Flirter à la limite de la poésie et du drame social est un risque que peu savent maîtriser. Pourtant, les petits gars de Santa Monica Studio ont pris ce pari avec Bound, et le moins que l’on puisse dire, c’est que c’est réussi, mais au prix de quels sacrifices ?
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ToggleLa Reine, la Princesse, le Héros et le Monstre !
Bound vous plonge dans la peau d’une Princesse, qui se voit chargée par sa mère, la Reine, de sauver le royaume d’un Monstre terrifiant. Pour ce faire, l’aide d’un Héros sera plus que nécessaire. Disons-le tout de suite, il ne faut pas tomber dans le piège simpliste de ce scénario plus que niais. C’est une intention volontaire de la part des développeurs, qui est là pour transformer un drame de la vie quotidienne en fable désuète, un peu comme pour protéger le joueur d’une vérité un peu trop dérangeante. L’héroïne du jeu est une enfant, avec le regard et les émotions qui vont avec, et au travers des épreuves qu’elle devra traverser, ce côté « comptine » et « enfantin » laissera place au dur monde des adultes.
Nous nous retrouvons donc devant une sorte d’ovni, axé plateforme, qui nous fait évoluer au sein d’un monde très étrange. Pas de médiéval-fantaisie ici, plutôt une sorte de monde abstrait, rempli de couleurs chatoyantes, d’ennemis étranges, de pixels et de monstres mystérieux. L’une des forces du jeu est le fait qu’il amène le joueur à se poser des questions naturellement sur l’environnement qui l’entoure, et surtout sur ce que ces lieux énigmatiques représentent. Le jeu tente, de cette manière, d’utiliser sa narration, bien exploitée, afin d’indiquer au joueur les actions qui s’offrent à lui.
Parlons-en des actions, qui se veulent être tout aussi simplistes que le scénario. Vous pouvez vous déplacer au stick gauche, bouger la caméra avec le stick droit. Pour le reste, vous pouvez rouler avec rond, sauter avec la croix et esquiver les dangers avec carré. Afin de vous protéger au mieux, vous pouvez maintenir R2, ce qui aura pour effet de débuter une danse qui éloignera les effets néfastes et les ennemis (en plus de vous amuser à déployer une chorégraphie poétique sur une OST qui déchire).
C’est donc ainsi que vous évoluerez parmi les différents niveaux, et c’est également de cette façon que vous remarquerez probablement les premiers défauts du jeu.
On a rien sans rien !
Entendons-nous bien, Bound possède une poésie, ainsi qu’une force de narration de haute volée. En contrepartie, celui-ci a également dû délaisser certains aspects qui, malheureusement, le desservent. Commençons par la répétitivité des niveaux, qui sont ultra-linéaires et ne vous laissent pas vraiment le choix du voyage. La difficulté n’étant pas non plus très folichonne, on les « survolent » littéralement. Les phases de plateforme ne sont ni ardues, ni instructives, puisque le but de Bound est uniquement de vous faire aller d’un point A à un point B. Si ce qu’il y a entre ces deux points est fort de symboles au niveau narratif, il en devient vide de sens au niveau du gameplay et à fortiori du level-design.
De plus, le potentiel de la danse, que le scénario nous oblige souvent à user, n’a qu’une utilité minimale et assez mal maîtrisée. En tant que joueur, nous en comprenons l’importance, mais sans jamais la saisir pleinement. Au lieu de danser, l’héroïne aurait pu faire du houla-hoop, et rien n’aurait changé. Certes, c’est surtout cela qui amène l’essor contemplatif du soft, mais c’est un outil parmi tant d’autres. J’aurai aimé voir un peu plus de ces moments, et apprécier une symbolique autrement plus forte que celle présentée. En revanche, les déplacements de notre avatar, inspirés eux-aussi de la danse, font que celle-ci se déplace avec une grâce et une beauté sans pareille. C’est une facette qui aurait mérité d’être un peu plus poussée.
La durée de vie est probablement le plus gros point faible du jeu !
Pour ma part, il m’a fallu un peu plus de deux heures pour voir les crédits. Et si vous pensez que c’est parce que j’ai rushé un maximum, il faut bien comprendre que le jeu est pensé pour. En effet, une fois terminé une première fois, vous débloquez le mode « Speedrun », qui vous permet de faire l’intégralité des niveaux d’une traite, dans la limite du temps imparti. Il y a d’ailleurs deux succès basé sur la vitesse. Nous pouvons donc admettre une chose : vous terminerez Bound en deux heures même en prenant votre temps ! Le problème est qu’à ce prix-là, la vingtaine d’euros demandée est assez exagérée. Pour sûr, les aficionados des jeux abstraits, beaux avec une définition du « sublime » bien à eux seront ravis, mais quant aux autres, la pilule risque d’avoir du mal à passer.
Une direction artistique à couper le souffle
Alors là, c’est très simple, soit on aime, soit on n’aime pas. Dans les deux cas, il faut bien avouer que la direction artistique de Bound ne laisse pas indifférent. Si (je pense) tout le monde se mettra d’accord sur la qualité indiscutable de l’OST, qui est en passant absolument magistrale, les avis risquent d’être plus mitigés sur le game-design. Pour ma part, l’effet a fonctionné sur moi, mais ce genre très particulier ne sera peut-être pas au goût de tous. Le jeu comporte un maximum de quatre/cinq couleurs dominantes et c’est largement suffisant.
Le jeu propose de véritables petits moments d’introspection !
Les phases « d’envolées » qui sont littéralement des phases de « non-jeu », nous laisse glisser sur une banderole qui fait le tour du niveau et qui nous permet d’apprécier le paysage si particulier de ce royaume de décrépitude, le tout sur une musique absolument magique. Mais, parce qu’il y a toujours un mais…
D’une manière générale, le soft tente de nous proposer une expérience marginale, en dehors des clous. Il divisera sûrement mais touchera au plus profond celles et ceux qui arrivent à comprendre le message. Par contre, là où je me dois d’insister, c’est que les sacrifices que le titre à dû faire pour en arriver à ce résultat sont les sacrifices de trop. En effet, avec du recul, Bound n’est qu’un jeu de plateforme qui se noie dans la masse, et, malgré ses efforts herculéens, n’arrive toujours pas à hurler plus fort que la meute. Du coup, en le finissant, nous sommes perplexes. Tiraillés entre l’envie de le porter en éloge, et celui de l’encourager car au final, il ne se démarque pas suffisamment. Dans les deux cas, le travail est présent, mais trop maladroitement montré en jeu, car si cela était le cas, la question ne se poserait même pas.
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