Comme un phare repoussant les ténèbres écrasantes produites par la modernité et ses dérives, la nostalgie apparaît à tout un chacun, à des intensités variables. On a souvent entendu, quand ce n’est pas prononcé, la phrase : c’était mieux avant. Un adage qui prend plus de sens encore quand on parle de jeu vidéo, avec ses différents âges d’or, ses expériences de moins en moins sophistiquées à mesure que l’on remonte le temps, et avec, un sentiment de béatitude, d’une enfance retrouvée… que sais-je encore ? Parmi la pléthore de titres indépendants que vous verrez passer cette année, Castaway s’inscrit assurément dans une démarche nostalgique, et ce sur plusieurs strates. Ce qui a attisé une certaine curiosité en notre fort intérieur.
Après l’intrigant LUNARK, embrassant lui aussi la fibre nostalgique en s’inspirant de titres tels que les mythiques Flashback et Another World, Canari Games et son unique développeur, Johan Vinet, reviennent cette année avec Castaway. Une expérience bien différente, fleurant bon la Game Boy Color, et plus spécifiquement ses trois épisodes de The Legend of Zelda que sont Oracle of Age, Oracle of Seasons, et l’inimitable Link’s Awakening. Avec un petit twist néanmoins, puisque Castaway est pensé pour plaire à tous, et surtout pour les joueurs qui n’ont plus trop de temps à accorder au média. Un parti pris qui le confine à une envergure réduite, mais s’accompagne néanmoins d’un prix ridiculement bas.
Conditions de test : Nous avons passé près de trois heures sur la version Steam de Castaway, ce qui fut suffisant pour faire un tour exhaustif de sa proposition. A noter que le jeu ne permettant pas de réaliser des captures via l’outil Steam, nous avons choisi d’utiliser des images mises à disposition par le développeur.
Heart of Darkness
S’écraser sur une planète alien, ça sent mauvais. Alors quand, en plus, des ptérodactyles de l’espace s’emparent de notre équipement, mais surtout enlèvent notre chien, alors on peut le dire, ça pue ! Heureusement, l’île sur laquelle Martin, le héros de cette petite histoire, s’est écrasé, n’est pas bien grande. En revanche, il va devoir se battre pour récupérer ses biens et son meilleur ami canin. Ce qui le mènera à traverser trois donjons, et à tuer trois boss. Un grand classique, qui rappelle rien qu’à cette simple lecture nombre de titres 8 et 16 bits.
Il faut néanmoins le préciser, Castaway n’a pas vocation à raconter grand-chose, contrairement à certaines de ses inspirations, ni à vous occuper longuement. De l’aveu même du développeur, qui s’exprimait à l’occasion de notre dernier AG French Direct en date, son second projet est plutôt destiné aux joueurs désireux de passer deux petites heures sur un titre pas prise de tête, ou aux parents souhaitant faire découvrir le média à leurs jeunes enfants. Une initiative qui a du sens, et que l’on comprend doublement une fois notre clavier et notre souris, ou dans notre cas notre manette de Xbox, en mains.
Parce que le second jeu de Johan Vinet n’est, dans sa difficulté normale, pas bien difficile. On peut même affirmer qu’un joueur expérimenté viendra à bout de la première partie de son aventure sans ressentir la moindre résistance. Ce qui peut être vu comme un défaut par certains, et on le comprend aisément. Le développeur lui-même en a conscience, et a pensé à tout, puisqu’il a introduit plusieurs modes de difficulté, permettant à chacun de s’y retrouver, qu’il soit néophyte ou son contraire. Riche idée, qui ne change néanmoins rien à la durée de vie extrêmement faible de Castaway.
Le développeur annonce deux heures de jeu, et c’est honnête. Il ne nous a pas fallu plus de 45 minutes, en prenant notre temps, pour venir à bout de la première partie de l’aventure. Une fois ceci fait, tout joueur débloquera La Tour, un mode nous enlevant la plupart de nos cœurs (représentant notre vie), mais nous laissant tous nos outils acquis précédemment. Le tout est ensuite de traverser ses cinquante niveaux, représentant un challenge bien plus soutenu, mais permettant en contrepartie d’acquérir diverses petites améliorations, moyennant de la monnaie récupérée sur le cadavre de nos ennemis.
Là où l’on s’attendait à un mode façon Rogue-Lite, comme beaucoup d’autres titres en proposent ces dernières années (notamment l’excellent Wargroove 2), Castaway fait néanmoins le choix le plus simple : un enchaînement de niveaux qui sera toujours le même. Petite déception, dans la mesure où la rejouabilité en pâtit évidemment. Une fois que l’on a vu le bout de La Tour, ce qui n’est pas évident, certes, on n’a plus trop de raisons de demeurer sur Castaway, ni même d’y revenir, à moins de se passionner pour son mode Speedrun.
Kamiko
Heureusement, Castaway a quelques solides cordes à son arc, avec pour commencer, vous l’aurez compris, sa propension à titiller la fibre nostalgique. Celle des joueurs compris entre 25 et 40 ans, à tout le moins, ce qui est déjà pas mal. Pour les autres, peut-être auront-ils eu l’occasion de regarder par dessus l’épaule d’un grand frère ou d’un cousin, ou se seront-ils passionnés pour ce que l’on appelle désormais le rétrogaming à un point donné. Toujours est-il que pour apprécier pleinement l’expérience, il faut en être la cible.
Sans cela, sa simplicité évidente et son absence de challenge au premier abord rebuteront purement et simplement. Mais si vous entrez dans une des catégories visées, alors vous pourriez bien trouver dans ce petit jeu, vendu moins de huit euros, la petite bouffée d’air frais dont vous aviez besoin (sans même le savoir) pour occuper une ou deux de ces chaudes soirées d’été. Ce qui est déjà pas mal, vous en conviendrez certainement. D’autant que, bien qu’il se termine à une vitesse folle, Castaway est néanmoins généreux sur la plupart de ses aspects.
À commencer par son gameplay, qui émule avec une justesse remarquable les sensations de l’ancien. D’ailleurs, il est vivement conseillé (et ce par le jeu lui-même) de se munir d’une manette pour en profiter au maximum, même si vous êtes joueur PC. Ce que nous approuvons amplement. D’autant que le ressenti, manette en mains donc, est plutôt bon. Dommage que les patterns ennemis soient aussi simples, basiques, et que les boss se battent aussi vite. Mais encore une fois, Castaway et Johan Vinet n’ont à aucun moment menti sur la marchandise, et les intentions sont respectées.
Vous l’aurez compris, le principal reproche que nous avons à faire à Castaway touche à sa durée. Néanmoins, tout ce qui gravite autour nous semble fort réussi. Visuellement, le résultat est fort agréable à l’œil, et l’illusion du jeu Game Boy Color, ou Advance, est presque parfaite. Castaway se lance d’ailleurs, par défaut, en fenêtré. Histoire de ne pas étirer inutilement ses visuels, ce qui altère évidemment la qualité graphique de l’ensemble, en le rendant beaucoup moins fin. Enfin, rassurez-vous si vous y êtes allergique, le jeu demeure sympathique en plein écran.
On retiendra aussi la bande-son, certes courte, elle aussi, mais parfaitement dans le ton. Ses sonorités ont fait ressortir beaucoup de souvenirs agréables de notre mémoire, et on ne doute pas qu’il en sera de même chez de nombreux autres joueurs. Mention spéciale aux bruitages, d’ailleurs, qui semble tout droit sorties d’un titres de la première Game Boy. Pari réussi, à ce niveau. Reste que l’on n’aurait pas été contre quelques petits ajouts, notamment, pourquoi pas, un mode deux joueurs, ou un créateur de niveaux. Enfin, pour moins de huit euros, la proposition demeure honnête.
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