Êtes-vous déjà allé.e.s à une Game Jam ? Un endroit merveilleux qui réunit généralement pendant un week-end développeurs, graphistes, musiciens et insomniaques, amateurs ou pros, histoire de créer ensemble un jeu vidéo en temps limité. Café, clopes et grigris sont de circonstances pour tenir le coup mais à terme, il émerge des cernes de ces gens talentueux des expériences curieuses et originales. C’est dans ce cadre idéal que le Finlandais Arvi “Hempuli” Teikari a créé le premier concept de ce qui deviendra Baba Is You. En avril 2017 à la Nordic Game Jam de Copenhague qui avait pour thème “Not There” pour être précis. Quelques prix et nuits blanches réparties sur deux années plus tard, Baba Is You atterrit enfin sur nos PC et nos Switch. Attention, vous aussi il vous faudra de quoi faire fonctionner vos neurones. Le minimum syndical pour venir à bout de ce jeu de réflexion qui, s’il a gagné en contenu au fil des mois, est d’abord né d’une idée géniale qui n’a pas changé : celle de jouer avec les règles.
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ToggleSujet. Verbe. Complément.
Vous qui pénétrez en ces lieux, oubliez toutes les vérités qui régissent ce monde. La glace fait fondre le feu, les murs s’ouvrent avec des clés qui elles-mêmes ont la forme de portes. Baba Is You, c’est le monde vu par le prisme de la programmation, celui de la logique implacable qui tord la réalité pour la rendre binaire : les choses sont, ou ne sont pas, c’est aussi simple que ça. Baba Is You, c’est la première vérité que nous impose le jeu : vous êtes Baba, cette sorte de petit lapin qui peut se déplacer dans 4 directions et qui peut pousser des objets ou des mots.
Ceux-ci forment des phrases simples comme Flag is Win (drapeau = victoire), Wall is Stop (les murs sont infranchissables), Rock is Push (on peut pousser les rochers). Vous l’aurez compris, il faudra déplacer les rochers pour accéder au drapeau et terminer le niveau. Oui mais, et si à la place des cailloux, il y avait des murs ? Comment faire alors ? Eh bien, tout simplement en changeant les règles. Pourquoi ne pas rendre les murs mobiles, devenir le mur ou encore supprimer ses propriétés physiques pour le traverser ? Il suffit juste de changer un mot de place pour changer la donne. Autant de possibilités qui se cumuleront, se mélangeront et surtout, vous feront suer pendant plus de 200 tableaux.
Baba O’réolé
Mais Baba Is You n’est pas qu’un simple agrégat de casse-têtes retors, c’est avant tout un petit bijou de level design qui, s’il s’inspire de l’aveu de son créateur de Stephen’s Sausage Roll et de Snakebird, entreprend pourtant une démarche similaire à celle de Jonathan Blow avec The Witness. Fait amusant, celui-ci se retrouve crédité dans la colonne des testeurs du jeu. Les chiens ne font pas des chats. Dans The Witness, vous explorez un monde semi-ouvert parsemé d’énigmes qui tournent toutes autour du même principe : tracer des lignes dans des carrés et relier des points. Chaque zone de l’île que vous explorerez ajoute des conditions comme celles de créer des formes précises ou de regrouper dans une même zone certaines icônes. C’est pareil ici : un concept simple auquel on greffe de plus en plus de conditions.
Si dans Baba Is You, il s’agit également d’explorer une île, celle-ci servira seulement d’écran de sélection de niveau. A l’instar de The Witness, chaque zone, en plus d’avoir une colorimétrie et une musique bien à elle, est thématique et commencera de la même manière : avec un niveau témoin mettant en avant une nouvelle mécanique à prendre en compte, sans jamais imposer un quelconque tutoriel. Ici la possibilité de transformer un objet en téléporteur, là un “and” qui permet d’ajouter une nouvelle propriété à un élément ou plus vulgairement la possibilité de tirer un objet au lieu de le pousser. Autant de conditions à prendre en compte avant de se lancer tête baissée.
Sa fé reflechir
Baba Is You pourrait facilement être comparé à ces boîtes de jeux de petits chimistes. A la différence près qu’il est possible de faire marche arrière pour éviter une catastrophe. Il est très facile en effet de se retrouver bloqué, ou d’accidentellement mettre fin à son existence (ça arrive) en poussant un bloc “You” d’une case de trop. Si cela venait à arriver, une simple pression sur une touche pour annuler le dernier déplacement, sans limite. Bien plus qu’un simple ajout de confort, un élément indispensable pour ne pas s’arracher les cheveux. Et au-delà de son caractère essentiel, ce droit à l’erreur favorise, et même encourage, l’expérimentation. C’est ce qui rend la progression si amusante et si naturelle. Théoriquement, il n’y a pas besoin de comprendre un mot d’anglais pour jouer à Baba Is You. Vous ne savez pas ce que “shift” veut dire ? Pas de souci, il suffit de tester pour voir ce que ça fait. Et si en programmation, il en résulterait un message d’erreur décourageant, ici les conséquences sont sinon inattendues, souvent assez drôles. Et même lorsque ça ne peut que mal tourner, transformer l’intégralité du texte en drapeaux est tellement stupide que le faire devient une nécessité.
Le jeu ne vous collera jamais votre échec en pleine figure.
En d’autres cas, il faudra préférer une approche plus théorique, quitte à passer quelques minutes devant l’écran pour bien comprendre l’objectif et par où commencer. Si les férus de sudoku voient probablement de quoi nous parlons, il s’agira essentiellement de hiérarchiser les étapes afin de parvenir à une solution pas toujours évidente, le jeu trouvant un malin plaisir à mettre en évidence une condition de victoire qui sera rarement la bonne. Et si parfois, les informations auront tendance à se multiplier pour mieux nous perdre, une simple pression du bouton pause listera toutes les règles en vigueur histoire d’y voir plus clair.
Rapidement les énigmes deviendront de plus en plus compliquées, faisant du titre un des jeux les plus durs du genre. Cependant, tous les niveaux ne doivent pas être terminés pour voir la fin du jeu. Mieux : la plupart du temps, vous aurez le choix entre une petite dizaine de puzzles histoire de ne jamais rester bloqué sur un tableau. Le temps qu’une épiphanie vienne frapper à votre porte. Certes, il est parfois frustrant de ne pas trouver la solution plusieurs fois d’affilée mais le jeu ne vous collera jamais votre échec en pleine figure. C’est le joueur seul qui se rendra compte de sa bêtise et qui devra lui même recommencer tout le niveau ou revenir en arrière pour voir où les choses ont cafouillé. Au pire la musique se coupera net pour vous faire comprendre que vous n’avez plus le contrôle d’aucun élément.
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