Le temps a passé, les larmes ont coulé, mais le souvenir de la fin de Crisis Core est toujours intact. Dans nos souvenirs, ce moment n’a peut-être pas pris une ride, mais le jeu de base, lui, accuse le poids des années. Si bien qu’en dehors du fait qu’il n’est accessible que sur PSP, autant dire presque introuvable, ce spin-off de Final Fantasy VII ne peut plus offrir une expérience plaisante à un public qui découvrirait le jeu sur le tard, sans doute motivé par la porte d’entrée dans la licence qu’est Final Fantasy VII Remake. Soucieux de ne pas laisser tomber ce pan de l’histoire de Final Fantasy VII dans l’oubli, Square Enix s’est retroussé les manches pour rafistoler cet épisode pas comme les autres en lui offrant un remaster digne de ce nom, dont la frontière avec le remake est souvent floue. Alors on prépare les mouchoirs en prévision de retrouver Zack et on plonge à corps perdu dans Crisis Core: Final Fantasy VII Reunion, qui malgré toutes ses qualités, nous montre à quel point la nostalgie est plus puissante que n’importe quel lifting HD, pour le meilleur et pour le pire.
Condition de test : Nous avons terminé Crisis Core: Final Fantasy VII Reunion sur PlayStation 5 en une douzaine d’heures en mode Normal, en effectuant 25% des très, très, très (trop) nombreuses missions annexes.
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ToggleL’épisode préquel d’un monument du JRPG
Avant d’entrer dans le vif du sujet, pensons à celles et ceux qui découvrent ce spin-off après avoir expérimenté Final Fantasy VII pour la toute première fois avec le remake et revenons aux bases. Conscient du succès de ce septième opus qui est devenu un phénomène après sa sortie en 1997, Square Enix avait à l’époque débuté une série de projets annexes à cet épisode avec le film Advent Children, le jeu mobile Before Crisis, le TPS Dirge of Cerberus et enfin ce Crisis Core, un action-RPG qui avait pour but de nous raconter ce qu’il s’était déroulé dans cet univers avant que Cloud et ses amis d’Avalanche s’attaquent à la Shinra.
Le blondinet est donc mis de côté pour s’intéresser au personnage de Zack, un SOLDAT dont l’importance est capitale dans l’évolution de Cloud, si bien que son existence offre un twist concernant un point-clé de l’histoire dans Final Fantasy VII. Petit aparté, on a d’ailleurs du mal à comprendre la stratégie de Square Enix en sortant un tel remaster avant Final Fantasy VII Rebirth, qui de facto, va forcément ruiner l’un des ressorts narratifs de cette suite du remake pour les nouveaux arrivants (un moment qui sera forcément présent, à la vue du premier trailer, ceux qui savent, savent). A moins que l’on nous mène en bateau comme pour Final Fantasy VII Remake, mais il est trop tôt pour répondre à cette question.
Mais bref, suivre Zack au sein de la Shinra et de son ascension dans le groupe du SOLDAT, c’est aussi comprendre comment Sephiroth est passé du statut de héros national à destructeur du monde avec un gros problème oedipien. Le récit de Crisis Core fait aussi intervenir des personnages inédits comme Angeal, mentor et figure paternelle de Zack (en plus d’être le premier porteur de la fameuse Epée broyeuse), et Genesis, sous-Sephiroth et poète agaçant, récitant des dialogues matin midi soir de la seule pièce de théâtre qu’il a vu dans sa vie mouvementée. Aerith, Tifa et même Yuffie font également des apparitions, des années avant que leur grande aventure ne commence. Tout ce beau monde s’entrechoque, se lie d’amitié, tombe amoureux et se trahit à tour de bras dans une histoire très « Nomuresque » (adjectif pour faire écho au travail de Tetsuya Nomura), qui n’a finalement pas beaucoup de sens mais qui parvient tout de même à nous émouvoir lorsque Zack est au cœur des événements.
Une histoire qui bat de l’aile
C’est sans doute là que notre souvenir de Crisis Core nous a fait le plus défaut : cet épisode souffre d’un rythme et d’une narration incroyablement décousus. Le jeu emprunte beaucoup de choses à la saga Kingdom Hearts, mais s’il y avait un domaine où copier sur les aventures de Sora n’était pas la meilleure des idées, c’est dans sa façon de raconter une histoire remplie de trous, de réactions incompréhensibles, de temps morts, de développements trop brusques dans les relations entre les personnages, et on en passe.
Croyez bien que nous sommes les premiers désolés à faire ce constat, car ce n’était pas le cas dans notre souvenir, mais si l’on écarte le facteur émotionnel et l’attachement que l’on porte à Zack, qui reste l’un des meilleurs personnages de la saga, le récit que nous conte Crisis Core est incroyablement dépassé aujourd’hui (et il l’était déjà peut-être à l’époque). Rassurez-vous, vous allez toujours verser votre petite larme, voire de gros sanglots face à cette fin que l’on connaît toutes et tous, mais c’est bien l’un des rares moments où le jeu arrive à raconter quelque chose qui ait du sens.
Il n’est en réalité pas vraiment aidé par le squelette de jeu PSP sur lequel a été construit le jeu, qui forçait la construction du monde à des couloirs tout riquiquis et à des missions si courtes que cela en devient frustrant. En ligne droite, ne comptez pas sur plus d’une dizaine d’heures pour en voir le bout, durée de vie que vous pouvez doubler ou tripler en vous attaquant à l’immensité des missions annexes, qui se répètent en boucle jusqu’à l’écœurement. On aime ou pas le style, mais on ressent encore plus que le jeu a avant tout été pensé pour des sessions courtes, en jeu nomade, ce qui est tout de suite un peu moins agréable sur consoles. Heureusement, la Switch est là.
Même avec le plus beau des écrins, Crisis Core: Final Fantasy VII Reunion garde en lui les stigmates de cette époque et de la génération PSP. Pas de miracle de ce côté-là, l’avancée se fait par à-coups difficilement supportables pour les standards de notre époque. Il n’est ici bien entendu pas question de tirer sur l’ambulance 14 ans après les faits (bon dieu, déjà), mais plutôt de mettre en garde les néophytes qui lanceraient pour la première fois cet épisode sur l’élan de leur découverte de Final Fantasy VII Remake. A vrai dire, c’est même un avertissement aux personnes qui comme nous, avaient quelque peu oublié l’expérience (en dehors de sa fin), et qui pensent retrouver un jeu dont l’essence n’a pas vieilli : ce n’est pas le cas.
Remakaster
A ce stade, vous pensez certainement que l’expérience ne vaut pas le coup d’être vécue en 2022 (ou tout simplement que l’on est trop aigri, et vous avez un peu raison), et pourtant, le charme opère. Des remasters opportunistes, on en a vu ces dernières années. Des jeux vendus plein pot ou presque pour un simple lifting 4K, un peu de poussière magique sur quelques textures et un coup de pinceau sur des décors vieillissants, et hop, rentabilité assurée. Crisis Core: Final Fantasy VII Reunion est l’antithèse de cela, et est ce qu’un remaster devrait toujours être.
Tant de travail a été effectué sur ce portage que l’on a du mal à croire que l’on est en face d’un jeu qui tournait à l’époque sur un écran 480 × 272 avec des contrôles plus limités qu’aujourd’hui. Sans égaler la sublime plastique de Final Fantasy VII Remake – et on ne lui en demandait pas tant, Crisis Core: Final Fantasy VII Reunion affiche un lifting de très haute qualité, avec des décors refaits, des modèles de personnages bien plus convaincants, des effets de lumière dignes de jeux contemporains, des temps de chargement minimes, sans oublier des cinématiques d’invocations qui vont vous faire tomber la mâchoire.
Le jeu n’est trahi que par des animations un peu en deçà, uniquement dans les cut-scenes, où les mouvements se font un peu brusques. On pourra aussi regretter que les somptueuses cinématiques en CGI n’aient pas bénéficié d’un vrai traitement full HD, puisque la définition de ces dernières est un peu inférieure aux standards actuels, si bien que l’on arrive à y voir les grains. On suppose que ça pose moins de problèmes sur Switch. Mais ce n’est finalement qu’un léger détail dont on s’accommode facilement, surtout à la vue du côté spectaculaire de ces moments (cette fameuse scène avec Angeal, Genesis et Sephiroth, c’est toujours un petit bonbon).
Visuellement, pour un remaster, on est presque sur un sans-faute, d’autant plus que le jeu tourne sans le moindre accroc sur PlayStation 5, avec un framerate à toute épreuve. On n’en attendait pas moins, mais c’est rassurant, quand on voit que l’on est capable de nous offrir des curiosités techniques comme le remaster de Chrono Cross. Même si les décors sont étriqués, encore une fois à cause des limitations de la plateforme de l’époque, Square Enix a pris le temps de les soigner et de les rendre plus beaux que jamais.
Activating Combat Mode
Au-delà de l’évidente amélioration graphique apportée à cet épisode, ce sont sans doute les combats qui bénéficient le plus de ce remaster. Pour ne pas déboussoler les nouveaux fans qui découvrent la saga avec le remake du septième épisode, le système de combat de ce dernier a été plus ou moins calqué sur celui de Final Fantasy VII Remake.
Ne vous attendez pas à y retrouver le même niveau de profondeur et de complexité, on reste sur un moule d’action-RPG classique, proche d’une Kingdom Hearts, où Zack peut maintenant enchaîner l’utilisation de ses compétences de manière plus fluide. Plus besoin de naviguer avec les boutons de tranche pour sélectionner une attaque, vous disposez maintenant de six raccourcis pour lancer de la magie ou des compétences physiques, qui viendront puiser dans la barre de magie et dans une barre d’action. Les attaques normales, elles, viennent ajouter du liant dans tout cela, avec une subtilité supplémentaire qui se débloque avec l’obtention de l’Epée broyeuse, avec laquelle Zack peut adopter une nouvelle posture pour effectuer des attaques plus puissantes (comme Cloud dans le remake).
Ces changements apportent un incroyable dynamisme à l’ensemble, ce qui rend finalement un peu plus digeste ce que nous évoquions plus haut, à savoir ce cycle infernal de très courtes missions. Si on est pas complétement allergique à la proposition, on y revient volontiers grâce à ce déluge d’action, qui propose quelques subtilités, comme l’utilisation de certains compétences élémentaires pour affaiblir des types d’ennemis bien particuliers. Ou encore le fait que pouvoir réduire les dégâts de l’attaque ultime d’un boss – voire l’interrompre – en le frappant pendant qu’il lance cette dernière. Les effets visuels des capacités sont réussies, tout va très vite, et on en redemande une fois chaque combat terminé. Par ailleurs, on aurait pas dit non à la suppression du fameux « Activating Combat Mode » ou « Conflict Resolved », qui vient initier chaque combat ou le terminer, parce qu’on ne va pas se mentir, sur la longueur, ça use.
La loterie de la survie
Le système OCN (Onde Cérébrale Digitale) fait également son retour dans une version revue et corrigée. Sorte de loterie à bonus, cet emprunt au jeu de casino affiche des numéros et des portraits des personnages que Zack va rencontrer dans son périple.
Lorsqu’une certaine combinaison de chiffre s’affiche, de manière complétement aléatoire, notre héros peut bénéficier d’un coût nul en point de magie, d’une invulnérabilité physique, d’une résistance à l’interruption et d’autres avantages qui peuvent changer le cours d’un combat. Si trois portraits d’un même personnage s’alignent, Zack peut enclencher une attaque spéciale, comme se soigner massivement si Aerith apparaît, déclencher une série de frappe si c’est Sephiroth, appeler un renfort aérien si c’est Tseng des TURKs… On vous épargne le listing complet. Occasionnellement, la roue passe en mode invocation pour avoir peut-être la chance de faire appel à un Esper type Bahamut, Ifrit etc.
Oui, ce système est toujours aussi aléatoire ; oui, il coupe parfois le combat avec des souvenirs de Zack (des scènes sans grande importance qui interrompent brièvement l’affrontement) quitte à casser votre élan ; mais non, il ne déséquilibre pas totalement l’expérience pour autant. On peut même souligner les efforts de Square Enix ici, qui nous laisse maintenant passer toutes les cinématiques et animations des attaques liées à l’OCN, toujours dans ce souci de ne pas rompre le nouveau rythme des joutes, plus rapide que jamais.
De plus, on notera que l’éditeur semble avoir profité de ce remaster pour faire un tour du côté de l’équilibrage, puisqu’il nous a semblé que l’expérience était un peu plus facile que dans le passé. C’est peut-être tout simplement nous, mais cela permet d’éviter que les missions annexes deviennent un passage obligé, et si c’est volontaire, l’initiative est appréciable.
Un gros gain de lisibilité
En somme, Crisis Core: Final Fantasy VII Reunion a soigné son expérience utilisateur du mieux qu’il le pouvait. Les menus ont été complétement repensés, une nouvelle fois pour coller au modèle de Final Fantasy VII Remake. Y naviguer est tout de suite plus agréable et simplifié et la fusion de matérias (qui vous permet de sacrifier deux matérias pour en créer une plus puissante) est plus claire. Durant les affrontements, la caméra pose moins de soucis que par le passé grâce à un meilleur système de lock, tandis que l’OCN occupe moins l’espace.
Tout a été pensé pour rendre l’expérience plus appréciable en allant pousser au plus loin les limites du remaster, et pas seulement d’un point de vue visuel. Tous les dialogues sont désormais doublés, à la fois en japonais et en anglais, tandis que les musiques de Takeharu Ishimoto ont été réorchestrées pour l’occasion. Bien qu’elle ne bénéficient pas d’un mixage aussi poussé que les compositions du remake, ces musiques viendront titiller votre corde sensible plus d’une fois. En dehors des arrangements très rock, on retrouve des ballades qui restent une nouvelle fois gravées en tête. Impossible de ne pas ressentir un frisson lorsque surviennent les première notes de The Price of Freedom. Emotions garanties.
En revanche, n’attendez pas de Crisis Core: Final Fantasy VII Reunion qu’il soit plus qu’un remaster et qu’il offre, comme Final Fantasy VII Remake, du contenu inédit. Vous retrouverez la même aventure qu’à l’époque, sans ajout scénaristique, sans lien au remake, sans boss caché, du moins ce que l’on a pu en voir. Encore une fois, ce n’est sans doute pas ce qu’on lui demandait, tant il a fait d’efforts sur le reste.
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