of Duty Vanguard, du FPS, et Final Fantasy VIII du RPG. Simple comme bonjour n’est-ce pas ? Mais comment s’y prendre quand un titre évolue dans plusieurs catégories, et s’essaye par ailleurs à un type d’expérience assez inédit ? Eh bien on invente simplement un terme ou une appellation qui n’avait, jusque là, pas de raison d’exister, comme on a pu le faire avec l’Immersive Sim (Deus Ex, Dishonored ou Bioshock). En ce qui concerne Asura’s Wrath, on parlera ainsi d’animé interactif.
Et nous ne sommes pas les seuls à le dire. En même temps, si les premières images (oui, on sait que ça remonte), laissaient imaginer une sorte de Beat’em All dans lequel il serait question de défaire des entités mystiques, un peu comme un certain God of War III paru deux ans plus tôt, une fois manette en main on comprend rapidement qu’il n’en sera rien. Certes, il va bien falloir se frotter à des demi-dieux, mais la plupart du temps, pas de manière conventionnelle. En vérité, le gameplay de Asura’s Wrath est comme placé au second plan.
S’il fallait faire le décompte du temps que l’on passe à véritablement jouer, alors il serait sûrement assez faible… quoique la durée de vie en elle-même ne mène pas bien loin non plus, tournant aux alentours des sept à huit heures maximum. Ce qui nous occupe donc le plus dans le titre de CyberConnect2, c’est tout son aspect narratif. Non content de s’offrir le luxe d’un univers inédit et très inspiré, auquel n’enlève rien une direction artistique léchée par ailleurs, il bénéficie d’une mise en scène haletante, parfaitement calibrée.
Notez de surcroît que chaque chapitre est présenté sous forme d’épisode, qu’on nous affiche les crédits de production au début et à la fin de ceux-ci, et que les références aux animés les plus en vogue pleuvent. Bref, il fallait vendre Asura’s Wrath comme une expérience classique pour que les petites gens ne prennent pas peur devant la nouveauté de sa proposition. Mais dans les faits, on est bien sur un type d’expérience singulier, qui nous offre avant tout une longue et éprouvante histoire narrée par de vastes cinématiques tournées dans le moteur du jeu. Mais comment rendre le tout digeste alors ?
Digérer une proposition narrative à part
Ce qu’il faut bien comprendre, c’est donc que Asura’s Wrath n’est pas un simple Beat’em All. Mais il ne s’agit pas non plus d’un Visual Novel, ou encore d’une série animée. On est face à un titre qui s’assume pleinement, et propose une expérience entière, quoique maladroite dans son exécution. Il y a bien de véritables combats, soyez rassurés. Et ceux-ci se déroulent chaque fois de la même manière. Frapper les ennemis jusqu’à remplir la jauge de rage de notre protagoniste, Asura, et pouvoir déchaîner son état de furie… qui met la plupart du temps fin aux affrontements.
Quant au système de combat en lui-même, on ne va pas se mentir, on a vu plus complet. Une seule touche pour frapper, ça ne permet malheureusement pas de combos dignes de ce nom. On aimerait vous dire que la possibilité d’encrer ses pieds dans le sol pour tirer telle une mitrailleuse arrange le tout, mais il faut se rendre à l’évidence : la redondance n’est jamais bien loin. Heureusement, ces combats sont finalement assez anecdotiques, surclassés par les cinématiques dont nous parlions plus haut. Et n’allez pas croire que ces dernières vous laissent sur le carreau.
Il fallait bien qu’on finisse par en parler, le soft de CyberConnect2 est blindé, de la tête aux chevilles, de QTE, ou actions contextuelles dans la langue de Molière. Chaque cinématique en a son lot, et même les combats en sont truffés. En réalité, chaque action n’étant pas définie préalablement par une touche a droit à son QTE. Vous voulez faire taire un personnage qui parle trop ? Pas de problème, il vous suffit d’appuyer sur B pendant son monologue. En pleine bataille, un énorme Y s’affiche très souvent, venant symboliser le moment où le coup lancé par notre héros portera. À vous d’appuyer au bon moment pour qu’il ne le rate pas.
Le tout s’accompagne d’une sorte de système de scoring très basique. Selon la justesse avec laquelle vous répondez à cette touche affichée à l’écran, on vous attribue une note, qui a droit à son retour sonore mais aussi visuel. Votre score est ensuite comptabilisé en fin de niveau, jusqu’à l’attribution d’un rang, un peu comme chez un Devil May Cry, qui vous permettra par la suite de débloquer un niveau annexe, présenté comme la vraie fin, sur laquelle nous nous passerons de commentaires pour éviter tout spoil inutile.
En boucle (de gameplay)
Ce que Asura’s Wrath fait le mieux, c’est donc nous raconter son histoire, et la rendre dynamique grâce au concours de QTE appuyant chaque action du protagoniste. Mais c’est aussi, paradoxalement, ce qui rend sa proposition aussi difficile à digérer. Il faut être près à rentrer pleinement dans son univers pour pouvoir prendre du plaisir sur le titre. D’autant qu’à coté de cela, si la mise en scène est irréprochable, le scénario ne brille par aucune véritable fulgurance, et se révèle même très pauvre dans le fond.
La construction épisodique est une bonne idée, qui fait gonfler cette impression de jouer à un animé interactif, mais elle a aussi pour défaut de rendre la progression trop prévisible. Sept heures de jeu, c’est effectivement court, mais pas assez pour que la redondance n’ait pas le temps de s’installer. On fait toujours les mêmes choses, et les chapitres sont globalement découpés de la même manière, avec un temps fort à la fin et quelques longueurs au milieu. Bref, malgré un rythme bien senti, il arrive qu’on peste contre quelques longueurs, notamment dans des combats inintéressants et répétitifs.
Restent les quelques niveaux proposant une recette différente, à base de Shoot’em Up, fonctionnant assez bien au demeurant, et se révélant relativement rafraîchissants. Pas autant que ceux d’un Bayonetta ou d’un Shadow of the Damned, d’autant que les actions sont trop limitées de surcroît, mais l’effort de mise en scène est appréciable, et le rendu est assez jouissif par ailleurs. On notera enfin que les niveaux nous opposant aux demi-dieux sont les plus réussis, et les plus grisants, notamment parce qu’ils sont dans la démesure la plus totale, comme rarement on a pu en voir dans un jeu vidéo.
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