Des visuels dessinés à la main convoquant le mouvement artistique de l’Ukiyo-e, popularisé par les estampes du célèbre Hokusai, Bô : Path of the Teal Lotus, premier jeu de Squid Shock Studios, nous emmène pour une excursion dans le folklore japonais et ses yôkais.
Financé via Kickstarter, le projet fut initialement pensé par un seul homme, Christopher Stair, avant que ce dernier soit rejoint par des collaborateurs expérimentés, parmi lesquels nous retrouvons notamment Milton Guasti, à qui l’on doit le remake non officiel de Metroid II, connu sous le nom AM2R.
Des personnalités fortes d’expériences significatives qui ne sont sans doute pas étrangères aux qualités vidéoludiques de ce Bô : Path of the Teal Lotus. Puisant ses mécaniques dans les grands noms du Metroidvania de ces dernières années, autant que vers le cinéma des studios Ghibli, Princesse Mononoke en tête, le soft parvient malgré tout à se construire une identité.
Condition de test : nous avons joué sur PS5 durant 10 heures. Suffisant pour atteindre la fin de l’aventure, mais pas assez pour le 100%. Notez que la durée de vie est assez variable d’une personne à l’autre compte tenu de la difficulté du titre. Il existe néanmoins des options pour casser le jeu et ne pas avoir à se soucier du challenge.
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Bô : Path of the Teal Lotus, c’est l’aventure d’une fleur céleste, adorable petit yôkai de la race Tentaihana (terme inventé pour l’occasion par le géniteur du projet), qui, armé d’un bâton modulable, tentera de sauver le monde du chaos qui se profile. Chaos qui se joue d’ailleurs en arrière-plan, installant d’emblée un enjeu bien visible. Le temps est compté et le sol tremble sous le poids des pas de la géante entité qui se pavane. Heureusement, Bô, qui est aussi le nom de la fleur céleste que l’on incarne, est dotée d’une agilité hors du commun. Les sensations manettes en mains sont d’ailleurs très bonnes.
Une fluidité dans l’action et une grande mobilité qui ne sont pas sans rappeler Hollow Knight. Mais avant de nous plonger dans le gameplay, attardons-nous sur les deux premiers sens stimulés : la vue et l’ouïe. Sans nous émerveiller de son esthétique, le soft de Squid Shock Games ne laisse clairement pas indifférent et réserve de jolis décors. La patte graphique reprise de l’ukiyo-e est très bien retranscrite, donnant à apprécier une faune et une flore chatoyantes.
Accompagné de musiques jouant parfaitement les sonorités typiques japonaises, avec l’utilisation du shakuhachi (flûte traditionnelle), ainsi que les mélodies au piano reconnaissables, il en ressort une agréable ambiance, sachant amener le dynamisme et la tension au moment opportun. Le duo formé par le compositeur mexicain Moisés « Moi » Camargo et Kiyota Manami, dont vous avez pu entendre le travail sur Xenoblade, offre une composition musicale de belle facture.
Des musiques en harmonie avec l’ambiance du soft, reflétant toute la douceur et la fragilité de notre fleur céleste. Bô : Path of the Teal Lotus c’est le contraste entre cette ambiance printanière héritée du bouddhisme zen, sous laquelle nous prendrions bien le thé avec des amis, avec la violence d’une aventure qui ne fera aucune concession. Les cerisiers croisés distribuent les bons conseils, des phrases pleine de sagesse censées nous prévenir que l’habit ne fait pas le moine, entre autres choses.
Le Conte de la fleur céleste
Il faut dire que notre être végétal, malgré son agilité, aura fort à faire pour sauver son monde de la terrible menace. Le récit, bien que convenu, n’en demeure pas moins intéressant à suivre, grâce à une narration efficace, une galerie de personnages sympathique, sans pour autant voir surgir tant de personnalité que ça chez ces derniers.
A l’inverse du récent Gestalt : Steam & Cinder qui misait sur la linéarité, Bô : Path of the Teal Lotus laisse de la liberté aux joueurs, joueuses, et ne lésinera pas sur les allers-retours d’un biome à l’autre, tout en cadrant un minimum la progression via les objectifs principaux. Cela étant dit, sans être le titre le plus labyrinthique, la map du menu qui manque cruellement d’indications et de précisions pourra compliquer l’exploration, sachant qu’il est d’ailleurs impossible de l’annoter.
Entre les collectables à dénicher, les portions de zones dissimulées et, surtout, les PNJ et leur missions demandant de courir un peu partout, le soft de Squid Shock Studios peut devenir frustrant quand il nous demande de retrouver des éléments précis. Parfois ces éléments que l’on pensait facultatifs revêtent en fait une importance capitale pour la progression dans l’aventure.
Cette frustration peut s’accentuer à cause d’un level design tout juste efficace. Les gammes sont récitées sans prise de risque, aucune zone ne sort véritablement du lot l’effet de redite est susceptible de pointer le bout de son nez, malgré des jeux de couleurs et des biomes qui, visuellement, se diversifient systématiquement. On ne peut nier que l’expérience globale de Bô : Path of the Teal Lotus en souffre un peu. Davantage de créativité et de folies n’auraient pas fait de mal.
Sous les cerisiers en fleurs
En revanche, les équipes se sont montrées plus inspirées lors des combats de boss. Malgré un affrontement final tirant en longueur sans être le plus passionnant de l’aventure, selon nous du moins, Bô : Path of the Teal Lotus, réserve quelques rencontres stimulantes, un poil frustrantes pour d’autres également. En cause, notamment, un challenge qui ne fait pas sourire.
Si l’aventure en elle-même ne pose pas de problèmes particuliers, quand bien même des imprécisions notables dans le gameplay pouvant causer des échecs rageants, les boss, eux, sont là pour bousculer sévèrement. C’est simple, des combats font presque envier la croisade infernale du Pénitent de Blasphemous. Les développeurs ont décidé de ne laisser que très peu de place aux erreurs, il faut être constamment à 100 % pour ne pas se faire surprendre.
Au-delà des trois coups de bâton seulement que notre fleur céleste peut lancer, c’est bien vers une mécanique héritée de The Messenger que le gameplay va se tourner, et que les séquences de jeu vont se construire. Le talent de Bô c’est la mobilité aérienne. Ainsi, la majeure partie de l’expérience consistera à rester le plus longtemps dans les airs. Pour ce faire, il faudra abuser du système consistant à gagner un saut supplémentaire à chaque fois que l’on frappe un ennemi, et certains éléments du décor.
Pas de combos ici, mais de l’agilité. Ne disposant d’aucun double saut, cette mécanique doit impérativement être maîtrisée. De fait, Bô : Path of the Teal Lotus est davantage un jeu de plateforme que d’action. Les sessions les plus retorses sont d’ailleurs assez jouissives à vivre. La très bonne intro du soft annonce la couleur et la marche à suivre. Une entrée en matière des plus solides, plutôt engageante de surcroît.
Vers la forêt des lucioles
Attendez-vous à de sacrés moments, de quoi hurler de colère aussi. Car, bien que les patterns et animations des boss, comme du convaincant bestiaire, soient parfaitement lisibles et dépourvus d’une réelle complexité, on sent que les équipes de Squid Shock Studios ont eu la main lourde. Au point qu’un aveu de faiblesse apparaisse dans les options de jeu. En effet, Bô : Path of the Teal Lotus invite à activer le mode invincibilité et/ou celui pour ralentir la vitesse de jeu, afin de facilité l’aventure.
Un choix discutable et qui pose question. Le soft semble à la limite de l’abus sur certaines situations. La question demeure sujette à débat en fonction des sensibilités et skills de chacun, mais vous êtes prévenus. Sous ses airs mignons et la dimension zen qui en émane, se cache un titre relevé. Pour ne pas sombrer, il est recommandé d’user de talismans octroyant des bonus, aussi divers que variés, ce qui permettra de déjouer des situations.
Leur nombre est suffisant pour trouver ses préférés et façonner son aventure comme souhaité, un peu à l’image des Charmes dans Hollow Knight. L’autre atout en combat ce sont les darumas, ces têtes de couleurs faisant références au bodhidharma. Mais pas seulement, puisque dans la culture populaire japonaise ils apportent chance et prospérité. Dans Bô : Path of the Teal Lotus, les darumas sont des armes redoutables disposant d’un pouvoir spécial allant du bouclier rendant invulnérable au lance-flamme, parmi d’autres.
Il ne faut pas les négliger sous peine d’inutilement se compliquer la tâche. Les utiliser nécessite du carburant, celui de votre bouilloire, que l’on recharge en combat. Une bouilloire également indispensable pour vous régénérer en santé. Ce qui vous laisse vulnérable un court moment, le temps que le thé médicinal soit ingurgité. Au fil des talismans et darumas glanés l’aventure gagne en confort, les effets de ces derniers ne se cantonnent pas au combat.
Herbes Flottantes
Sans oublier les matériaux récupérés sur le chemin, monnaie d’échange pour améliorer le nombre de talismans porté, la capacité de stockage de la bouilloire, etc. Rien de nouveau sous le soleil, mais le travail est bien fait. En revanche; la présence de téléporteur, inhérente au genre, ne sera ici pas des plus utiles, la faute à une présence restreinte, et puis Bô devient vite capable de traverser la map rapidement grâce aux compétences débloquées.
Quant aux sauvegardes, n’étant qu’automatiques, il faudra recommencer les boss entièrement, peu importe la phase du combat à laquelle vous étiez rendus. Cela s’applique aux phases de plateformes les plus longues et ardues. On se rassurera avec les points de sauvegarde généralement bien positionnés, précisément ceux placés avant un boss qui ont le don d’apporter un peu de soulagement.
Un petit mot sur l’exposition de la mythologie reprenant des éléments et définitions fidèles au folklore japonais. Si cela passe presqu’exclusivement par la lecture, les données fournies sont enrichissantes. Tant pour l’appréciation globale de l’univers dépeint dans Bô : Path of the Teal Lotus, que pour la culture générale. En terme d’immersion c’est également efficace. Outre, des entités maintes fois mentionnées, on trouve des faits moins connus, à l’instar de la place du sumo dans la mythologie et l’histoire du Japon.
Christopher Stair a d’ailleurs pris le temps d’imaginer le concept des Tentaihana, race de yôkai à laquelle Bô appartient. Et le résultat paraît crédible, en plus de prouver que le soft dispose d’un lore bel et bien existant. C’est presque un petit cours de culture japonaise que nous partagent les développeurs finalement, si l’on prend le temps de s’y attarder. Ce n’est pas pour rien que le désir d’en faire une œuvre transmédia fut abordé en interview.
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