Certains jeux sont développés avec plus de passion que d’autres, et Brütal Legend en fait partie. Sorti de l’imagination de Tim Shafer, à qui l’on doit l’excellent Psychonauts et sa suite tout aussi qualitative, ce titre mettant l’emphase sur le métal, genre musical dérivé du rock’n’roll, embarque un casting de rêve. Pour commencer, on a confié au célèbre Jack Black le soin d’incarner le protagoniste. Et quelques têtes marquantes de la scène heavy metal font leur apparition, notamment Ozzy Osbourne et Lemmy Kilmister, respectivement fondateurs des groupes Black Sabbath et Motörhead.
En bref, tout semble réuni pour faire de ce jeu d’action mêlé de stratégie en temps réel, s’offrant un monde ouvert alors que nous ne sommes qu’en 2009, un véritable indispensable pour tout fan de métal et d’expériences vidéoludiques. Pourtant, le titre n’a pas fait grand bruit, et est rapidement tombé dans l’oubli le plus total. Aujourd’hui, voyons ensemble pourquoi il est résolument fâcheux de constater que cette production Double Fine Games n’est pas parvenue à marquer l’industrie durablement.
Conditions de test : Nous avons joué environ 10 heures à Brütal Legend sur Xbox Series X, via une version Xbox 360 rétrocompatible. Ce fut suffisant pour voir le bout de l’aventure principale, et pour réaliser une grosse partie des activités annexes que le titre propose. Nous avons ensuite mis quelques heures dans la version Xbox 360, sur console d’origine, afin d’effectuer un comparatif visuel. Ce test est garanti sans spoiler.
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ToggleHeavy Metal, le jeu vidéo
On a pu le voir à travers les âges, le métal et le jeu vidéo font bon ménage. Les créateurs du premier DOOM, en 1993, avaient déjà à cœur d’offrir une bande son singulière à leur FPS, émulant les guitares électriques et la batterie. Plus récemment, l’un de ses héritiers spirituels nommé Metal Hellsinger s’est lui aussi démarqué sur le sujet, avec son concept original basé sur le rythme. Entre les deux, Brütal Legend a essayé de réunir quelques gros noms du rock’n’roll pour une expérience vidéoludique ambitieuse destinée aux fanatiques de ce genre musical aux nombreux adeptes.
Et c’est vrai que quiconque apprécie le genre ne peut qu’être ébahi devant le casting que propose le jeu de Double Fine. L’illustre Jack Black est aux commandes de cette aventure, dans laquelle il incarne le chef de tournée d’un jeune groupe de rock, tué lors d’un concert qui tourne mal. Heureusement, grâce à une relique en forme de tête de monstre, il se réveille en vie dans un monde parallèle, véritable incarnation de l’esprit métal. Ça grouille de crânes et d’ossements, de signes reconnaissables, mais aussi de fûts de bière, de guitares et de haches de barbares.
Côté immersion, le titre s’en tire d’ailleurs vraiment bien, puisque l’on est rapidement happé par son ambiance légère, soutenue par une bande son tout simplement divine, composée de nombreux morceaux mythiques. Difficile de ne pas se laisser porter par cette aventure où les guitares électriques côtoient le démembrement et l’humour gentillet, lorsque l’on est amateur de Mötley Crüe, Anthrax ou encore Pantera. À l’inverse, pas facile de s’investir si ce genre musical laisse indifférent, voire répugne, et Dieu sait qu’il ne fait pas l’unanimité.
Mais, si amateurs vous êtes, alors Brütal Legend saura se montrer généreux à votre égard, en multipliant les riffs de guitare jouissifs, et distillant quelques têtes reconnaissables de la scène Heavy Metal. Les chanteurs de Motörhead et de Blackk Sabbath, donc, mais aussi celui de Juda’s Priest et celle de The Runaways. Une richesse de casting surprenante, qui fait écho à celle du jeu de manière générale. Certes, Brütal Legend est pourvu d’une durée de vie faiblarde pour un monde ouvert, soit une petite dizaine d’heures, mais il sait se montrer généreux sur bien des points, et a tout un éventail de petits easter-eggs à son actif.
Master of Puppets
Jusque là, nous n’avons finalement abordé Brütal Legend que via son aspect musical, et son univers. En partie parce que ce sont ses plus grandes qualités, il est vrai. Mais aussi parce que c’est ce matériel qui en fait un jeu reconnaissable. Il a une identité qui ne laisse pas indifférent, et ça fait du bien. Et cette identité, Brütal Legend l’a forgée dans le métal, c’est un fait, mais aussi dans l’open-world à l’ancienne, dans le beat’em all, et dans la stratégie en temps réel. Une tambouille loin d’être exempte de défauts, mais qui fonctionne malgré tout plutôt bien. À condition d’adhérer au propos.
Ce monde ouvert n’est pas spécialement joli, il faut le reconnaître, mais il jouit d’un relief bien pensé, et de quelques panoramas sympathiques. Pas bien grand, il demeure assez honnête en regroupant une bonne quantité de points d’intérêt et autres quêtes annexes, poncifs de ce genre qui n’en était encore qu’à ses balbutiements. On échappe heureusement aux tours de communication façon Far Cry 3, le titre d’Ubisoft arrivant seulement trois ans plus tard. Mais il faut reconnaître que la diversité n’est pas la plus grande des qualités de Brütal Legend, qui peine à renouveler ses situations et ses missions secondaires.
Reste la conduite, puisque le jeu nous mettra rapidement entre les mains un bolide dont la carrosserie ne lésine pas sur les flammes. Sa prise en main est agréable, et sa vitesse, qu’il est possible d’améliorer, permet de traverser la map en peu de temps. Parce que Brütal Legend se veut fun, et la majeure partie du temps, il parvient à l’être. Ça transparaît d’ailleurs dans ses combats, qui ne sont pas bien complexes, puisque se contentant de deux touches pour attaquer, permettant quelques combos parmi une liste un brin famélique.
Nous ne sommes pas sur du Devil May Cry 5, avec des paliers d’apprentissage et des subtilités à dénicher. Brütal Legend fait au contraire dans la simplicité. Il en ressort des combats un brin mous, mais surtout redondants, peut-être la partie la moins réussie du jeu. Mais celui-ci s’en sort mieux du coté de son aspect stratégique, avec plusieurs séquences nous plaçant aux commandes d’escouades, dont le recrutement nous revient. Pas au niveau d’un Overlord, malheureusement, et les imprécisions sont monnaie courante. Mais on prend du plaisir dans ces séquences qui, exception faite de la fin du jeu, ne sont jamais bien longues.
Painkiller
S’il ne fallait retenir qu’une qualité purement vidéoludique, alors ce serait certainement son rythme, juste au dessus de sa générosité. Le titre de Double Fine n’est pas bien long, mais est parfaitement dosé. Pas besoin d’étirer bêtement son aventure sur la longueur, puisqu’elle fonctionne à merveille telle quelle. On en aurait sans doute redemandé si l’histoire n’était pas aussi bateau, tombant vaguement dans le récit amoureux et guerrier, sans vraiment parvenir à toucher le joueur. Ou s’il était possible de jouer un autre personnage, pourquoi pas, car c’eut été une riche idée de permettre d’incarner une autre de ces rutilantes têtes d’affiche.
Malheureusement, il faudra se contenter de ce bon vieux Jack Black, qui a le meilleur rôle de l’histoire, et est évidemment le personnage le plus mis en avant. Les autres font un peu office de figurants. Tant que nous sommes au rayon des défauts, abordons aussi le doublage français. S’il n’est pas foncièrement mauvais, il ne brille à aucun moment, sous les traits d’aucun personnage. C’est dommage, parce qu’il n’est pas possible de récupérer les voix originales, or dans un jeu proposant un casting pareil, c’est une hérésie ! Il est aussi important d’aborder le pic de difficulté de fin de jeu, difficile à avaler, qui contraste beaucoup avec la légèreté du reste.
Brütal Legend est un pur produit de la fin des années 2000, quand faire de l’open-world était encore cool, et que ce n’était pas suivi par une myriade de prérequis étouffants comme le light-RPG. Quand un jeu pouvait n’être qu’un concept rigolo, du genre « mettons Jack Black dans un univers blindé de références au métal, et démarchons pour une bande son du tonnerre ». Et rien que pour cela, on lui excusera certains de ses écueils. Certes, il n’excelle dans rien de ce qu’il entreprend, si ce n’est dans son univers soigné jusque dans son menu principal, et son gameplay manque un peu de profondeur. Mais on prend du plaisir dans cette aventure qui ne se prend jamais la tête, et c’est déjà pas mal !
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