Plus de huit ans après la commercialisation de son dernier opus, la célèbre licence Civilization reviendra dans les prochains jours avec un septième épisode canonique sortant simultanément sur PC et consoles. Sobrement intitulé Civilization VII et chapeauté à nouveau par Firaxis Games (XCOM, Marvel’s Midnight Suns…), il est particulièrement attendu au tournant par les fans de la série. En effet, entre une formule qui commence à s’essouffler et l’arrivée de plusieurs concurrents intéressants sur le marché du 4X historique au tour par tour tels que Humankind, Ara: History Untold et Millenia, la communauté espère que la franchise sera capable de se réinventer, tout en préservant son identité. Conscients de la situation, les développeurs n’ont pas caché leurs ambitions pendant la production de cette itération, au point de prendre le risque de faire évoluer drastiquement l’expérience de jeu dans le but de satisfaire néophytes et passionnés de la saga. Ont-ils réussi à relever ce défi haut la main ? Réponse dans ce test.
Conditions de test : Test réalisé sur une version Fondateurs numérique 1.0.1 (Steam) fournie par l’éditeur et tournant sur un PC portable AORUS 17H BXF (2023) équipé d’un processeur Intel Core i7-13700H (2,4 GHz), d’une NVIDIA GeForce RTX 4080 Laptop, d’une mémoire vive de 16 Go de RAM DDR5, et d’un écran LCD 17,3 pouces de résolution 1080p. Notre session a duré environ 30 heures, temps nécessaire pour terminer trois parties solo contre l’IA dans deux niveaux de difficulté différents, Scribe et Gouverneur, qui ont été respectivement pensés pour les nouveaux venus dans les jeux de stratégie orientés 4X et Civilization. Si nous avons profité du titre en configuration graphique Élevée, le multijoueur n’a pas été testé au moment d’écrire ces lignes. Notez également que le point de vue exposé dans cet article est celui d’une personne ayant passé une bonne centaine d’heures sur Civilization V (PC) et Civilization VI (PC et Nintendo Switch), n’ayant pas accroché à Humankind et n’ayant pas touché à Ara: History Untold, ni Millenia.
Sommaire
ToggleConfucius, dirigeant de Rome pendant l’Antiquité ? Oui, c’est possible !
Civilization VII a vocation à être un renouveau pour la licence et ça se remarque dès les premières minutes de « jeu ». Classique dans sa conception, le menu principal nous donne pourtant un premier aperçu des changements qui nous attendent. Pour preuve, deux systèmes d’XP distincts sont présents, un lié à notre compte de joueur/joueuse et un pour chaque dirigeant du roster. Uniquement en jouant et remplissant la pléthore d’objectifs disponibles au lancement, nous pouvons donc déverrouiller des bonus divers et variés à appliquer, ainsi que des éléments pour customiser notre bannière personnelle.
Puis, en créant une nouvelle partie, nous constatons que le temps où chaque dirigeant était lié à une civilisation prédéterminée est révolu. Nous laissant le choix entre 26 figures historiques day one, de Benjamin Franklin à Confucius en passant par Charlemagne, La Fayette, Napoléon ou encore Harriet Tubman, Firaxis Games a doté chacune d’elles de caractéristiques de gameplay uniques. Elles peuvent aussi accueillir un maximum de deux slots de Souvenirs, les bonus brièvement évoqués précédemment nous avantageant légèrement pendant notre phase d’early game. Nous décidons ensuite si nous souhaitons prendre part à une run complète, commençant dès l’Âge Antique, ou plutôt une plus avancée, à partir de l’Âge de l’Exploration ou Moderne.
Ceci étant fait, le moment est venu de choisir notre civilisation de départ. Romaine, grecque, perse, khmère… une trentaine sont présentes à la sortie et, comme les dirigeants, elles disposent toutes de leurs propres spécificités de gameplay. Attention, « seulement » une dizaine figurent au casting de chaque ère et, si aucune restriction n’est imposée à l’Âge Antique, vous n’aurez pas forcément accès à l’ensemble des cultures possibles en débutant directement à l’Âge de l’Exploration ou l’Âge Moderne. Pour outrepasser cette règle de game design, vous devrez effectuer certaines actions précises en jeu, dans le cadre d’une partie classique (établir des routes commerciales avec quatre factions différentes, construire quatre temples, etc.)
Maintenant, il ne nous reste plus qu’à personnaliser notre game en fonction des options disponibles. À l’heure actuelle, le 4X nous laisse régler le niveau de difficulté (Scribe, Gouverneur, Vice-Roi, Immortel ou Divinité), la vitesse de la partie, le type et la taille de la carte, la durée de chaque ère, le degré d’intensité des catastrophes naturelles (tempêtes, crues, éruptions volcaniques…), désactiver ou non la mécanique des Crises, et déterminer le nombre et l’identité des adversaires IA face à nous. Oui, ce n’est pas énorme mais il faudra faire avec pour l’instant.
Une pièce en trois Âges
En s’inspirant intelligemment des récents concurrents qui ont débarqué dans le secteur du 4X historique au tour par tour, Civilization VII bouleverse avec beaucoup de maîtrise la formule proposée par les précédents opus de la franchise. Si notre but principal reste toujours de gérer notre empire afin qu’il résiste au passage du temps, il faut toutefois comprendre et assimiler de nombreuses fonctionnalités pour espérer y parvenir. Un objectif pas si simple à atteindre, même en possédant de solides connaissances sur le passé de la série et/ou nous aidant des tutoriels complets et compréhensibles élaborés par le studio américain.
Concrètement, une partie se déroule en trois phases de jeu qui se suivent sur le plan chronologique : l’Âge Antique, l’Âge de l’Exploration et l’Âge Moderne. Couvrant trois cycles spécifiques de l’Histoire, chaque ère est, en quelque sorte, régie par ses propres règles.
L’Antiquité signe l’établissement des premières fondations de notre empire, relations avec les dirigeants à proximité, et escarmouches ou alliances avec les cités indépendantes des environs. Débutant au Moyen-Âge, la deuxième s’étire jusqu’à la Renaissance et nous incite à partir explorer les contrées lointaines impossibles à atteindre auparavant, ainsi que créer et propager notre religion. Quant à la dernière, elle met essentiellement en avant la révolution industrielle et un gros pan de l’époque contemporaine. S’agissant de la ligne droite finale en vue d’asseoir notre suprématie sur nos adversaires, c’est là que nous tentons de remporter un des quatre styles de victoire disponibles au lancement : Économique, Militaire, Scientifique ou Culturelle.
Bien entendu, chaque Âge intègre toujours des technologies, dogmes, doctrines sociales, gouvernements, célébrations (l’équivalent de l’âge d’or), bâtiments, merveilles, unités et ressources en adéquation avec la ou les périodes historiques auxquelles elle est liée. Cependant, une partie de Civ VII ne couvre pas réellement toute l’Histoire. Il existe donc des moments creux et simulés entre deux ères, les Transitions d’Âges, qui ont plusieurs conséquences sur le déroulement de notre run.
Choix de notre prochaine civilisation, colonies redevenant des Communes si celles-ci ont été converties en Villes, unités militaires réaffectées à la défense de nos territoires, perte de suzeraineté des cités indépendantes, réajustement automatique des rendements de nos districts et bâtiments… dit grossièrement, ce système « remet les compteurs à zéro » entre les joueurs et joueuses. Rassurez-vous, nous ne perdons pas pour autant tout le bénéfice de nos efforts réalisés pendant l’Âge qui vient de s’achever. Dans le cas où nous sommes plutôt dominateurs/dominatrices que dominés, ce serait extrêmement frustrant.
S’il n’y a que l’ultime acte qui détermine le vainqueur de la partie, les deux premiers nous fixent également des objectifs économiques, militaires, scientifiques et culturels intéressants à atteindre. En plus d’avoir un impact sur la rapidité à laquelle une ère progresse vers la suivante, ces « quêtes » sont l’opportunité de marquer des Points d’Héritage. Plus nous en obtenons, plus nous accéderons à divers bonus très utiles à débloquer dans l’optique des épreuves qui nous attendent. En revanche, dans la situation inverse, nous augmentons le risque de débuter le prochain Âge avec davantage de difficultés.
Autre détail important à retenir, les ères Antique et de l’Exploration se concluent obligatoirement par des périodes de Crises plus ou moins intenses, si vous avez laissé cette mécanique activée par défaut bien sûr. Nous vous recommandons de ne pas sous-estimer les conséquences qu’elle peut engendrer sur le développement de votre empire et le bien-être de votre population car, lorsqu’elle se manifestera, vous serez notamment contraints de vous attribuer des malus via des doctrines sociales spéciales.
Ça a changé Civilization…
Si ce nouveau système d’Âges est le socle principal sur lequel repose la refonte de gameplay initiée par Firaxis Games, ce ne sont pas les seuls changements présents dans Civilization VII. Ces derniers touchent de nombreux autres aspects de l’expérience, à commencer par la fondation, la gestion et l’expansion de nos colonies.
Après avoir localisé le meilleur emplacement pour installer notre capitale, la production nous laisse toujours nous étendre en formant des colons, en conquérant par la force les terres de nos ennemis, et/ou en absorbant des cités indépendantes sous notre contrôle, contre une certaine quantité de points d’Influence. Toutefois, chaque colonie devient une Commune avant de pouvoir être transformée en Ville, en déboursant de l’Or. Une décision à ne pas prendre à la légère puisque, une fois validée, impossible de revenir en arrière avant la prochaine Transition d’Âge (s’il y en a encore une !).
De plus, une Commune a tendance à générer plus facilement de l’argent qu’une Ville mais, en contrepartie, le nombre d’infrastructures que nous pouvons y construire est plus limité et n’est envisageable qu’en dépensant de l’Or. Une limite maximale de colonies est aussi attribuée à chaque empire. Pouvant être repoussée en recherchant des technologies et dogmes spécifiques, dépasser ce plafond nous inflige un malus de Bonheur et, pour rappel, ne pas répondre au bien-être de notre peuple est le meilleur moyen de déclencher des révoltes.
Enfin, notez que les ouvriers ont été purement et simplement retirés, tout comme la mécanique nous laissant la possibilité d’acheter des cases du plateau de jeu contre de l’Or. Désormais, nous devons attendre qu’une Commune ou une Ville gagne un niveau de Population (ou de Croissance) si nous voulons étendre nos terres, améliorer plusieurs fois les rendements ruraux d’origine (fermes, bûcherons/scieries, mines, bateaux de pêche…), ou bien convertir des tuiles hexagonales en aménagements urbains auxquels nous pourrons ensuite affecter des « spécialistes ».
Concernant les ressources, celles de base sont l’Or, la Nourriture, la Production, la Science, la Culture, l’Influence et le Bonheur. Quant aux autres « richesses » telles que le sucre, le poisson et la soie pour ne citer qu’elles, nous pouvons les acquérir en élargissant nos frontières ou en établissant des routes commerciales avec les factions adverses. Cependant et uniquement quand le jeu nous y autorise, il faut assigner individuellement certaines ressources à une Commune ou une Ville précise pour bénéficier des effets positifs qu’elles procurent. Et, pendant l’Âge Moderne, une partie d’entre elles ne peut être affectée et produite tant que nous n’avons pas construit d’usines en amont.
En parlant du Commerce, cette dimension a été grandement simplifiée. En conséquence, nous sommes limités à une seule route commerciale par civilisation concurrente lors de chaque Âge, la passation de contrôle de colonies entre deux dirigeants ne peut se faire que dans le cadre des négociations d’un traité de paix et, à priori, échanger des ressources est impossible sans avoir noué une alliance avec une autre nation au préalable.
…Vraiment beaucoup (trop ?) changé
D’autres mécaniques de jeu ont été retravaillées dans Civilization VII, à l’image de celles liées à la Diplomatie, la Religion et l’Espionnage. Ainsi, les victoires Religieuses et Diplomatiques ont disparu et propager nos croyances n’est possible que pendant l’ère de l’Exploration, uniquement par l’intermédiaire de missionnaires et dans le but d’acquérir des reliques et booster les stats de notre empire (exit donc les affrontements théologiques et les apôtres). À défaut de réintroduire le Congrès mondial, de nouvelles opportunités diplomatiques sont disponibles, telles que l’organisation de festivals locaux ou l’opportunité d’essayer de nous réconcilier avec un autre dirigeant.
Quant au système d’Espionnage, il est devenu quasiment anecdotique puisqu’il se résume à dépenser de l’Influence pour essayer de dérober des technologies, secrets d’État ou simplement se protéger contre les manœuvres en douce de nos opposants. Eh oui, bye bye les agents de l’ombre à dispatcher aux quatre coins du monde.
Sur le plan militaire, les fans de la saga seront heureux d’apprendre (ou pas d’ailleurs !) qu’aucun véritable bouleversement n’a été effectué, à quelques exceptions près. Toutes les unités terrestres peuvent maintenant ériger des fortifications temporaires pour obtenir un bonus défensif pendant une bataille et recruter des commandants d’armée et de flotte peut être utile étant donné qu’ils possèdent un rang d’XP, des arbres de compétences et des capacités uniques susceptibles de renverser l’issue d’un conflit.
À propos d’arbres justement, il en existe aussi six pour le dirigeant choisi avant de lancer la partie : Culture, Diplomatie, Économie, Expansionnisme, Militarisme et Science. Bien plus digeste à parcourir que ceux visibles dans la grande majorité des action-RPG et RPG vendus de nos jours, c’est par l’intermédiaire des Transitions d’Âge et/ou en fonction de nos faits d’armes que nous obtenons les points d’Attributs requis à dépenser dedans.
Autres ajustement intéressants à retenir, rechercher les technologies « Cartographie » et « Construction navale » est indispensable pour voyager en haute mer en toute sécurité, et des choix narratifs apparaissent régulièrement pendant une run. Outre nous confier de rares quêtes annexes à accomplir, les décisions prises par leurs biais nous récompenseront, ou pas, de différentes façons.
Vous l’aurez compris, il y a vraiment beaucoup de bouleversements qui ont été opérés depuis Civilization VI. Malheureusement, ce qui ne change pas, c’est que pas mal de fonctionnalités sont absentes par rapport aux épisodes précédents (contenus de base et additionnels). Nous en avons déjà mentionné quelques-unes plus tôt dans ce test, mais sachez que ce ne sont pas les seules à avoir été retirées par Firaxis Games.
Impact du réchauffement climatique sur l’environnement et les catastrophes naturelles se manifestant sur la carte, usage de l’arme nucléaire, possibilité de continuer une partie terminée (le fameux « Encore un petit tour… » n’existe plus), noms et visuels des chefs-d’œuvre ne s’appuyant plus du tout sur des créations historiques réelles… c’est toujours relativement frustrant de voir la licence faire machine arrière sur plein de petits éléments entre deux opus.
Dans le cas où ils ont été jugés incompatibles avec la refonte du gameplay, c’est logique. En revanche, si c’est pour les réintégrer dans le cadre de DLC payants, c’est agaçant à la longue, d’autant plus que ce ne serait pas la première fois que les développeurs nous font ce coup-là. Pour le moment, seul l’ajout de dirigeants, civilisations, merveilles et challenges « inédits » apparaissent dans la première partie de la roadmap post-lancement du jeu. À suivre…
Une réalisation toujours aussi solide pour le genre ?
Terminons ce tour d’horizon de Civilization VII en faisant un focus sur sa réalisation. Ayant assez mal vieilli ces dernières années, le moteur de la série apporte son lot d’améliorations visuelles au niveau des graphismes, animations, de la direction artistique et modélisation des personnages historiques présents au lancement. Globalement, cela permet à cet épisode d’être un des plus jolis 4X du marché. La bande-son, elle, n’a rien à envier à celle de Civ VI grâce à des musiques variées et suffisamment travaillées avec soin pour être agréables à écouter en toutes circonstances. Malheureusement, la mise en scène reste trop sage, faute d’évolutions notables à nos yeux.
Côté interface, nous n’avons pas grand-chose à redire sur sa conception qui est de très bonne facture, et ce bien qu’elle puisse encore être peaufinée sur quelques petits détails afin de maximiser la lisibilité des informations affichées et s’affichant à l’écran. De plus, nous ne serions pas surpris de voir l’IA ennemie être patchée en marge ou après la sortie du titre, son attitude étant bien trop gentille en difficulté Scribe ou impulsive et agressive en mode Gouverneur. Quant aux quelques mises à jour déjà déployées par les développeurs, elles sont venues corriger une bonne partie des bugs mineurs qui nous ont accompagné pendant nos sessions de jeu mais certains n’ont pas encore entièrement disparu au moment d’écrire ces lignes.
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