Véritable événement vidéoludique en 2007, Crysis fut longtemps considéré comme l’un des plus beaux jeux disponibles sur PC. Il est d’ailleurs à l’origine de nombre de gags sur le net, puisque trop vorace pour tourner sur la majeure partie des montures de l’époque. Mais le titre de Crytek rivalisait aussi de qualités plus concrètes, comme d’une liberté d’action rarement atteinte jusque-là, ou encore d’un gameplay solide et nerveux.
Treize ans plus tard, Crytek nous offre l’occasion de retourner arpenter ses sentiers ensoleillés via une édition remasterisée. Une opportunité plutôt alléchante, on ne va pas se le cacher. Après avoir investi l’eShop de la Nintendo Switch en juillet, voici que Crysis Remastered débarque sur PC, PlayStation 4 et Xbox One en septembre. Reste à déterminer si cet ancien ténor du First Person Shooter a encore de quoi ravir les amateurs d’action.
Conditions du test : Nous avons joué près de six heures à la campagne, en difficulté normale, sur une PlayStation 4 classique. Au cours de notre test, nous avons été confrontés à de nombreux bugs visuels et sonores, mais surtout le jeu a crashé à plusieurs reprises.
Un bond dans le passé
C’est en novembre 2007 que Crysis sortait sur nos PC, soit il y a pratiquement treize longues années jour pour jour. Et il est vrai qu’à l’époque, le titre de Crytek impressionnait, autant grâce à sa physique que sa technique. Il fallait d’ailleurs se munir d’un ordinateur de compétition, et croiser les doigts, pour être sûr de pouvoir y jouer dans les meilleures conditions. Voire de simplement pouvoir le lancer. C’est pour cette raison qu’il ne sortit que tardivement sur les consoles de l’époque, qui ne l’accueillirent qu’en 2011 dans une version fatalement moins belle.
Mais outre son aspect graphique, sur lequel repose en grande partie sa notoriété, ce FPS fut l’un des premiers à offrir aux joueurs une liberté d’action saisissante. Il mettait par ailleurs l’accent sur la puissance du protagoniste, détenant une combinaison aux capacités fort intéressantes, et s’avérait ainsi particulièrement jouissif. On peut affirmer sans trop se mouiller que la recette de Crytek en a inspiré beaucoup. Notamment Ubisoft qui a repris les environnements tropicaux de Crysis à sa sauce pour Far Cry 3, et plus généralement l’ouverture de sa zone de jeu.
En bref, Crysis reste encore aujourd’hui un jeu de tir en vue subjective culte, pour tout un tas de raisons. Mais la première, vous l’aurez compris, c’est son aspect graphique. Ainsi, c’est bien à ce niveau qu’on attendait ce remaster. Bien qu’avec son statut de relecture, on n’imaginait guère qu’il pourrait rivaliser avec les pointures actuelles du FPS, telles que DOOM Eternal ou Far Cry 5, dans un registre un peu différent. Treize ans, c’est long, et même si Crytek est une entreprise dont le talent n’est plus à prouver, on pouvait difficilement s’attendre à un miracle.
Le résultat est plutôt convaincant. L’environnement a bien vieilli, autant dans son level design global que dans son aspect graphique. Les effets de lumière sont quant à eux assez inégaux, parfois franchement saisissants, parfois un poil décevants. On notera cependant que les bâtiments sont très laids, et auraient mérité d’être revus de zéro. Enfin dans l’ensemble, il n’y a pas grand-chose à redire sur la technique pure et dure de cette édition remasterisée. C’est toujours un bonheur de se perdre dans sa végétation luxuriante, de nager dans son eau cristalline, ou même d’observer les quelques panoramas qui nous sont offerts çà et là.
Malheureusement, on ne peut guère s’arrêter sur ce constat positif, puisque le titre souffre de nombreuses limitations, dont certaines sont inédites. On passera rapidement sur les différents effets visuels qui ont pris un sacré coup de vieux, comme les explosions ou les effusions de sang, ainsi que sur la distance d’affichage qui aurait gagné à être améliorée. Ce qui choque nettement plus, ce sont les différents bugs que l’on peut rencontrer dans sa campagne pourtant diablement courte. On notera d’abord des textures qui arrivent à retardement, bien que cela soit assez rare, mais surtout quelques morceaux de végétation qui ne s’affichent plus convenablement.
Entendez par là qu’il arrive parfois que l’on tombe sur des arbres ou des fougères revêtant un aspect 2D infâme, rappelant d’une certaine façon les personnages et objets du décor d’un certain DOOM en 1993. Difficile de comprendre ce que ce problème fait là, puisqu’il était absent de la version d’origine de Crysis. Idem, au cours de notre test, le jeu a crashé à plusieurs reprises, notamment deux fois dans les dix premières minutes de sa campagne. Enfin, notons des problèmes de son, comme des voix qui passent régulièrement au second plan, ou une musique qui se lance parfois sans raison, même en pleine cinématique. C’est un peu limite…
Une recette vieillissante
En 2007, la presse et les joueurs sont unanimes : Crysis est une perle. Ses mécaniques sont bien huilées, voire novatrices aux yeux de certains, sa physique est au top, et les différentes armes offrent un bon feeling. Mais là encore, treize longues années se sont écoulées. Ce qui était au top à l’époque ne l’est plus aujourd’hui, notamment parce qu’on a fait beaucoup mieux entre temps, mais surtout parce que cette recette a été pompée par toute l’industrie du jeu vidéo. Entendons-nous bien, ce FPS reste bon, d’une certaine façon, mais il a mal vieilli et aurait mérité un travail en profondeur sur ses mécaniques.
Par exemple, on ne ramasse pas les munitions en marchant simplement dessus : il faut appuyer sur une touche pour se faire, ce qui contraint notre personnage à se baisser, et donc nous fait perdre quelques précieuses secondes. Pour un First Person Shooter qui se veut rapide et jouissif (bien que l’on ne parlera pas de FAST FPS ici), c’est plutôt dommage. On notera aussi que le nombre d’armes est finalement assez faible, que l’impression de puissance a perdu en intensité avec les années, ou encore que la conduite des véhicules est perfectible… en plus d’être inutile, notre personnage courant excessivement vite.
Enfin c’est surtout sur le fond que l’on aura à redire. Passons sur le scénario anecdotique et les personnages inutiles, et attardons nous plutôt sur la progression. Celle-ci se veut libre, ce qui se traduit par une zone globalement ouverte dans laquelle on avance en suivant un objectif précis. Dans l’idée, on peut choisir de passer par différents chemins, de privilégier la manière forte ou l’infiltration, voire même de passer les lieux occupés en courant et en sautant comme un dératé grâce aux capacités surhumaines offertes par la combinaison revêtue par le protagoniste.
Dans les faits malheureusement, on est assez loin de cette liberté d’action vendue par Crytek, ce qui est d’autant plus visible en 2020. D’abord parce que malgré la sensation d’ouverture qu’essaye de nous offrir Crysis, on se rend très vite compte que la zone est finalement linéaire. Et avec elle, la progression évidemment. Alors bien sûr, on peut choisir différents moyens pour parvenir à notre objectif. Mais là encore il y a un hic, puisque l’intelligence artificielle met constamment des bâtons dans les roues du game design.
Ce que cela signifie, plus concrètement, c’est que malgré la possibilité de se camoufler dans le décor touffu grâce à une fonction de notre combinaison, les ennemis n’auront aucun mal à nous repérer. L’infiltration ne fonctionne donc absolument pas, puisque dès que l’on approche à moins de cent mètres d’un Coréen armé, même caché derrière une tonne de buissons, celui-ci nous alignera. À coté de cela, une fois entré dans une base ennemie, la même IA qui nous posait problème deux minutes plus tôt perd tous ses moyens. On ne compte plus les fois où nos adversaires ont fait n’importe quoi à notre contact au cours de notre partie.
Ce qui sauve Crysis Remastered du naufrage, c’est son aspect shooter qui reste particulièrement jouissif. Il est par ailleurs grisant de faire exploser ses éléments de décor, comme à l’époque, à l’aide d’une grenade bien placée ou d’un bon vieux lance-roquettes des familles. Reste que la physique que l’on vantait en 2007 donne aujourd’hui lieu à des scènes souvent ridicules, voire parfois franchement affligeantes. Enfin même si l’on a vu cent fois mieux depuis, pouvoir plier un bâtiment en quatre avec des ennemis surarmés à l’intérieur, ça n’a pas de prix.
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