Si vous pensiez que l’année jeu vidéo était terminée, arrêtons-nous deux secondes sur un tout nouveau titre venu tout droit de Pologne, et plus précisément du studio The Parasight, fondé il y a seulement 3 ans, et dont la première production, Blacktail, est sortie ce 15 décembre sur PC et consoles de nouvelle génération.
Le jeu nous raconte l’histoire d’une jeune femme, Yaga, perdue et esseulée dans un monde dangereux, aux prises avec des voix mystérieuses et pourvue d’une conviction forte : prouver son innocence et retrouver ses amis disparus. Nous avions eu l’occasion de poser les mains sur le titre il y a de cela quelque semaines, mais voici venu le temps de délivrer notre avis définitif sur ce jeu bien plus prometteur qu’il en a l’air. Direction le folklore slave et plus particulièrement, la légende de la sorcière Baba Yaga.
Conditions de test : Nous avons joué à Blacktail durant environ 20h, le temps d’accomplir une partie complète en empruntant la Voie de la Lumière puis de refaire un bon tiers du jeu en empruntant la Voie des Ténèbres, ainsi que la plupart des quêtes annexes, le tout sur PlayStation 5.
Sommaire
ToggleIl était une fois… Yaga et Baba
« Il était une fois, deux soeurs jumelles, Zora et Yaga ». Ainsi débute l’histoire mystérieuse de Blacktail. Au sein d’un monde mystique, une jeune fille, Yaga, se retrouve seule loin de son village dont elle vient d’être chassée en représailles de rumeurs la considérant comme complice d’une sorcière affreuse que l’on nomme Baba et qui enlèverait des enfants, tous ayant trainé avec la jeune fille avant leur disparition.
Si le récit se dévoile au fur et à mesure, on ressent tout de suite la pression que subit la jeune fille, perdue et en proie à des hallucinations telles qu’une voix lui parle en permanence dans sa tête. À moins que ce ne soient pas des hallucinations… Avec son récit bavard et judicieusement mis en scène, Blacktail parvient à nous tenir en éveil face aux défis qui attendent notre héroïne durant les 12h environ composant l’histoire principale, si vous la suivez en ligne droite, avec une dizaine d’heures supplémentaires pour tout trouver et tout fouiller, rendant le jeu très solide au niveau contenu surtout pour le prix demandé (30€).
Une épopée riche, divisée en 4 actes représentant tous une saison différente, avec un fil conducteur : retrouver notre sœur jumelle, Zora, et comprendre notre passé pour mieux envisager l’avenir. Un rite initiatique qui nous mènera à travers différents biomes, tous interconnectés via une zone centrale, appelée La Hutte, synonyme de quartier général d’où vous pourrez acquérir des compétences (nous y reviendrons plus tard) et faire progresser l’histoire.
Pour vous accompagner, un magnifique Chat Noir vous guidera spirituellement sur la route à emprunter. Vous avez dit sorcière ? De plus, la relation tissée avec la Voix durant toute notre aventure, les ellipses des événements passés racontés sous forme de bande dessinée mais aussi les séquences en vue 2D viennent compléter la narration solide, forte et vraiment bien menée jusqu’à une conclusion, que l’on voyait certes venir mais qui réserve son lot de surprises, joyeuses ou moins heureuses.
Un gameplay qui souffle le chaud et le froid
Si vous aimez changer d’arme durant un combat, vous risquez d’être surpris dans Blacktail. En effet, Baba se servira exclusivement de son arc pour défaire ses assaillants, avec plusieurs types de munitions disponibles et débloqués au fil de l’aventure : flèches enflammées, cristallines ou encore collantes, vous devrez vous adapter en permanence au bestiaire qui, malheureusement, ne se renouvelle pas suffisamment à notre goût, avec des variantes d’ennemis déjà rencontrés préalablement par exemple.
Mais là où l’on pourrait croire que cet aspect affaiblit notre expérience sur le jeu, ceci nous permet de gagner en efficacité et permet aux joueurs et joueuses et reconnaitre très rapidement le type de munitions à utiliser lorsqu’un combat s’annonce. Et ils pourront être nombreux. En effet, vous rencontrerez beaucoup d’ennemis sur votre route, que vous pouvez affronter ou fuir, mais qui ne disposent pas d’une intelligence artificielle des plus travaillées.
Les combats sont nerveux, dynamiques et vous demanderont une réelle maitrise de vos mouvements ou arc pour triompher, notamment lors des combats de boss, qui peuvent s’avérer très exigeants. Heureusement, vous pourrez sauvegarder régulièrement à des sanctuaires, grâce à des fleurs récoltées sur le terrain, et qui vous permettront de ressusciter (réellement) d’outre-tombe si vous trépassez. À noter que des altérations pourront modifier votre condition, comme vous ralentir, vous redonner de la vie, vous empoisonner etc., densifiant par la même occasion le gameplay.
Cependant, il faut tout de même noter que nous n’avons pas été emballés par la gestion de la caméra lors des combats et le fait que notre héroïne soit si ralentie quand elle dispose de son arc, associé à l’absence d’une esquive en tant que telle, nous faisant subir des coups là où nous avions anticipé nos déplacements. Tout comme les phases de plateforme, pouvant être maladroitement échouées du fait d’un manque de précision à certains moments, sûrement dus à la vue subjective.
Pour compléter son arsenal, en plus de son arc Yaga disposera de balais magiques permettant de tromper ses ennemis et de se soigner, ainsi que d’antidotes qu’elle pourra fabriquer grâce aux éléments présents dans les différents biomes, de même que les flèches nécessaires à son arc, conçues à partir de bois et de plumes à ramasser. La présence d’une roue des armes permettant ce craft est bienvenue et fonctionne parfaitement. Au travers de ces dernières phrases, vous vous rendrez compte que le craft dans son aspect survie prévaut dans le jeu, à tel point que cela pourrait compliquer votre aventure si vous ne le preniez pas au sérieux.
Le reste de vos actions dans le monde de Blacktail consistera en la pêche de poissons et autres surprises, mais aussi l’utilisation de portails de téléportation pour faciliter votre progression ou encore l’ouvertures de coffres vous permettant de récolter des dents pour l’ajout de « talents » nouveaux à votre arsenal. Pour cela, il vous faudra également ramasser des éléments précis sur le terrain mais également des pages de sorts disséminés dans des coffres, vous forçant à explorer votre environnement.
On regrettera toutefois la possibilité de terminer l’aventure sans réellement s’attarder sur cet arbre de compétences, preuve que celles-ci ne sont pas capitales pour poursuivre votre épopée, arbre pourtant bien ficelé car disposant de 4 atouts majeurs vous octroyant divers avantages significatifs en jeu. Petite déception également concernant l’absence de vol en balai magique (que l’on aurait adoré voir ici), ou même de sorcellerie pure avec l’apprentissage de sorts divers qui auraient diversifié le gameplay.
Au service de Mr. Larve ou bien de Mme. Fourmi
Le bien ou le mal. Deux notions difficiles à appréhender et au cœur du folklore de Baba Yaga. Au tout début de votre aventure, vous devrez choisir entre emprunter la Voie de la Lumière (bonne sorcière) ou la Voie des Ténèbres (mauvaise sorcière). Ensuite, chaque action que vous effectuerez en jeu aura une conséquence sur votre barre de moralité avec plusieurs crans à chaque fois. Sauver ce petit oiseau prisonnier ou le laisser à son terrible sort, chasser les fourmis ou les laisser s’installer, décrocher des nids d’abeille, récupérer de la vie via des phasmes etc.
La conséquence de vos actes s’affichera en haut à droite de l’écran vous signifiant de quel côté vous vous trouvez. Pour plus de détails, vous pourrez vous rendre dans les menus afin d’en apprendre plus sur ce qu’il vous faut faire pour tendre d’un côté ou de l’autre. Malin, utile et précis, ce système perd de sa superbe quant il s’agit de réellement impacter sur notre aventure. À plusieurs reprises, notamment vers la fin, il nous est demandé de faire des choix très importants, mais nous n’avons pas forcément constaté de différences d’un côté ou de l’autre.
Pour vous démarquer à nouveau, vous rencontrerez à certains endroits de mystérieux animaux qui parlent, Mr. Larve et La Reine Fourmi. L’un gentil et l’autre malveillante, vous pourrez, ou pas, leur rendre service, les aiguiller, les berner ou encore les laisser tranquilles, ce qui influe également sur votre moralité. Tout est optionnel dans cet aspect et nous regrettons le manque d’impact, hormis le fait de bloquer certaines lignes de dialogues, ou encore le manque de diversité des personnages rencontrés. Mention spéciale à Jack l’Anguille et Borvo Borko, deux champignons attachants mais intrigants.
Idem concernant un diable que vous rencontrerez parfois, vous sifflant lorsque vous approchez et qui vous proposera un marché vous donnant à la fois un avantage et un inconvénient, feature clairement dispensable.
En tant que jeune femme totalement démunie, trahie et lâchée par ses plus fidèles amis et même son amour naissant, Yaga devra choisir entre aider et trouver ces derniers ou tout simplement les laisser à leur sort lors de scènes au sein d’une prison mystique. Choix qui manquent un peu d’impact pour réellement connaître les conséquences de nos actes. Toute cette ambivalence se retrouve au cœur même de l’expérience proposée par Blacktail, sans toutefois parvenir à convaincre réellement tout le temps.
Un monde semi-ouvert magique ?
Via cette construction plutôt classique et par conséquent plutôt en ligne droite, le jeu ne nous laisse apercevoir qu’une partie de ses paysages et zones d’intérêt, sans vraiment nous pousser à fouiller les environs. Cette sensation est renforcée par la présence de « miettes » sur le sol, censées baliser le chemin à suivre, tandis qu’une boussole située en haut de l’ATH nous indiquera une croix dans la direction à explorer. Si l’on devait chipoter, on poursuivrai en indiquant que l’on aurait aimé plus d’allers-retours dans les biomes, présents mais en trop faible nombre.
Ce surplus d’indications nuit sensiblement à l’immersion, mais la qualité des décors est telle que l’on en vient à se perdre gaiement dans ces contrées magiques sans ressentir de véritable lassitude ou redite environnementale. Il s’agit de l’une des forces de son contenu : Blacktail dispose d’un monde semi-ouvert (nécessitant donc un passage par un hub pour changer de région) sous-exploité dans son aventure principale mais qui gagne en profondeur et en intensité quand la visite se veut de courtoisie, recomposant au passage une exploration chirurgicale des lieux.
Nous tenons là un aspect capital de la réussite qu’est Blacktail : sa direction artistique. Comme peint à la main la plupart du temps, ce monde onirique, étrangement réaliste malgré tout, se complète à tous les instants et envoute le joueur qui y pose les pieds, nous permettant de comprendre en partie l’exclusivité next-gen. Les couleurs sont tantôt vives tantôt sombres, le ciel étoilé ou ensoleillé semble en perpétuel mouvement, les effets lumineux sont des plus classieux, bref tout est une réussite de ce point de vue là et on ne peut que saluer le travail des jeunes équipes de The Parasight.
Nous vous le signifions plus tôt, le jeu dispose de ses propres quêtes annexes, toutes scénarisées, et la plupart du temps vachement bien fichues. Ne comptez pas en résoudre une cinquantaine bien entendu, mais toutes celles que nous avons pu essayer ont fait mouche. De même, au rayon des activités annexes, vous avez la possibilité de vous mesurer à divers champignons, souvent présents dans le lore du jeu, lors de combats en arène vous donnant accès à de précieuses ressources, tandis que la recherche de crapauds devrait vous occuper un temps certain.
Le monde ouvert étant tout de même relativement grand, on regrettera l’absence de voyage rapide. Cette affirmation n’est qu’à moitié vraie puisque le Chat Noir, votre fidèle guide, vous permettra en vous concentrant sur ses yeux de vous téléporter proche de votre hutte. On regrettera ici l’impossibilité de nous téléporter dans des points précis des biomes pour faciliter notre progression sans repasser par ladite hutte.
Pour vous aider dans vos déplacements et votre compréhension du lore du jeu, vous pourrez ouvrir une carte très précise du monde se dévoilant au fur et à mesure et ainsi visualiser vos objectifs et autres découvertes à venir. Cette carte est complétée par un codex des plus complets ainsi que par un journal de bord extrêmement rempli d’informations sur les quêtes en court et vous permettant de comprendre encore mieux tout ce qui se passe. Il s’agit ici d’un très bon point, facultatif pour celles et ceux ne voulant pas y avoir accès mais accessible pour les autres.
À noter par ailleurs que le jeu dispose d’un mode graphique ou performance mais aussi d’un mode Histoire où les combats seront plus simples, tandis que le niveau de difficulté Aventure vous fournira une épopée équilibrée telle que voulue par les développeurs.
Pour finir, nous n’avons pas réellement rencontré de bugs, mais que la manette DualSense n’est pas foncièrement bien utilisée, hormis quelques effets discrets. Les chargements sont rapides, contrairement à ce que nous soulignions lors de notre preview du mois dernier, et il vous faudra noter l’absence de voix françaises, ce qui est dommage vu la qualité saisissante des dialogues mais compréhensible au vu du budget de la production polonaise. Enfin, parlons brièvement de l’aspect sonore, très fidèle et complet concernant le sound design des biomes et des adversaires, même si l’on pourrait regretter un manque de thèmes différents et se répétant trop, bien qu’étant énormément qualitatifs dans l’ensemble.
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