Avec sa direction artistique qui accroche directement l’oeil et son concept même qui permet de visualiser trois époques sur le même plan, Cris Tales s’est vite imposé comme l’un des jeux indépendants les plus prometteurs de ces dernières années, surtout pour celles et ceux qui souhaitent retrouver le feeling des JRPG à l’ancienne (même si le titre vient de Colombie). Et les premiers aperçus laissaient augurer du meilleur, laissant croire que Cris Tales allait être à la hauteur des attentes. On aurait aimé répondre que c’est le cas, car même s’il offre de belles choses, le titre s’embourbe parfois dans certains poncifs du genre qu’on aurait aimé éviter.
Conditions de test : Nous avons pu terminer le jeu en un peu plus de 20 heures, en effectuant une grande majorité des quêtes annexes du jeu, et ce sur la version PS5 du titre.
Sommaire
ToggleUne histoire de temps
Toutes les parcelles de Cris Tales crient un amour inconditionnel des développeurs pour le JRPG. Que ce soit dans le système de combat, sur lequel on reviendra plus tard, les menus, le rythme de l’aventure, ses personnages, mais aussi dans son récit. On nous présente les aventures de Crisbell, une jeune fille qui va se retrouver malgré elle dotée de pouvoirs temporels, et qui va voir l’endroit où elle vit être ravagé dans le futur. Pour empêcher cela, elle voyage à travers le monde avec quelques autres personnages pour renforcer ses pouvoirs, ainsi que pour arrêter l’Impératrice du Temps, grande antagoniste de cette épopée qui a droit à son armée de lieutenants. Sur la route, notre héroïne traverse plusieurs royaumes dont elle perçoit aussi le funeste destin, et c’est la bonté dans l’âme qu’elle va se résoudre à les aider.
Une histoire qui semble être tout droit sortie des n’importe quel JRPG, avec des références évidentes à Chrono Trigger et bien d’autres. On y appréciera surtout les différents personnages qui accompagnent Crisbell plus que cette dernière, qui est finalement assez effacé et n’ayant que peu de personnalité en comparaison à ses compères Wilhem ou Christopher, ou encore le sympathique robot JKR-721 (jumeau de Genos dans One Punch Man). Le récit leur doit d’ailleurs beaucoup, étant donné que l’intrigue ne parvient jamais à trop nous surprendre, bien qu’elle se suive sans déplaisir. Souvent trop classique, elle aborde toutefois certains thèmes sérieux qui frappent d’autant plus avec ce concept de voyage dans le temps, où il est possible de voir les conséquentes immédiates de certaines actions.
Car en plus de devoir repousser l’Impératrice, Crisbell doit donc gérer les différents soucis des royaumes qu’elle traverse. Dans chaque ville que l’on visite, l’écran est alors divisé en trois parties représentant le passé, le présent, et le futur. On retrouve alors le même schéma dans chaque ville, à savoir une passé grandiose, un présent un peu plus terne, et un futur catastrophique pour ces cités, laissant alors Crisbell aux manettes pour éviter le pire.
L’architecte du futur
Pour cela, notre groupe doit remplir un certain nombre de quêtes annexes qui ont le mérite d’être toutes scénarisées, et qui ne se contentent pas de remplir bêtement des contrats. C’est en améliorant la condition de certains citoyens que l’avenir de la ville peut être amélioré. Une conséquence que l’on verra directement à l’écran, que ce soit par la rénovation d’un bâtiment, ou par l’état de santé d’un PNJ dans le futur. Une mécanique qui est bien pensée et qui s’accompagne aussi de quelques puzzles, avec des interactions à effectuer dans le passé pour aboutir à un résultat dans le présent, ou encore des coffres à aller récupérer dans les différentes époques. Cela se fait à l’aide de Matias, un crapaud doué de parole qui est le seul à pouvoir passer d’un côté de l’écran à l’autre.
Vient alors l’un des premiers soucis illustré par notre compère amphibien : la lenteur du jeu. Tous les déplacements sont lents, et ceux de Matias encore plus. Si ce n’est qu’un détail pour ce dernier, c’est particulièrement gênant lorsqu’il s’agit d’explorer les différents donjons du jeu, qui ont le mérite d’être nombreux. Ces déplacements sont déjà bien rigides (ce qui n’est pas si gênant étant donné que tout le level design est « anguleux »), mais cette lenteur agace tout particulièrement lorsque notre équipe doit enchainer les allers-retours entre deux discussions qui ne font pas beaucoup avancer l’histoire, surtout quand ils sont ponctués par des temps de chargement (qui rendent les versions next-gen presque indispensables).
Prendre son temps n’est pas un mal, et c’est plus ou moins typique des JRPG auquel le jeu fait référence, mais tout n’est pas forcément bon à prendre lorsque l’on s’inspire d’un genre, d’autant plus lorsque celui-ci à évolué avec les années. Car cette lenteur se retrouve aussi lors des affrontements, qui auraient pourtant tant gagné à être un tant soit peu plus dynamiques.
Diviser l’écran pour mieux régner
Les bases de ce systèmes sont pourtant très bonnes. Reprenant alors le concept du tour par tour, Cris Tales enrichit son système avec les pouvoirs uniques de chaque personnage. C’est notamment le cas de Crisbell, pilier de toutes les stratégies, car elle peut utiliser sa magie temporelle en combat. Les ennemis sur la gauche de l’écran peuvent alors être envoyés dans le passé, tandis que les ennemis du côté droit peuvent être poussés dans le futur. Cela peut par exemple transformer de fiers guerriers en apprentis ou en vieux soldats, les laissant plus vulnérables à certaines attaques. Attention tout de même à ne pas user ce pouvoir n’importe comment, et à ne pas renforcer les ennemis en les envoyant dans une époque où ils seraient à leur avantage.
En plus de modifier l’état des monstres en face de soi, il est possible de jouer sur les altérations d’état. Infliger une brûlure à un ennemi dans le présent, puis l’envoyer dans le futur, va alors aggraver sa brûlure. L’eau le fera rouiller, le poison lui infligera tous les dégâts d’un seul coup (au lieu de lui infliger progressivement à chaque tour), etc. Une mécanique intelligente qui demande d’être utilisée avec soin, et qui devient plus simple à manipuler lorsque l’on obtient un personnage capable de faire basculer les ennemis d’un côté à l’autre de l’écran.
Vient s’ajouter à cela les différents pouvoirs de nos coéquipiers qui peuvent être modifiés avec le temps, un système de synchro qui permet à Crisbell de lancer une attaque en duo avec un coéquipier, et vous obtenez alors un système de combat riche et intéressant, qui n’est malheureusement pas aussi parfait que l’on aurait pu l’espérer. Passées les premières heures où l’on s’amuse avec le pouvoir temporel, il devient vite gadget, d’autant plus contre les boss où il est totalement accessoire dans de nombreux cas. Le problème, c’est que c’est là tout l’intérêt du personnage de Crisbell, qui est alors reléguée au second plan lors que l’on utilise plus son pouvoir.
Un tempo qui agace
Même si les affrontements se déroulent au tour par tour, il n’est pas question d’être passif. Un système de timing est présent, où l’on doit appuyer au bon moment pour qu’une attaque inflige de plus gros dégâts, voire même pour effectuer une seconde attaque. Même chose pour la défense, avec des parades à effectuer dans le même genre.
Le problème, c’est le timing demandé. Il est simplement question d’appuyer sur une touche lorsque l’écran devient s’assombrit, mais autant vous dire qu’il ne faut pas cligner de l’oeil tant cela est rapide. Cela ne serait pas un problème si les animations ne nous gênaient pas, car même si ces dernières sont sublimes, elles restent saccadées, ce qui nous empêche souvent de comprendre à quel moment on doit se protéger. On nous rétorquera qu’il faut alors apprendre par cœur les patterns des ennemis pour bien utiliser les parades, et c’est vrai, mais le système reste tout de même relativement frustrant par son imprécision. Une frustration qui s’accentue à cause des bugs d’affichage divers, qui gênent justement cette parade.
Et autant vous dire que malgré tout, maitriser la parade est essentielle, car on meurt vite dans Cris Tales. Les soucis d’équilibrage sont nombreux, et forcent aux sessions de farm à l’ancienne dans les donjons, avec des combats aléatoires. Un moment de nostalgie dont on aurait préféré se passer, puisque les combats restent relativement lents, comme on vous le précisait plus haut. Là encore, cela vient des animations, qui prennent leur temps, et qui sont pourtant très réussies. Mais le rythme en pâtît, et devoir monter nos personnages en niveau devient terriblement ennuyant lorsque voit à quel allure cela va.
Bourré de style
Pour le reste, Cris Tales s’en sort pourtant avec les honneurs. Comment ne pas évoquer cette magnifique direction artistique qui impressionne à chaque décor, et qui rend chaque personnage si unique. Cris Tales déborde de couleurs et de panoramas chatoyants, notamment pour ce qui est des différents royaumes que l’on traverse. On regrettera simplement que la carte de monde ne soit pas aussi fournie que le reste des décors. En parlant de cette dernière, là encore, tout est fait pour rendre hommages aux JRPG des années 80-90, avec des moyens de transport qui partent du bateau à « l’engin » volant (dont on ne révélera pas la nature).
On retrouve également des références plus récentes via l’interface du jeu, plus particulièrement lors des affrontements, avec des menus qui ne sont pas sans rappeler le style de Persona 5. On en prend aussi plein les oreilles avec des envolées musicales charmantes, même si celles-ci peuvent tourner en boucle. En parlant de la partie sonore, comme on pouvait s’y attendre, aucun doublage français n’est de la partie, mais le casting anglais s’en sort très bien.
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