L’Espagne n’en finit plus de nous étonner ! Que ce soit par son cinéma ou ses séries mais aussi par la richesse et la diversité dont fait preuve la scène indépendante du jeu vidéo dans ce pays largement sous-coté, la péninsule ibérique semble en pleine effervescence créatrice mêlant culot, inventivité et audace. Pour preuve, la récente sortie d’Effie sur PlayStation 4 et plus généralement le programme PlayStation Talents qui stimule et honore les jeunes créateurs. Blasphemous, la dernière pépite du studio The Game Kitchen, s’inscrit dans cette mouvance.
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Blasphemous, c’est avant tout l’histoire d’un monde en perdition, frappé par le désespoir, enseveli sous le poids du pécher et de la corruption. L’humanité est coupable, sa dévotion n’est pas à la hauteur de la lumière divine. Pour expier ses fautes, elle sera punie et soumise au courroux implacable du divin. Celui-ci prendra la forme d’un châtiment irrévocable, le Miracle, mettant à jour tant la grâce que la corruption.
Face à cette sanction brutale et sanglante, vous incarnez le Pénitent, un être condamné au silence, arpentant ces contrées austères et arides jusqu’à remonter à l’origine du pécher, le « Berceau de l’Affliction » situé au cœur de la Mère des Mères des Églises. Pour cela, il brandira l’épée forgée dans la douleur et la peine, la Mea Culpa et tentera au gré de multiples sacrifices, de conjurer la malédiction.
Ce qui frappe d’emblée dans Blasphemous c’est cette atmosphère lourde et sombre dans laquelle le joueur est immergé dès les premières images du jeu. La scène introductive mettant en scène une femme offrant sa vie en sacrifice donne à voir clairement le parti pris narratif de l’équipe espagnole : frapper les esprits sans jamais tourner autour du pot. La réalité se présente au joueur dans toute sa cruauté, dans toute sa brutalité.
Après une phase permettant d’en apprendre un peu plus sur les capacités du Pénitent, le chemin de croix se dessine plus précisément. Le joueur devra éprouver trois humiliations suprêmes comme autant de lieux hostiles à explorer envers et contre tout. Ainsi, dans sa structure narrative, le titre ne manque pas de nous rappeler la saga Diablo et la quête de souffrance à laquelle le héros doit faire face. Le titre n’est également pas sans rappeler le récent Dark Devotion mobilisant une trame et une logique similaire.
Un gameplay nerveux
Côté gameplay, le titre fait la part belle à la personnalisation du Pénitent via un inventaire truffé d’emplacements d’objets à récupérer dans les différents lieux de pèlerinage. Il conviendra ainsi non seulement de s’équiper de certaines prières permettant notamment de débloquer de nouvelles attaques dévastatrices mais aussi d’améliorer les pièces d’équipement de notre héros. Ainsi le rosaire que le Pénitent arbore pourra être agrémenté de perles permettant d’améliorer les compétences de défense ou d’attaque.
Dans la même veine, des reliques et objets de quête influent significativement sur vos capacités. Evidemment, la Mea Culpa peut également se doter de sortes de runes (des cœurs) engrangeant de nombreux bonus. Les techniques du Pénitent peuvent s’étoffer de combos diablement efficaces en dépensant des larmes interdites récupérées après chaque exécution.
Tout ceci est d’autant plus intéressant que les combats sont particulièrement nerveux et exigeants. Et pour cause. Le titre se veut punitif à souhait. Attendez-vous donc à refaire certaines zones des dizaines de fois et alternant phases de combat pures, esquives via le système de glissage rapide très précieux pour échapper aux coups puissants, parades et contre-attaques moyennant un timing finement dosé mais aussi des fatalités dignes d’un Mortal Kombat pour peu qu’un ennemi reste sonné par l’une de vos estocades.
Comme attendu, l’échec vous renvoie au dernier point de sauvegarde et raccourcit votre jauge d’attaque spéciale. En revenant sur les lieux de votre mort, vous pourrez toutefois non seulement vous faire justice mais aussi récupérer un fragment de culpabilité.
Un mot également des ennemis. Ils grouillent de partout, leurs techniques spécifiques imposent une réponse singulière et proportionnée. Le travail effectué sur leurs déplacements, leurs armes, leurs défenses et l’impact de leurs attaques méritent d’être souligné tant il impressionne dans certains niveaux où ils sont malicieusement combinés les uns aux autres pour faire vivre un cauchemar au joueur. Ainsi, même si pris un à un, chacun d’entre eux applique un pattern classique et prévisible, leur combinaison donne parfois le tournis.
Côté boss de fin de niveau, le choix de créatures immondes à la physique abominable et à la taille imposante fait clairement son effet et ajoute à la terreur des lieux. Là encore, chaque erreur se paye cash et chaque mauvais choix débloque un retour de bâton brutal et sanguinolent.
Une partition bien déployée mais complexe
On l’aura compris, le titre déploie une partition somme toute classique mais terriblement efficace menée sur un rythme effréné laissant peu de place à l’ennui. Graphiquement, le style 2D couplé à des scènes narratives en 3D bien huilées, fait clairement son effet. La bande-son aux influences andalouses fait l’effet d’une aventure à la fois mystérieuse et mystique de belle facture.
De bout en bout, le travail effectué sur la diversité des décors, la richesse de l’histoire et la nervosité de l’action agrippe le joueur à son écran. Les adeptes de la contrition seront bien servis, tout autant que les fans de jeux de plateformes agressifs et vicieux. Peu d’écueils donc pour ce titre particulièrement mature et prenant. Pour les plus sceptiques, rien de mieux pour se faire un avis que de tester la démo d’ores et déjà disponible (fait plutôt rare pour un jeu indé) du jeu afin de goûter au plaisir de souffrir là où personne ne vous entend !
Malgré tout, si l’on devait souligner quelques limites à Blasphemous, elles seraient sans doute à trouver du côté de l’histoire elle-même. Force est de constater que celle-ci est peu aisée à saisir. Celle-ci semble à de multiples égards sertie de trop nombreuses idées qui complexifient la compréhension d’ensemble et perdent un peu le joueur. Cette complexité se retrouve non seulement au niveau de l’histoire et de la narration mais aussi au niveau des descriptions ou des objets glanés. Difficile de savoir si c’est la traduction qui y met son grain de sel ou s’il s’agit là d’un choix singulier incitant le joueur à être curieux.
Enfin, pour les plus tatillons ou les plus observateurs, il convient de constater que le jeu dans son ensemble à des airs de déjà-vu. Peu de risques sont proposés dans la narration et le tout étonne peu voire pas du tout. Puisque d’autres titres, comme Dark Devotion déjà évoqué, occupent le même créneau, la comparaison semble inévitable.
Là où le studio français a grandement insisté sur les mécaniques, le studio sévillan mise clairement sur le visuel. Cela se ressent très clairement eu égard au caractère particulièrement imposant et flippant de certains boss mais aussi à la diversité des décors. Cela impressionne, cela fait son effet et flatte la rétine. Mais si l’on espère une sortie des sentiers battus niveau gameplay, mécaniques et logique globale du titre, on restera un peu sur sa faim. Toutefois, l’amusement et le défoulement sont là et c’est bien là l’essentiel !
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