Après son meilleur ennemi l’an dernier, c’est au tour de Battlefield de revenir aux sources de la série. DICE a décidé de renouer avec la période qui a lancé le premier épisode sorti en 2002, le bien nommé Battlefield 1942. À l’époque, on vantait déjà les maps immenses, l’immersion et les nombreux véhicules disponibles. Seize ans plus tard, avec une expérience beaucoup plus importante un un moteur hyper maîtrisé, comment DICE pourrait rater ce Battlefield V ?
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Faut bien se dire que la Seconde Guerre mondiale, les anciens en ont bouffé dans un sacré paquet de fps. Dans les années 2000, tout le monde voulait faire son FPS suite à la grosse claque Medal of Honor et au Soldat Ryan de Spilou. Contrairement aux autres, DICE s’est contenté d’un seul jeu sur cette période. Puis Battlefield est parti au Vietnam et très rapidement à la guerre moderne. Du coup on n’a pas vraiment un sentiment de redite ou de déjà vu quand on plonge dans ce Battlefield V. Au contraire, cette nouvelle appropriation du conflit par le studio suédois est même presque rafraîchissant.
La direction artistique du titre a très rapidement fait hurler à la mort les fameux gamers experts en tout sur les internets. Non seulement il y a des femmes, mais en plus elles ont des prothèses ! Un scandale paraît-il, même si ces derniers ne sont pas choqués quand un pirate à un crochet à la place d’une main. On ne va pas s’amuser à réexpliquer que oui, il y avait des milliers de femmes mobilisées pendant la WW2. Nous, on se félicite de les voir enfin dignement représentées dans un conflit toujours dépeint avec beaucoup de testostérones. Quoi qu’il en soit si le jeu final semble avoir un peu réduit ses ambitions niveau personnalisation (on frôlait le steampunk dans certains trailers), le titre est tout de même à tomber.
DICE n’a jamais aussi bien maîtrisé son Frostbyte et cela se ressent très rapidement. Déjà parce que l’optimisation est excellente et que même une config modeste aura de très bonnes performances en poussant les graphismes. Surtout parce que c’est le jeu le plus abouti du studio visuellement. Il suffit de courir dans les champs aux mille couleurs près d’Arras, de se faufiler entre les ruines de Rotterdam dans Devastation ou de rester bouche bée devant l’immense pont en acier de Torsion d’acier. Le studio a vu les choses en très grand, et chaque panorama est encore un peu plus impressionnant que le précédent.
Résistance soudée
Alors oui, c’est la fête aux viseurs holographiques et autres facilités de design qui viennent nous rappeler qu’on n’est pas sur de la simulation. Mais le titre maîtrise tellement les ambiances et l’immersion que seul les pointilleux historiens (les vrais cette fois) auront du mal à lui pardonner ses errances. Peut-être que ces derniers salueront ce que le jeu essaye de raconter par ses campagnes solo. Celles qu’EA n’a pas hésité à bien mettre en avant en insistant sur le fait que Battlefield V, lui, a un mode solo. Aujourd’hui il se compose de trois “récits de guerre”, assez similaires à ce que proposait Battlefield 1 il y a deux ans. Une quatrième arrivera début décembre, mais avec une moyenne de 80 minutes par campagne ne comptez pas sur ce jeu pour combler vos envies de fps solo (on lui préférera Wolfenstein II).
Les trois campagnes se composent de niveaux assez vastes où il faudra tour à tour faire exploser des objectifs, puis rejoindre un point pour que l’histoire progresse. Chaque histoire a ses petites spécificités de gameplay et son orientation. La première nous met dans la peau d’une jeune recrue anglaise envoyée derrière les lignes ennemies pour saboter des avant-postes. C’est probablement la moins intéressante des trois avec une mise en scène entre Call of et Michael Bay. Trop de popcorn tue le popcorn. En revanche les suivantes sont un bon cran au-dessus qualitativement. La deuxième met en scène une jeune résistante norvégienne qui part secourir sa mère, résistante elle aussi, et l’arracher des mains de son tortionnaire nazi. Enfin, la dernière raconte l’histoire d’un tirailleur sénégalais qui débarque en France pour défendre un pays qu’il considère comme le sien bien qu’il ne l’ait jamais vu.
Pas de débarquement ou pas de bataille de Stalingrade. Le parti pris est de raconter des histoires que l’on a moins voire pas du tout l’habitude de voir, surtout dans un jeu vidéo. C’est non seulement louable, mais c’est parfois même remarquablement exécuté, surtout la partie sur les tirailleurs. Même si ce n’est pas toujours très subtil dans l’écriture ou la mise en scène, ces campagnes restent de bons moments et un excellent apéritif avant de plonger dans le grand bain du multijoueur. On aura seulement voulu un peu plus de folie dans le level design des campagnes. Quand le titre fait apparaître une mécanique de jeu inédite, on se rend compte au bout de quelques secondes que celle-ci n’a finalement aucun réel intérêt et tombe dans l’oubli.
Advance Wars
Une fois l’apéro bien digéré, il est temps de se lancer en multijoueur. On le répète une dernière fois mais Battlefield V est avant tout destiné aux joueurs multi et non solo. On peut donc légitimement s’attendre à un titre qui embarque de quoi nous occuper pendant des dizaines, même des centaines d’heures de jeu. Commençons donc par ce qui fâche un peu, le contenu à la sortie est un poil rachitique. Au total ce sont huit maps et trois modes de jeux qui sont disponibles. Sur le papier ça fait tout de même très peu, mais rappelons-nous que l’ensemble du contenu à venir sera gratuit. Ainsi on aura un très attendu mode Battle Royal dans les prochains mois et de nouvelles maps viendront s’ajouter au fil du temps. Reste à espérer (et on est plutôt optimiste) que DICE offre au jeu le suivi qu’il mérite.
Oh oui, Battlefield V mérite bel et bien un suivi exemplaire de ses développeurs. On ira droit au but en disant franchement que le titre est simplement excellent en multijoueur. C’est là qu’on voit que ce retour aux sources est bien plus important qu’il en a l’air. Il permet de mesurer le chemin parcouru par le studio (et comparablement du médium) depuis 2002. À commencer par le système d’escouade plus important qu’il ne l’a jamais été dans la série. Rappelons que dans Battlefield, les joueurs sélectionnent une classe parmi quatre disponibles (assaut, soutien, médecin et sniper) et sont ensuite répartis en escouade de 4. Que ce soit avec des amis ou avec des inconnus, cette escouade est la chose la plus précieuse que vous offre le jeu.
Platoon
Déjà parce que même les joueurs qui ne sont pas médecins peuvent ressusciter les membres de leurs escouades. La contrepartie, c’est que c’est beaucoup plus long et plus risqué, mais si c’est justement pour relever un médecin, la prise de risque peut-être décisive. Ensuite parce que chaque escouade cumule des points qui peuvent être dépensés pour aider l’équipe entière. Soit en appelant un ravitaillement, soit en demandant des véhicules. Ainsi les tanks si puissants des anciens épisodes sont moins nombreux et moins frustrants pour l’infanterie, mais ils sont aussi une récompense pour les escouades les plus efficaces.
Cela dit, ce que veulent toutes les escouades est encore un peu plus onéreux qu’un tank. Pour environ 41 000 points, le chef d’escouade peut demander une frappe de missile V1 en sélectionnant la zone ciblée. Bien placée, cette attaque est dévastatrice et éradique absolument tout dans son champ d’action. La frappe est spectaculaire, la lueur de l’explosion éblouit le reste du champ de bataille si bien qu’on en ressort presque étourdi. La donne est changée et elle l’est parce qu’une escouade joue en équipe et fait son travail.
Le chef d’escouade est aussi là pour donner des ordres simples comme “attaquez A” ou “défendez D”. Si de loin ça ressemble à un bête coaching façon Pep Génésio, c’est primordial pour organiser son escouade et gagner des points. Et ne vous en faites pas si vous tombez sur un chef d’escouade qui est du genre à camper et sniper dans son coin sans prêter attention au reste, le jeu donnera rapidement le leadership à quelqu’un d’actif. Le système est redoutablement efficace et incite judicieusement les joueurs à travailler en équipe et à plus s’entraider que par le passé.
J’vais tout casser !
Quand on lâche un missile V1 sur une zone, forcément ça fait de la casse. La bonne nouvelle c’est que la destruction des environnements est plus impressionnante que jamais. Voir le clocher de l’église s’effondrer sur Arras ou la toiture d’une maison s’arracher a quelque chose de particulièrement satisfaisant. Même si la physique joue encore quelques mauvais tours au jeu et à son netcode (d’ailleurs très solide), ça fait toujours son petit effet de voir un mur s’arracher sous un coup de panzerfaust.
L’autre nouveauté c’est la possibilité de fortifier ses défenses. Tous les joueurs sont équipés d’une trousse à outils qui leur permettent de bâtir des défenses et des points de ravitaillements (primordiaux) sur les points. On se retrouve à creuser des tranchés, à monter des murs de fortunes ou encore à poser des barbelés. Ces actions ne nécessitent aucune ressource et sont situées sur des emplacements prédéfinis. On ne peut pas construire n’importe quoi n’importe où. La classe soutien devient encore plus importante car elle construit beaucoup plus vite que les autres.
Il faut bien comprendre qu’il s’agit de construction de fortunes vouées à résister à un tir de char grand maximum. Le fait est que plus on joue, plus on prend conscience de l’importance de ces fortifications. Que ce soit en mode conquête pour tenir un point ou en mode opération pour repousser les assaillants, il est toujours bon d’avoir quelques gars sûrs dans le coin pour empiler les sacs autour des objectifs. Ces défenses ne rendront jamais un point imprenable, et heureusement, mais elles donnent aux parties un rythme et une approche différentes des précédents épisodes.
Eurotrip
Cet ajout montre clairement que DICE essaye de faire de Battlefield V un jeu plus profond que les plus récentes entrées dans la série, sans forcément chercher la scène compétitive. Preuve en est du choix de supprimer la dispersion aléatoire des balles. Ainsi, comme CS:Go, chaque arme répond à un pattern de dispersion unique quand on décide de rester enfoncé sur la gâchette. Autre ajout, la personnalisation des armes. Outre l’aspect cosmétique, chaque arme dispose d’un petit arbre de compétences qui se complète au fil des parties. On pourra alors choisir d’avoir un rechargement plus rapide ou plus de balles dans le chargeur, d’avoir des balles un peu plus puissantes ou un recul réduit etc.
Là où le titre rate plus le coche, c’est dans la conduite des véhicules. Les véhicules légers fusent beaucoup trop vite, les avions sont aussi lourds que désagréables à manœuvrer. Quant aux tanks, ils sont très souvent victimes de la physique aléatoire du jeu. Mais les avions sont bien ceux qui posent le plus de problèmes, notamment parce qu’ils sont actuellement bien trop puissants. Un petit bombardement et c’est 15 kills gratuits qui s’offrent au pilote. L’infanterie n’a que très peu de moyens de riposter en dehors des DCA pas très efficaces.
Heureusement, on se consolera avec la qualité du level design des maps. J’ai parlé plus haut de la variété des environnements, des décors et des ambiances, mais ces éloges s’appliquent aussi à la conception. Chaque map est une expérience Battlefield à part entière. Rotterdam fait la part belle aux frappes rapides des infanteries de contact et Aérodrome offre énormément d’ouvertures et peu de refuges pour se dissimuler des snipers. L’immensité des terrains et les différents événements météorologiques viennent assurer un renouvellement permanent des situations et des envies de jeu.
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