Désireux de proposer un univers aussi original que le bariolé Wandersong en 2018, Greg Lobanov a conservé cette ligne créatrice afin de concevoir Chicory: A Colorful Tale. Accompagné d’une petite équipe de développeurs et du renfort de Lena Raine à la composition musicale, le créateur basé à Vancouver nous propose cette fois une œuvre qui fait la part belle à la peinture, et à l’art du dessin en général, en la plaçant au centre de son gameplay et de son histoire.
Si d’autres jeux faisant déjà appel au pinceau, comme Okami, Epic Mickey ou Concrete Genie, ont pu, à leur manière, laisser leur empreinte par le passé, en sera-t-il de même concernant Chicory ?
Conditions de test : Nous avons joué à la version PlayStation 5 en 1.000.006 de Chicory et terminé l’aventure principale ainsi qu’une bonne partie du contenu annexe, pour un total de jeu avoisinant les 25 heures.
Sommaire
TogglePiquenique, un monde décoloré par la Corruption
Au cours d’une journée paisible, où le concierge de la Tour des Peintres effectue sa routine ménagère, un grand tremblement vient perturber la quiétude du monde de Piquenique, avec pour conséquence la disparition de toutes les couleurs. Affolé, le personnage principal court à la rencontre de Chicorée, la Peintre des lieux. Sans réponse, le petit chien découvre le Pinceau, au sol, et décide de s’en emparer en l’absence de sa propriétaire.
Sans le savoir encore, celui-ci vient de sceller le départ d’une grande aventure lourde en responsabilité. Il détient désormais le pouvoir de peindre absolument tout ce qui l’entoure, et se trouve en mesure de réparer les dégâts causés par la Corruption, responsable du chamboulement des couleurs.
Notre héros, dont le prénom se détermine par la mention de votre plat préféré en début de partie, et que nous appellerons d’ailleurs le temps du test « Sushi », a donc désormais du pain sur la planche. Tout au long de son aventure, il va devoir aider les habitants, recolorier les terres de Piquenique et purifier le mal qui s’y étend.
Une aventure qui nous fait traverser des environnements aux propriétés et codes différents, mais quasi toujours sous le signe amusant de la nourriture. Ainsi, vous débuterez à Collation, arpenterez les Collines d’Apéro, déambulerez dans les rues de Dîners, sans oublier de profiter des plages de Ptitdèj.
Même le nom des personnages se repose sur tout ce qui a trait à l’alimentation, et parmi les résidents anthropomorphes peuplant le monde, vous ferez la connaissance de Navet la petite souris, Houmous le koala, Cardamome le lion ou encore Fève la moufette, pour ne citer qu’une petite portion des rencontres que fait Sushi durant son périple.
Le joueur effectue alors une plongée tout en douceur au sein d’un univers accueillant, propice à la tranquillité. Cette atmosphère se voit par ailleurs habillée d’une formidable bande-son composée par Lena Raine. Déjà remarquable lors de son travail sur Celeste, la musicienne, par ses mélodies guillerettes, inquiétantes, ou encore mélancoliques. retranscrit admirablement les différentes situations et environnements traversés au cours de la partie.
Une palette riche en idées
Conçu sous la forme d’un jeu d’aventure agrémenté d’une dimension plateforme importante, le tout saupoudré d’une pointe d’énigmes, Chicory emprunte un certain nombre d’ingrédients aux Zelda 2D. Structurée en écrans, ou tableaux, la map se dévoile au fur et à mesure de l’exploration. D’abord cantonné à suivre les chemins primaires, Sushi peut tout au plus peindre ou supprimer la couleur de certaines plantes afin de les faire grossir ou rétrécir, dans le but d’avancer ou de résoudre des puzzles.
Mais en éradiquant la Corruption à la fin d’une région visitée, le pinceau gagne en puissance. Affronter la Corruption prend alors la forme d’un combat de boss, où il s’agit d’esquiver des vagues d’attaque de votre ennemi puis de le peindre dès lors qu’il se révèle vulnérable, le tout au cours de différentes phases. Ces séquences dynamiques, finalement rares, tranchent avec la quiétude des séances d’exploration et apportent tout de même un peu de variété dans le gameplay.
Après chaque victoire, qui signe aussi souvent la fin d’un chapitre, Sushi se sentira plus fort et va gagner en liberté de mouvement, comme sauter ou nager dans sa propre peinture, par exemple, ce qui lui ouvre de nouveaux endroits à explorer et donc, à purifier. De plus, certains chemins âprement arpentés ou nécessitant de longs détours pourront même être raccourcis grâce aux pouvoirs acquis.
De ce level design et de ce schéma de progression maîtrisés découlent des escapades rarement redondantes, et l’on prend même plaisir à s’arrêter quelques secondes pour contempler les environnements fraîchement repeints. De toute manière, le jeu contient un système de voyage rapide, si jamais vous souhaitez presser le pas. Cela étant, longue d’une durée de 10 heures environ, l’aventure n’est pourtant pas vouée à être rushée, au-delà simplement son caractère contemplatif.
En effet, le monde de Piquenique recèle d’activités annexes qui mettront votre fibre artistique à l’épreuve. Si certaines de ces quêtes secondaires peuvent s’avérer assez classiques, comme accomplir des missions postières ou prendre des photos pour résoudre une enquête, la majeure partie d’entre elles restent en adéquation avec le gameplay au pinceau.
Des boutiques vous demanderont par exemple de dessiner leur logo ou bien l’ébauche de leur prochain produit phare. Un habitant vous proposera de repasser dans des zones qu’il a visitées et de les prendre en photo après les avoir recolorier, afin de les afficher ensuite chez lui. Enfin, citons surtout l’Académie des Beaux-Arts où votre personnage assistera à des cours de peinture. Ici, il va falloir repeindre des toiles déjà existantes, affichées en tant que modèles à l’écran, ou bien partir d’une toile vierge et dessiner selon un thème donné. Ces petites parenthèses purement artistiques marquent une pause récréative au milieu de la progression principale.
Le titre de Greg Lobanov comporte également sa fournée de collectibles : les enfants égarés, les ordures et les cadeaux. Collecter les premiers permet d’acquérir, à chaque palier, un ensemble de décoration à utiliser où bon vous semble. Au nombre de 40, ces enfants, qui sont en réalité des petits chatons, se cachent à l’intérieur de buissons ou d’arbres et doivent être secoués avec le pinceau pour les récupérer.
Les ordures, quant à elles, gisent au sol, à un emplacement tantôt évident, tantôt difficilement atteignable de prime abord. Ces détritus sont échangeables contre des plantes ou du mobilier auprès de quelques boutiques, là encore afin de décorer l’habitation ou le paysage de votre choix.
Enfin, les cadeaux constituent la dernière catégorie de secrets à trouver. Renfermant des vêtements ou des styles de peinture, éléments que nous allons développer plus bas, ces boîtes sont parfois très bien cachées et toutes les récupérer devrait vous prendre un certain temps. En bref, vous avez largement de quoi faire du côté de Piquenique.
Vivez une aventure à votre image
Notez que, depuis le début de ce test, nous parlons d’un héros au masculin, comme il fut le cas au cours de notre partie, mais il est tout à fait possible que le jeu s’adresse aux joueurs et joueuses au féminin ou de manière neutre. Une initiative comme bien d’autres visant à renforcer l’accessibilité du titre au plus large public possible.
On compte également une option pour désactiver les bruits liquides ou les effets visuels susceptibles de déclencher des crises d’épilepsie, ou encore la possibilité d’être invincible durant les combats, voire d’opter pour leur suppression pure et simple.
Outre ces paramètres, on constate que d’une manière générale le titre œuvre à ce que le joueur se sente concerné et s’approprie son aventure. Cela passe notamment par la présence de cette cascade de vêtements et de couvre-chefs glanés à l’intérieur des cadeaux ou livrés en récompenses de quêtes, pour personnaliser votre personnage, mais aussi et surtout par peindre l’intégralité des environnements, des personnages et éléments du jeu à sa sauce. À l’intérieur de chaque zone, Sushi dispose d’une palette de quatre couleurs qui varie selon le biome.
C’est ainsi que le Bois du Souper ou les Collines d’Apéro proposent des couleurs automnales ou relatives à la forêt, tandis que les zones maritimes étalent des nuances de bleu. À vous de colorer végétation, habitations, sols et arbres afin de façonner le monde selon votre goût.
Peindre de manière uniforme via le remplissage, ou par des petites touches ici et là en choisissant parmi les trois tailles de pinceau, la liberté créatrice reste assez impressionnante pour les plus inspirés d’entre vous. Seul petit bémol, il s’avère assez souvent compliqué de peindre un détail du décor, en raison d’un manque de précision de la visée du pinceau. Il ne sera donc pas rare de se tromper, ou même d’être dans l’impossibilité de colorier un élément en particulier.
Malgré tout, si l’on ajoute à notre palette la multitude de styles de peinture disponibles, servant à diversifier vos coups de pinceaux via des motifs et autres effets visuels, on se surprend à passer beaucoup de temps à tout colorier, ce qui peut paraître vertigineux voire décourageant pour certains. Malheureusement, éviter de jouer le jeu, c’est passer à côté d’une grande partie du propos du soft.
Chicory : A Colorful Tale ne propose pas simplement un récit mignon, il s’agit également d’une histoire porteuse de messages. Le poids des responsabilités, la question de la légitimité, du doute, du rapport aux autres, nombreuses sont les thématiques dont traite le jeu par l’intermédiaire de son histoire et des dialogues partagés avec les habitants de Piquenique.
Hauts en couleurs, les personnages bénéficient d’une écriture réellement soignée et, qu’il s’agisse de rencontres éphémères ou bien de la relation construite avec Chicorée, les dialogues sont d’une grande justesse. Parfois sérieux, parfois humoristique jusqu’à glisser des références ou briser le quatrième mur, le ton global du titre édité par Finji est savamment dosé en nous faisant autant sourire que nous émouvoir ou même nous questionner.
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