Plus de 20 ans après les deux premiers Baldur’s Gate de Bioware, le studio Larian a eu la lourde tâche de reprendre le flambeau de cette licence du jeu vidéo issue de l’univers Donjons & Dragons. Cela ne surprend personne de savoir que les développeurs sont des fans absolus du jeu de rôle sur table de Wizard of the Coast, de même que du travail de leurs pairs, et qu’ils ont donc tout mis en place pour livrer l’œuvre la plus impeccable possible afin de se montrer digne de cet héritage. Après avoir forgé une solide expérience, notamment avec Divinity Original Sin 1 & 2, qui ont été des succès critiques indéniables, le studio nous livre un Baldur’s Gate 3 dantesque. Le résultat de 6 ans de développement dont 3 ans d’accès anticipé.
Vous l’avez surement vu ou lu partout, le jeu est un déjà un succès retentissant et ouvre même quelques débats intéressants sur l’état de l’industrie. De notre côté, nous avons pris le temps de le savourer pleinement même si on ne cache pas une furieuse envie de le recommencer au moins une ou deux fois. Précisons qu’il est aussi possible de jouer en coopération jusqu’à 4 joueurs, mais malheureusement nous n’avons pas eu l’occasion de tester cette fonctionnalité. Voici donc notre verdict après 150 heures de jeu sur PC.
Conditions de test : Nous avons joué sur la version Steam avec les paramètres graphiques en « Ultra ». Notre configuration PC : AMD Ryzen 5 2600 3.40 GHz, 16 Go RAM DDR4, AMD Radeon RX 6700 XT.
Sommaire
ToggleUn bon point de départ pour le CRPG ?
Dans la famille des jeux de rôle, Baldur’s Gate 3 se positionne dans la catégorie des CRPG (pour Computer Role Playing Game), un type qui se démarque par une liberté plus vaste que les RPG classiques. La narration, le développement de votre avatar et vos choix sont déterminants. Vous pouvez explorer le monde comme bon vous semble, choisir d’ignorer les quêtes et de rejoindre le camp des méchants ou aspirer à des ambitions plus égoïstes. Les problèmes peuvent ainsi se résoudre de différentes manières selon la ou les voies que vous empruntez (diplomatie, intimidation, force brute…).
En lançant le jeu, attendez-vous à une aventure haletante bourrée de choix draconiens qui ne sont pas simplement des lignes de texte et ont de vraies conséquences directes, à moyen-terme et sur le long-terme. Cela peut être intimidant pour les novices du genre, surtout si l’on n’a pas joué aux Divinity Original Sin de Larian qui ont une énorme influence sur de nombreux aspects du titre. Toutefois, avec un minimum d’investissement et un peu de patience, vous pouvez vous prendre aisément au jeu.
Il est possible d’incarner l’un des personnages principaux ou bien de créer le vôtre de A à Z (apparence, race, classe, background…) assez rapidement grâce à des simplifications bienvenues comme la dispersion recommandée des points de caractéristiques. La méconnaissance de l’univers Donjons & Dragons n’est pas non plus un obstacle à l’appréciation du titre car il n’y a tout simplement pas besoin de maître du jeu ici. Le système de combat peut être la partie la plus complexe à assimiler, mais heureusement, chaque terme du lore ou les principes liés aux mécaniques de combat sont expliqués de manière claire. Ils sont mis en évidence dans chaque texte, et il vous suffit simplement d’appuyer sur « T » et de passer votre souris dessus pour comprendre facilement le contexte.
Il convient également de saluer la politique de développement de Larian. Le niveau de finition, bien que perfectible à ce jour, suscite le respect pour un jeu de cette envergure. Le studio adopte également une approche stricte du médium, ce qui est réjouissant à constater. Aucun Battle Pass, boutique en ligne ou autre forme de microtransaction n’est présent. L’intégralité du contenu est accessible après l’achat initial. Cependant, on regrette tout de même l’absence de développement de DLC pour prolonger l’expérience même si celle-ci est déjà conséquente.
Une narration tentaculaire maîtrisée de bout en bout
Difficile de résumer l’intrigue de Baldur’s Gate 3 à son pitch de base tant les enjeux, les quêtes secondaires, les histoires respectives de chaque compagnon, les différentes menaces, les alliés…, et bien d’autres éléments scénaristiques rentrent en ligne de compte. Ce qui va d’abord motiver votre aventure, c’est une question de larve logée dans votre cerveau. Votre aventure débute dans l’un des vaisseaux des flagelleurs mentaux pris pour cible par des ennemis. Au milieu de ce chaos, vous parvenez à vous en sortir et à vous libérer de vos chaînes. Après le crash du vaisseau, vous voilà libre.
Malheureusement, la larve à l’intérieur de votre crâne menace de vous changer en flagelleur mental à tout moment. Par la suite, vous rencontrez d’autres rescapés ayant subi le même traitement. Liés par la cause commune de retirer ces bombes à retardement, vous et vos compagnons cherchez un moyen de vous guérir. Ce périple vous emporte à bord de 3 actes bien fournis en matière de contenu, même si l’acte 2 fait plus office de transition et est un peu plus court. Pour vous donner une idée, il nous a fallu 50 heures environ pour faire tout le tour de l’acte 1 en présumant que l’on ait tout découvert. L’acte 3 vous amène dans la magnifique cité de Baldur’s Gate qui donne son nom au jeu et qui est le plus gros morceau à digérer, mais aussi le plus intense.
Que ce soient les compagnons ou les différentes quêtes, l’écriture est sans doute l’une des plus aboutie observées dans un RPG. Le meilleur dans tout ça est que chaque petite aventure nous donne le sentiment de compter et ne se ressentent pas comme des objectifs annexes ou du remplissage. Non seulement, le contenu est massif, mais il est cohérent. On se retrouve à côtoyer des personnages de l’acte 1 à l’acte 3 impliquant des quêtes majeures. Certaines quêtes se résolvent même au fil des trois actes. Le manque de repères pourra ainsi frustrer. Nous avons parfois cherché des heures la solution d’une quête alors qu’il fallait simplement avancer quand d’autres échouent justement à cause de recherches infructueuses.
Les compagnons sont néanmoins le pinacle de cette maîtrise de la plume chez Larian. Il est frustrant de ne pas pouvoir tous les prendre avec nous pour assister à des scènes clés liées à leurs backgrounds. Comme nous, vous aurez vos préférences, mais chacun d’eux dispose d’une histoire personnelle brillamment construite, d’autant que ces derniers évoluent, en bien ou en mal, en fonction de vos choix et de vos relations intimes, qu’elles soient amicales ou plus si affinité.
Larian parvient habilement à nous surprendre avec des personnages auxquels on ne pensait pas s’attacher autant comme la diablesse Karlach. Les personnages secondaires ne sont pas en reste et certains parviennent même à voler la vedette aux ennemis principaux comme le diable Raphael. Bien que l’on puisse regretter l’absence de doublages en français, il faut saluer le travail monstrueux d’acting, autant dans la performance que dans la variété des voix qui ne donnent jamais l’impression de les avoir entendues ailleurs. Le studio avait annoncé 17 000 variations de fin et on comprend pourquoi après l’avoir terminé. N’oublions pas non plus les musiques de Borislav Salvov qui participent grandement au charme de toute l’épopée.
« Baldur’s Gate 3 : C’est possible »
La rejouabilité s’annonce également immense, car les choix majeurs sont innombrables. Les alliances que vous forgez peuvent radicalement changer le déroulement de l’intrigue, et de notre côté, nous avons même omis un arc entier. Fréquemment, nous avions envie de recommencer le jeu pour explorer d’autres voies. Il ne faut pas oublier la création de personnage, qui vous permet d’incarner des races et des classes différentes, lesquelles réagiront différemment en fonction des situations. De même, vos traits et atouts vous offrent plusieurs manières de résoudre les problèmes.
Ce qui est également remarquable, c’est la fluidité et le rythme de la progression. On ne se sent jamais enfermé dans un chemin préétabli qui nous serait imposé. Même si vous devez souvent chercher et réfléchir pour atteindre le résultat souhaité, il est toujours possible de forcer le passage ou de résoudre un problème sans même avoir activé la quête correspondante, simplement en explorant. La fonction de sauvegarde automatique est presque indispensable pour éviter les frustrations, mais en s’immergeant complètement, il n’y a pas vraiment de mauvais choix ou d’erreurs. Jouer à fond sur le « Role Play » et assumer ses choix est tout aussi gratifiant.
Généralement, dans un jeu vidéo, on a conscience des limitations que l’on nous impose, puisque la plupart du temps, notre route est toute tracée et les développeurs font en sorte que l’on suive cette route en franchissant chaque étape d’une ou deux manières possibles. Baldur’s Gate 3 nous fait ressentir l’effet inverse en nous faisant comprendre que tout est possible. Bloquer une porte avec des caisses en bois pour éviter l’arrivée de renforts avant de passer à l’attaque, acheter ou voler les équipements de futurs adversaires pour les affaiblir, comprendre que le sort de silence n’est pas que pour les sortilèges et peut créer un dôme afin de tuer des ennemis endormis sans alerter les alentours…
Ce sont autant d’exemples qui laissent bouche bée, avec des subtilités que l’on continue d’apprendre jusqu’à la toute fin du jeu. S’il partage une qualité avec l’autre prétendant au titre de jeu de l’année 2023, The Legend of Zelda: Tears of the Kingdom, c’est bien ce potentiel créatif exceptionnel. Depuis la sortie du jeu, les vidéos les plus loufoques défilent, notamment au niveau des combats.
Les dés sont jetés
Les combats sont sans aucun doute l’aspect le plus intimidant du jeu, car ils peuvent souvent s’avérer difficiles en fonction des situations. De plus, nos personnages sont incroyablement vulnérables au début de l’aventure. Une fois de plus, la sauvegarde automatique devient votre meilleure alliée. Le système au tour par tour de Larian se révèle ici particulièrement gratifiant, car il nous oblige à réfléchir constamment à notre position, aux capacités que nous allons utiliser et à l’équipement approprié. Même en mode de difficulté normal, le jeu ne fait pas de cadeau si l’on se contente de foncer tête baissée dans la mêlée.
Il n’existe pas seulement une ou deux tactiques gagnantes. En fonction des classes de vos personnages et de votre imagination, il peut y avoir de multiples approches pour remporter la victoire. Le studio a fait un excellent travail pour offrir différentes stratégies grâce à un level design soigné et de nombreuses interactions avec l’environnement. Il faut dire aussi que n’importe quel endroit peut devenir un champ de bataille.
Cependant, malgré toutes ses qualités, Baldur’s Gate 3 présente quelques défauts gênants. Tout d’abord, la caméra a tendance à se comporter de manière erratique et éprouve des difficultés à gérer les différences de hauteur en fonction de la position de votre groupe. Étrangement, cette gestion est bien meilleure lorsque l’on joue avec une manette. En 150 heures de jeu, nous avons rencontré relativement peu de bugs graves. Le studio a livré un produit en très bon état et bien peaufiné, mais quelques bugs subsistent, dont certains nous ont obligé à recharger une sauvegarde. Depuis sa sortie, de nombreux correctifs ont été publiés et d’autres sont encore attendus.
Le moteur maison du studio belge, le Divinty Engine, n’a rien à envier aux classiques Unity ou Unreal Engine grâce à des effets de lumières magnifiques, des expressions faciales variées, des panoramas splendides et des environnements détaillés. Même si l’on aura souvent une vue isométrique pour la lisibilité, le titre aurait très bien pu être à la troisième personne (des mods le permettent déjà d’ailleurs). Malheureusement, il y a encore un gros travail d’optimisation en ce qui concerne l’acte 3 qui affiche un framerate entre 30 et 40 FPS quand le reste du jeu tourne comme un charme à 60 FPS.
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