Comme nous l’avions dit dans notre preview disponible sur le site, Call of Cthulhu est l’adaptation officielle de l’univers de H.P. Lovecraft, et plus précisément du jeu de rôle adapté de son univers. L’univers du Mythe de Cthulhu est très large et utilise de nombreuses idées qui ont eu une influence sur l’ensemble de la pop culture actuelle.
Une des notions importantes est par ailleurs le mystère, l’innommable, ce passage où ce que nous voyons est si effrayant que nous n’arrivons pas à mettre de mots dessus. Cette notion prépondérante dans l’œuvre de l’auteur américain est selon nous très difficile à mettre en œuvre, et est l’un des éléments clés pour la réussite d’une œuvre adaptée de cet univers.
Dans le milieu du jeu vidéo, on a tenté à de maintes reprises de reprendre l’œuvre de Lovecraft, parfois avec réussite, mais souvent laissant une impression mitigée. Mais nombreux sont les jeux qui, s’inspirant simplement de l’œuvre du monsieur, ont réussi le pari de retranscrire ce sentiment d’horreur, de poisseux. Difficile ici de ne pas mentionner alors le premier Alone in The Dark, Bloodborne et son univers dark fantasy ou encore la série des Amnesia et sa volonté de créer une ambiance par le son et ses décors. Aujourd’hui nous parlons de Call of Cthulhu qui a la lourde tâche de rivaliser avec ces grands noms, tout en proposant un jeu fort et prenant.
Le jeu, initialement en développement depuis 2014 par Frogwares (parti développer ensuite The Sinking City, un autre jeu lovecraftien), a été repris par Cyanide depuis 2016, afin de proposer aujourd’hui le jeu que nous avons sous la main, entre enquête et horreur, utilisant les mécaniques du jeu de rôle papier Call of Cthulhu.
Sommaire
ToggleBienvenue à Darkwater
Comme nous vous l’avions présenté lors de notre preview, vous incarnez le détective privé Edward Pierce qui se retrouve malgré sa volonté à devoir enquêter dans l’île de Darkwater. Située proche de Boston, l’île mystérieuse et réputée comme maudite fut le théâtre d’une tragédie familiale avec la mort de la famille Hawkins dont Sarah est une peintre réputée notamment par ses œuvres monstrueuses. Mais Edward ne le sait pas encore, mais il s’est embarqué dans une descente menant tout droit dans la folie…
Que l’on se le dise tout de suite, Call of Cthulhu accuse un peu son retard technique. Malgré l’utilisation de l’Unreal Engine 4, le jeu n’est pas à la cheville des plus grosses productions actuelles et c’est presque tant mieux. Cet aspect un peu daté donne au final une sorte de touche, de cachet qui, grâce à la direction artistique parfaite du titre, donne un vrai aspect sale au jeu qui est bienvenu. Une adaptation de l’œuvre de Lovecraft a toujours eu cet aspect un peu crade, où tout suinte et où on se retrouve à ne jamais être sûr de ce que l’on voit réellement. Le jeu, proposant une vue à la première personne s’autorise néanmoins lorsqu’il prend la main, à vous proposer une vue à la troisième personne lors de certaines cut-scenes. La mise en scène proposée par Cyanide est ici efficace mais aurait pu aller un peu plus loin.
Le jeu utilise d’ailleurs principalement des tons sombres, et des décors quasiment apocalyptiques. Difficile en même temps de transcrire une ambiance angoissante sur une prairie ou une plaine. L’île de Darkwater est ainsi un vrai terrain de jeu intéressant, voir quasiment un personnage à part entière. On ne sait jamais vraiment si l’île se joue de nous ou pas. Cette non distinction du réel et du mystique est donc très bien utilisée graphiquement, mais aussi scénaristiquement.
Call of Cthulhu est un jeu indispensable pour peu que l’on aime l’œuvre de Lovecraft.
La grande force et l’argument principal de Call of Cthulhu, c’est bel et bien sa narration et son scénario. Dans la peau de Edward Pierce, on se prend vraiment au jeu de ce personnage se retrouvant dans un lieu aussi repoussant que mystérieux. Si le début du jeu est quelque peu grandiloquent, le jeu arrive à nous inclure vraiment dans le récit, et l’enchaînement des scènes fonctionne vraiment bien et on se retrouve à se perdre du début à la fin entre réalisme et mysticisme, enquête et occulte. On se retrouve ainsi à enchaîner des séquences dans un manoir, avant d’aller dans des cavernes, pour nous retrouver ensuite sur le port de l’île, et découvrir des souterrains cachés. Si le dépaysement n’est jamais vraiment présent, c’est pour mieux se jouer de nous, nous tromper entre ce dont on a pris l’habitude de voir. Il n’est donc pas rare de retourner plusieurs fois dans le même endroit, mais où une chose aura changé, une autre là, donnant cette impression de confort et de malaise à certains moments, comme si, une chose n’avait pas sa place là.
Le titre aime jouer avec nous, et si on aurait aimé que Cyanide aille plus loin, notamment en brisant le quatrième mur (on se rappelle tous d’un psychomantis dans Metal Gear Solid), on se retrouve à vraiment rentrer dans le jeu. Ce dernier nous rappelle tantôt les meilleurs films inspirés du jeu, tantôt les romans de l’auteur, ou même les jeux vidéo. Difficile, lorsque l’on se retrouve dans cet institut de ne pas voir l’influence de L’Antre de la folie de Carpenter. Le jeu joue d’ailleurs sur un champ lexical de l’art dans tous les sens, notamment avec les différentes peintures.
En effet, le personnage de Sarah Hawkins étant une peintre, de nombreuses peinture sont présentes dans Call of Cthulhu. Empruntant l’expressionnisme allemand, l’abstrait voir la peintures de l’entre-guerre, on met en avant l’horreur au fil de ces œuvres d’art. Le jeu reprenant également de nombreux mythes de l’univers de Cthulhu, vous vous retrouverez à admirer Le Vagabond ou encore Le Leviathan. C’est d’ailleurs ce genre de détails qui donne au jeu toute cette profondeur et rend son univers crédible.
Call of Cthulhu, un FPS narratif
Call of Cthulhu est, en terme de pur gameplay, un FPS principalement narratif. Sur la quinzaine d’heures de jeu, on ne trouve que quelques scènes de véritables combats. Ne vous attendez pas à un jeu similaire à l’adaptation sortie en 2005 en termes d’affrontements. Dans la peau de Edward Pierce, votre expérience sera principalement axée sur les dialogues, l’observation, la résolution d’énigmes et la prise de choix. Si ce dernier aspect est au final peu développé pendant le jeu, il reste plaisant de pouvoir influer un minimum dans cette aventure linéaire. Plusieurs fins sont d’ailleurs prévues par les développeurs et il faudra ainsi faire attention à chacun de vos choix car les conséquences pourront être lourdes !
En dehors de l’aspect narratif, le jeu propose également une dimension RPG. Divisé en plusieurs parties, plusieurs compétences sont disponibles : la psychologie, l’investigation, « trouver objet caché », l’éloquence, la force, la médecine légale et l’occultisme. Les deux derniers sont un peu spécifiques par rapport aux autres car ils ne progressent que par les différents objets que vous trouverez lors de l’aventure. Pour les autres compétences, ce sera simplement à vous de choisir la répartition des points de personnages. Là où dans certains jeux, nous pouvons nous demander l’intérêt de ces compétences, dans Call of Cthulhu, le constat est différent.
Chaque compétence vous permettra en réalité de dévoiler de nouveaux choix de dialogue, d’interactions, de possibilité au fur et à mesure que vous avancez. La compétence Trouver Objet Caché vous permet par exemple de trouver de nouveaux indices cachés parmi les décombres. Il est d’ailleurs intéressant de voir que, même dans la linéarité du jeu, les variations sont nombreuses dépendant ainsi de nos compétences et notre évolution en tant que personnage.
Une des spécificités du titre est la reconstitution des scènes. Edward Pierce, tel un Sherlock Holmes, a la capacité d’analyser une pièce afin de pouvoir recréer l’événement passé. La mécanique est pour le coup plutôt bien pensée car elle permet de pouvoir connaître certains aspects de l’univers et des événements alors que nous n’étions pas là. C’est ainsi que nous allons pouvoir reconstituer le fameux incendie qui a éclaté dans le manoir des Hawkins, ou une réunion secrète d’un culte. C’est d’ailleurs là, la force du titre de Cyanide, la capacité à ce que chaque aspect du game design soit ici au service de la narration. Chaque aspect du jeu sert cette narration, et cela nous a même par moments rappelé le lien entre gameplay et narration qu’avait fait un certain Spec Ops : The Line il y a quelques années.
« Les informations sont des armes »
S’il y a un conseil que l’on se doit de vous donner lorsque vous démarrez votre partie, lisez tout ce que vous trouvez ! C’est simple, chaque objet, chaque ligne de texte disponible dans le jeu sera utile. Que ce soit pour apprendre davantage sur le contexte du jeu, les personnages ou même sur les situations, chaque chose est utile. Chaque ligne de dialogue est ainsi en jeu, et vous aurez le choix entre des lignes dépendant de vos compétences ou des indices trouvés. Il vous sera ainsi difficile de tout trouver du premier coup et bien entendu, le jeu joue avec cet aspect-là. Le jeu variera d’ailleurs en fonction de ce point-là également et si vous en savez assez sur les Hawkins, vous pourrez rentrer dans le manoir sans avoir recours à la force par exemple. Certains dialogues se retrouvent même au bout d’un moment du jeu « entachés » de mysticisme et vous fera sombrer davantage dans la folie.
La folie d’ailleurs s’exprime de plusieurs façons. Il y a tout d’abord l’exposition à une scène d’horreur qui va jouer sur notre mental, mais également notre consommation d’alcool, nos lectures occultes. Chaque aspect du jeu peut également nous rendre de plus en plus dérangé. Au point où il peut vous arriver que vous deveniez claustrophobe et qu’il soit quasiment impossible de passer par un conduit d’aération, de vous cacher dans une armoire sans avoir une crise de panique. Il faudra d’ailleurs faire attention à cette jauge de panique sous peine de sombrer dans la démence et ainsi mourir.
Cet article peut contenir des liens affiliés