Peu accueillant pour le néophyte, le premier Citizen Sleeper a néanmoins su trouver son public grâce à un récit riche et prenant, des personnages attachants et un design étrangement engageant. Jump Over the Age remet le couvert trois ans plus tard avec un opus s’annonçant globalement plus ambitieux que son prédécesseur, bien qu’en reprenant ostensiblement mécaniques et assets. Le tout, on ne l’avait pas vraiment vu venir, sans traduction française pour le moment, malheureusement, en dépit du caractère très verbeux de son aventure, et d’un vocabulaire toujours aussi soutenu.
Trois ans plus tard, le développeur a-t-il réussi à corriger les quelques défauts de sa formule, en ajoutant ce qu’il fallait pour permettre à cette suite de toucher un public plus vaste ? Ce Visual Novel réitère-t-il l’exploit de son prédécesseur ? Et d’ailleurs, peut-on encore parler de Visual Novel, face à de nouvelles mécaniques offrant plus de possibilités d’action aux joueurs, en plus de vrais enjeux ? On tente de vous répondre clairement dans ces quelques lignes, le tout en essayant, autant que faire se peut, de ne rien vous divulgâcher de l’aventure.
Conditions de test : Nous avons reçu un code pour la version Steam du titre, sur laquelle nous avons passé près de douze heures. Notre test arrive en décalé, faute de temps pour traiter du jeu à l’occasion de sa sortie. Cet article est garanti sans spoiler majeur.
Dans l’abîme du temps
Puisqu’il faut bien commencer quelque part, laissez nous vous parler un instant de ce qui ne change pas dans cette suite. Parce que mine de rien, au premier regard, on serait tenté de croire à une simple version 1.5, embarquant un nouveau récit, mais rien de bien frais en dehors. Or, ce serait bien dommage de s’arrêter à cette première impression, justement. Revenons donc à ce qui est resté. On en profite pour vous indiquer notre récent test du premier volet, qui apporte un peu plus de contexte au présent article, tout en précisant la mécanique de dés que nous survolerons simplement ici.
Citizen Sleeper 2 : Starward Vector c’est donc, visuellement, la même chose que son prédécesseur. On reconnaît le design des vaisseaux, des stations spatiales typiques, et bien sûr le Character Design qui a grandement participé à l’attachement que les joueurs ont connu avec les personnages du premier opus. L’interface est pratiquement la même aussi, toujours assez chargée, mais globalement lisible, en dépit de pavés de texte parfois assez agressifs. Rien de rédhibitoire, et replonger dans cet univers mêlant astucieusement Cyberpunk et Space Opera est un plaisir.
A fortiori dans la mesure où la bande sonore est une nouvelle fois un régal. Très proche de celle du précédent, elle est tout aussi marquante, mais aussi tout autant au second plan, profitant à l’ambiance mais ne chamboulant jamais les émotions du joueur. Pensée comme un accompagnement, elle nous suit pendant l’écriture de cet article, et on gage qu’elle saura trouver sa place dans plusieurs playlists relaxantes dans les prochains mois. Toutefois, restons dans l’audio, toujours pas de doublage, et c’est définitivement un détail fâcheux.
Non pas que cela soit rédhibitoire, là encore, mais il faut reconnaître que tout nouveau venu aura du mal à rentrer dans cette aventure qui nous a semblé moins accueillante encore que la précédente, si tant est que cela soit possible. Citizen Sleeper 2 : Starward Vector est un titre brut, qui prend pour acquis le fait que vous avez joué au premier volet, et ne fera pas le moindre pas dans la direction des nouveaux venus. Un mal pour un bien, puisque les deux titres ne sont pas vendus bien cher, et qu’on vous recommande assez chaudement de vous procurer la collection si vous n’avez pas peur du verbe, ni de l’anglais (le premier volet a toutefois été traduit depuis sa sortie).
Parce que, autre point qui ne change pas dans cette suite, mais on aura l’occasion de détailler un peu plus bas en évoquant les changements apportés par le développeur, Citizen Sleeper 2 est un titre aussi bon et marquant que son prédécesseur. La comparaison coule de source, une fois qu’on y a joué, et nous serions tentés de vous demander pardon pour nos parallèles peut-être un peu grossiers entre les deux jeux. Pourtant, qui aura touché à Citizen Sleeper ne pourra qu’être frappé, justement, par ce qui change, autant que par ce qui ne change pas, les deux étant assez marquants pour qui connaît.
Ainsi, cette suite est toujours aussi bavarde, n’en déplaise à ceux que cela risque d’endormir (et on les comprend, d’une certaine façon), faute de mise en scène, là encore. Citizen Sleeper 2 ne fait toujours pas d’effort à ce niveau, et compte pleinement sur votre imagination, à la lecture, pour aider à rythmer son aventure. Un mal pour un bien, là encore, mais un signe de plus, s’il en fallait un, que le titre n’est pas ce qui se fait de plus accessible. Mis à côté des ténors du Visual Novel, qui font régulièrement la part belle aux images colorées, aux bandes sonores pop, et de plus en plus aux doublages, il fait parfois pâle figure.
On aimerait vous dire que cela dépend de votre tolérance aux pavés de mots, aux mises en contextes longuettes, mais nous avons personnellement été contraints à de petites séquences de jeu, la faute à une somnolence qui pointait très vite le bout de son nez. Alors même que l’auteur de cet article est un très gros lecteur. Là encore, on avait ressenti la même chose au contact du premier, aussi intéressante nous avait semblé son aventure principale, et ses ramifications. Ramifications qui reviennent ici, en force d’ailleurs, avec un compteur d’objectifs qui a tendance à gonfler continuellement, laissant l’impression de ne jamais désemplir, alors que le temps file à une vitesse folle. Vous ne sauverez pas tout le monde…
La Grande Porte
Maintenant que nous avons établi que Citizen Sleeper 2 ressemble énormément à Citizen Sleeper, en bonne suite qu’il peut se targuer d’être, place à ce qu’il propose de neuf. Parce que le développeur ne s’est pas simplement reposé sur ses acquis, et a pris quelques risques, pouvant désorienter les joueurs du premier. Vous incarnez toujours un dormeur (ou sleeper dans la version anglaise), autrement dit un genre d’automate animé par une conscience humaine ; et votre corps vous demandera toujours de réguliers entretiens, à base de nourriture et de repos le plus souvent, le premier nécessitant un peu d’argent.
Toutefois, l’argent, le sommeil et l’énergie ne seront pas les seules ressources à prendre en considération. En fuite, comme dans le premier volet, votre avatar, dont vous pouvez toujours choisir la classe parmi une liste de trois, possède néanmoins un atout majeur : un vaisseau spatial. Une machine qui vous permettra de vous reposer, ce qui est bien pratique, mais nécessitera aussi quelques réparations, et de réguliers apports en carburant. Si vous désirez partir en mission, autre grosse nouveauté, il va aussi vous falloir de la nourriture en quantité suffisante.
Des paramètres qu’on intègre assez vite, finalement. Et heureusement, parce que Citizen Sleeper 2 ne fait plus de cadeau une fois les premiers pas dans son aventure passés. Dans le précédent opus, il était possible de boucler certains événements scénaristiques, principalement des quêtes annexes, de plusieurs façons, ne convenant pas toujours à ce que l’on aurait souhaité accomplir. Ici, c’est plus insidieux, et à la fois plus intéressant. Si l’on conserve bien ce que faisait le premier volet, on y ajoute les imprévus pouvant survenir au cours des différentes missions.
Chacune pourra alors se terminer de manière pénible, parfois tragique, ou ne rien vous rapporter, pour peu que vous ayez simplement raté une action, en utilisant vos dés, ou engrangé trop de stress. Le stress, autre nouveauté de cet épisode, n’est d’ailleurs pas à prendre à la légère, et provoquera à coup sûr certaines sueurs froides chez les joueurs les plus engagés dans l’aventure. Il est heureusement possible d’atténuer cet effet, en optant pour le niveau de difficulté le plus bas, dans le cas où vous préféreriez profiter de la balade sans risquer la frustration d’une mort.
Cette mécanique ne manquera pas de partager les joueurs. En ajoutant des punitions, le développeur a ouvert une voie singulière, mais engageante, qui n’est pas sans rappeler ce que proposait le très sympathique Digimon Survive (parce que l’auteur de cet article n’a pas assez de références dans le Visual Novel pour vous parler d’autres titres en connaissant son sujet). À titre personnel, on a beaucoup aimé, et on serait tenté de croire que cela ajoute une vraie plus valus à l’expérience, qui s’offre un véritable potentiel de rejouabilité. Contrairement au premier qui, une fois bouclé, est condamné à ne plus être lancé.
La mécanique d’équipage est aussi une riche idée, permettant au joueur de choisir les personnalités qui l’accompagneront au cours d’une mission, et donc d’interagir avec qui l’intrigue ou l’intéresse. Des personnages variés, qu’on a personnellement pris beaucoup de plaisir à découvrir, et dont les histoires sont assez captivantes pour qu’on ait envie de creuser. Un point qui fait souvent défaut aux jeux narratifs, qui nous servent régulièrement des acolytes un peu inutiles et sans âme (oui, Dragon Age : The Veilguard, c’est de toi qu’on parle). De manière générale, nous n’avons de toute façon rien à redire sur l’écriture de Citizen Sleeper 2, qui nous semble tout bonnement irréprochable.
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