Comme d’autres chez nous, à l’image de Nacon, THQ Nordiq est l’un de ces éditeurs qui se sont particulièrement spécialisés dans les jeux AA. A mi-chemin entre un jeu indépendant et une grosse production, Biomutant est le parfait représentant de ce statut parfois compliqué à assumer. Annoncé en 2017 et développé par le studio Experiment 101 composé d’une vingtaine de personnes, il sort enfin de sa tanière après une très longue attente. Est-ce qu’il méritait vraiment autant d’engouement ?
Conditions de test : Nous avons terminé le jeu sur PC en jouant une quarantaine d’heures au total. Nous avons également complété une bonne partie des quêtes annexes. Nous avons également pu jouer une vingtaine d’heures sur la version Xbox One via la Xbox Series X.
Sommaire
ToggleUn monde ouvert qui a eu peur de perdre
Biomutant a d’abord intrigué de par son approche du monde ouvert qui nous a laissés rêver d’autre chose qu’un énième jeu reprenant les poncifs d’un Assassin’s Creed en la matière. Avec ses créatures bizarres et son univers à la fois sauvage et loufoque, il a de quoi dépayser. C’est effectivement le cas sur quelques points, mais globalement on a surtout l’impression que les développeurs ne savaient pas où ils allaient parfois.
On ne lui enlèvera pas cependant ses créatures à fourrures qui attirent tout de suite l’œil, nous incarnons d’ailleurs un héros qui en a perdu un des suites d’une enfance troublée. Après avoir erré un peu partout, il ou elle va se retrouver à devoir sauver le monde ou provoquer sa chute. Car avant d’entrer en scène vous allez d’abord devoir passer par une phase de création en personnalisant son apparence (espèce, fourrure, couleurs) mais aussi ses capacités au combat (statistiques, classe, résistances aux effets néfastes).
Les possibilités sont nombreuses et laissent entrevoir de multiples voies qui se révèlent toutefois assez limitées car en ayant fini le jeu, on peut vous dire que ces prérequis importent peu au bout du compte. C’est d’ailleurs le grand drame du jeu que l’on constatera à plusieurs reprises, à savoir un gros potentiel qui ne s’exprime pas.
Après avoir donné vie à votre avatar et passé le tutoriel, on se retrouve face à la fameuse scène à la The Legend of Zelda : Breath of Wild, largement reprise par beaucoup, qui nous fait gravir une pente verdoyante pour nous donner un aperçu du vaste monde. Il est vraiment dommage que le studio ait apparemment eu peur de perdre le joueur puisque l’on fait nos premiers pas avec un dirigisme qui gâche quelque peu le plaisir de la découverte.
Une des premières choses que l’on vous explique, c’est que votre part de ténèbres et de lumière sera défini par vos choix, à commencer par celui de la tribu de départ à laquelle vous allez apporter votre soutien, vous le vagabond solitaire. Sur le chemin de gauche, celle des Sifu qui veulent détruire le monde et conquérir par la peur et la force, et de l’autre celle qui veut les unifier dans la paix et sauver le grand arbre situé au centre de la carte.
Le fait de démarrer par le sud de la carte en nous obligeant d’emblée à un choix manichéen est assez troublant. En juin 2020, nous rapportions certaines raisons évoquées par le studio pour justifier le report. Parmi elles, nous avions celle-ci : « […] il semble y avoir eu un gros travail sur la progression du joueur afin que celui-ci comprenne quoi faire dans cet immense univers alors qu’au départ, il était prévu de lui laisser une liberté totale. »
Chose que nous laisse faire le « New Game + » où l’on démarre simplement au centre de la carte. Il nous est alors demandé de choisir notre tribu sans autre indication. Ce n’est qu’un point de vue bien entendu, mais on aurait vraiment aimé que le studio garde cette approche car cela nous a vraiment perdus pour le coup, et ça s’est répercuté sur le reste de notre expérience. « Est ce que je suis vraiment libre d’aller où je veux sans me faire maltraiter ou bien dois-je suivre la route que l’on me trace ? ».
De l’écologie qui ne se prend pas au sérieux
Biomutant prend place dans une sorte de monde post-apocalyptique où les humains ont quitté la Terre après l’avoir trop polluée. Ce qui a eu pour conséquence de dérégler la faune en plus d’opérer des mutations couplées à une sorte de régression dans l’évolution. L’arbre de vie est le seul espoir de ces êtres anthropomorphes qui peuplent ces contrées. Cependant, ces jours sont comptés puisque 4 énormes monstres appelés « Mangemonde » dévorent les racines de l’arbre. En plus de régler le problème des tribus, votre objectif principal sera également de vaincre.
Evidemment, le sujet écologique résonne énormément aujourd’hui, mais le soft ne se prend pas pour autant au sérieux et ne part pas dans une critique pompeuse de notre société. Il arrive habilement à lier ces sujets sensibles à la naïveté presque enfantine qui imprègne l’ambiance général. Les différents personnages n’ont pas le savoir de l’ancien monde ou seulement des bribes, et plus important encore, ils parlent tous des dialectes incompréhensibles.
C’est le narrateur qui s’occupe de traduire et retranscrire tous les dialogues ou encore d’expliquer le passé si nécessaire. C’est assez déconcertant au début, surtout que le narrateur est assez plat la plupart du temps, mais il faut admettre que c’est assez cohérent et que cela passe plutôt bien. Vous pourrez néanmoins très vite désactiver ses commentaires durant l’exploration s’il vous gêne.
Grâce à cet état de fait, nous avons droit à de l’humour très léger comme sur les noms des objets. La traduction française est d’ailleurs à saluer à ce niveau-là d’autant qu’elle arrive aussi à placer quelques références rigolotes. Même chose pour le doublage de la bonne et mauvaise conscience dont on apprécie les chamailleries.
Un mot également sur les musiques qui s’intègrent bien à l’ensemble, mais qui se font assez discrète. Si on apprécie le fait que la bande-son soit agréable, il n’est pas sûr que l’on en retienne quelque chose une fois le jeu éteint.
Un biomonde riche
Biomutant est loin d’être une claque graphique mais est sans doute l’un des plus beaux de sa catégorie. Le contexte qu’il impose est parfaitement retranscrit dans l’architecture du monde qui nous entoure. C’est varié, coloré, verdoyant et bourré de détails (le mode photo est donc bienvenu ici). A aucun moment, on a l’impression d’explorer des zones vides pour aller d’un point A à un point B. Il y a toujours quelque chose à découvrir comme des abris antiatomiques souterrains, des maisons en ruines à fouiller ou des villages.
Certes, on remarque que des assets sont repris, mais il fait très bien illusion et renouvelle sans cesse l’exploration. Si vous aimez les mondes ouverts, vous apprécierez vous balader dans ces différents biomes. Les catastrophes écologiques permettent également d’avoir des zones assez restreintes mais soumises à des conditions hostiles (chaleur, radioactivité, froid…) qui nous forcent à revenir plus tard ou bien à nous préparer avant.
Il profite en outre d’une belle verticalité qui rajoute de la profondeur et quelques zones atypiques. Ce qui nous permet d’ailleurs de nous servir des outils de transport comme le planeur de l’automate, le bateau ou encore le mecha dans la zone morte. Le plus important est que le studio a en tout cas peaufiné la partie technique d’une main de maître puisque mises à part deux quêtes que nous n’avons pas pu valider, nous n’avons constaté aucun gros bug ou anomalie sur PC (généralement la bête noire des mondes ouverts). Même constat sur Xbox Series, avec un rendu très propre à l’écran malgré certaines textures baveuses et du clipping. On reste plus mitigé sur le framerate sur cette version, qui a du mal à garder son cap des 60 fps constants.
Les poncifs ont la vie dure
Biomutant n’échappe pas à ce qui agace le plus souvent les amateurs de mondes ouverts qui ne connaissent que trop bien tous ces remplissages. Très vite, nous sommes bombardés de quêtes annexes de toute part et dont la plupart font office de remplissage avec des camps de bandits, des abris zones à fouiller, des points de déplacement rapide… On fait tout de même très vite le tour de ce qu’il a à proposer.
La plupart des tâches deviennent rébarbatives et notamment la conquête des tribus en faisant d’abord tomber trois avant-postes. Heureusement, le titre nous laisse le choix de rapidement en finir pour ne pas se farcir toute la carte (comme si les développeurs savaient que ça allait être un calvaire). Seules les quêtes des personnages secondaires importants sortent un tout petit peu du lot mais rien de bien excitant.
Très vite, la routine tourne autour des combats, du loot, de la récupération d’armes rares ou de la résolution d’énigme. Ces dernières sont d’ailleurs un exemple de l’inutilité de la création de personnage. L’intelligence est censée nous aider à les résoudre plus facilement, mais honnêtement il s’agit clairement d’un gâchis de points puisqu’elles consistent en grande majorité à relier les couleurs jaunes et blanches entre elles. C’est aussi là qu’on se rend compte que l’on a surestimé la morphologie et les choix moraux de notre personnage. Biomutant est bourré d’éléments qui ne sont soit pas exploités, soit trop à l’écart pour avoir un vrai impact cohérent.
Heureusement que le système de craft est assez passionnant pour nous forcer à tout récupérer et recycler afin d’avoir les matériaux suffisants. On peut aussi modifier les armes et armures que l’on récupère et créer des choses assez loufoques comme une grosse épée en forme de clavier. On peut surtout donner toutes sortes d’effets et de passifs aux armes pour accroitre leur pouvoir de destruction.
Kung Fu Panda mutant
Le titre d’Experiment 101 a de nombreuses faiblesses mais peut se targuer de nous surprendre avec un univers original, une belle architecture, mais aussi avec un système de combat très complet et assez jouissif. Ce n’est pas parfait, avec des imprécisions et un manque d’impact, mais cela marche bien dans l’ensemble. On peut ainsi s’essayer à différents styles d’arts-martiaux auxquels s’ajoutent des pouvoirs « bio » et « psy ». Ces derniers éléments sont ce qui fonctionnent le moins car ils ne s’harmonisent pas assez avec le reste. On a l’impression de revenir à Kingdom Hearts premier du nom lorsque l’on doit utiliser les magies qui cassent le rythme.
Certaines permettent quand même de faire de belles choses comme le champignon que l’on peut poser pour bondir très haut et effectuer des actions plus aériennes. Biomutant réussi ses combats grâce à ses animations et aux différentes chorégraphies style kung-fu que l’on peut aisément prendre en main. On a pour cela accès à toute une panoplie d’armes au corps à corps (mêlée, à deux mains, masses) et à distance (pistolets, fusils à pompe…). Chaque tribu dispose en outre d’une arme unique qui rajoute encore plus de richesse comme le boomerang ou le bâton.
Chaque type d’arme a droit à une série de combos assez limitée, mais tous les combats offrent une bonne dose de mouvements très classes. Ils récompensent les parades et les esquivent réussies de même que la variété des coups assénés en particulier lorsqu’il y a du monde sur le champ de bataille. En sus, le changement d’arsenal fait largement l’affaire pour renouveler le gameplay.
En revanche, nous sommes assez déçus des affrontements contre les Mangemondes qui sont assez spéciaux mais se révèlent au final bien plus ternes qu’une prise de bec avec un groupe de 10 bandits. En particulier celui avec le Tortiplouf sous l’eau qui s’est révélé être une grosse désillusion.
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