Une interrogation légitime en soit. Le jeu a connu de nombreux reports et commençait à embrasser son statut d’arlésienne au moment de l’annonce de sa date de sortie à l’E3 dernier. Le voilà enfin qui arrive après une attente insoutenable.
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ToggleBoot Cup
Après un pari perdu avec le diable, Cuphead et son frangin Mugman se retrouvent obligés d’aller récupérer des contrats sur les âmes de dizaines de personnages pour sauver leur peau. Avant de se lancer dans l’aventure, un passage par la case tutoriel ne fait pas de mal. N’en déplaisent à certains professionnels, il ne faut pas plus d’une trentaine de secondes pour en venir à bout. Ce dernier couvre la totalité de la palette de mouvements disponibles. L’ensemble est immédiatement maîtrisé par le joueur : un saut, un dash, un tir dans huit directions avec un super coup et une petite surprise, le « parry ». Appuyer une deuxième fois sur le bouton de saut lorsque notre tête de tasse est dans les airs donne lieu à un ingénieux mouvement défensif rosâtre. Tous les ennemis ou projectiles de cette couleur peuvent être bloqués par cette botte. Résultat, le projectile/l’ennemi disparaît, la jauge de super augmente et Cuphead rebondit et gagne en hauteur. En coopération, cette manœuvre permet aussi de ressusciter son copain en rebondissant sur son âme avant qu’elle ne flotte en dehors de l’écran. Un mouvement néanmoins risqué, aussi bien pour son timing très serré que pour la faible récompense qu’il incombe. La hitbox très restreinte du mouvement risque aussi de générer pas mal de frustration. Mais il reste essentiel d’en réussir trois par niveau pour taper un high score.
En plus d’être un vrai, grand jeu vidéo, c’est un chef-d’œuvre artistique à part entière
Outre cette défense peu orthodoxe qui réclame un petit temps d’adaptation, Cuphead se joue aussi facilement qu’il se regarde. La réactivité des commandes est excellente. Notre aspirant-Mickey Mouse réagit au quart de tour sur les dashs , les sauts et retombe très vite sur le sol. Si le tout est immédiatement plaisant à prendre en main, ce n’est pas un jeu qui met du lait dans votre café. En fait, il fait tout pour maintenir son challenge à un certain degré d’exigence. Prenons l’exemple du « EX », le super coup. Dans la plupart des jeux du genre, il rend le personnage invulnérable le temps de son exécution. Ici, cette attaque vous fige sur place un court instant vous laissant sans défense. Il y a donc le risque de prendre un coup bêtement ou de se retrouver au-dessus du vide au moment de sortir de l’animation de l’attaque.
Dans le même esprit, on peut équiper différents tirs et capacités passives. Chaque tir modifie le super et s’utilise d’une manière précise. L’un d’entre eux tire dans plusieurs directions à la fois, mais sur une distance très réduite. Un autre attaque à tête chercheuse sur de longues distances, mais fait très peu de dégâts. Il n’est donc pas question de monter en gamme, mais bien de choisir l’arme la plus adaptée à une situation. Les « charms » quant à eux, ne sont pas uniquement positifs. Vous voulez quatre cœurs au lieu de trois ? Pas de soucis, mais vous ferez moins de dégât. Tout est question de compromis. Ces modifications sont optionnelles et il est parfaitement possible de finir le jeu avec le seul tir standard. Choisir l’équipement qui paraît le plus adapté à un combat rendra la tâche plus abordable, mais se sont bel et bien les capacités intrinsèques du joueur qui feront la différence. Ses réflexes, sa précision, son sang-froid et sa concentration.
Tex Avertie
La réputation de jeu « hardcore » que Cuphead s’est taillé n’est clairement pas usurpée. Le titre fait tout pour pousser le joueur dans ses derniers retranchements et tirer le meilleur de ses capacités. Le jeu est découpé en trois mondes représentés par une map rappelant l’ère dorée des jeux 8 et 16 bits. Ces petites transitions permettent de reprendre ses esprits d’un combat à l’autre. Et croyez-moi qu’une pause est toujours la bienvenue tant les affrontements sont exigeants avec le joueur. Cela dit, la courbe de difficulté est gérée d’une telle manière qu’elle rend le jeu abordable à tout joueur un peu expérimenté. Le jeu est conscient du challenge qu’il impose. Ainsi, le premier monde est accessible et s’avère être idéalement pensé pour se préparer à la suite. Mourir n’est que très peu punitif et les duels ont l’intelligence de ne pas dépasser les 2 minutes. Le joueur n’est donc jamais totalement découragé, bien au contraire. Il y a même un mode « simple » pour les boss, supprimant des phases des combats et réduisant la résistance du boss. En revanche, pour récupérer le précieux contrat, il faudra impérativement battre le boss en mode normal. Il faut donc voir cette difficulté réduite comme un entraînement plus abordable.
Cuphead se joue aussi facilement qu’il se regarde
Malgré un challenge bien corsé, il n’y a pratiquement aucun moment où l’on ressent un quelconque sentiment d’injustice. Il n’y a rien qui tue en un seul coup, pas même tomber dans le vide. Il faut accepter de mourir un certain nombre de fois avant de bien comprendre le fonctionnement d’un boss. D’autant plus que ces derniers ne répondent pas un des paternes entièrement prédéfinis que l’on se contente d’apprendre par cœur . Ils utilisent plutôt une vaste palette d’attaques à laquelle le joueur pourra répondre de plusieurs façons. Cuphead se permet en plus de constamment réinventer son approche des duels. On passe ainsi d’un combat face à un boss totalement statique à un duo de personnages sautillant. D’un niveau à scrolling vertical à un Shoot Them Up en avion. Et c’est sans revenir sur les innombrables variations au sein même des affrontements. Les boss changeant constamment d’apparence, de taille et de paternes. Le jeu réussit donc l’exploit de ne jamais paraître redondant au cours des sept-huit heures nécessaires à en voir le bout (très indicatif, étant donné que cela dépend surtout du skill du joueur). De plus, impossible de résister à l’envie de relancer les boss déjà vaincus pour obtenir une meilleure note. Une fois le jeu terminé, on débloque un mode expert bien énervé qui ravira les plus acharnés.
Double Expresso
Aborder le jeu en coopération est aussi une bonne idée pour ceux qui souffrent à avancer. Les boss voient alors leurs points de vie doublés, mais la possibilité de réanimer son camarade équilibre largement la donne. Néanmoins, il faudra être conscient de la prise de risque que peut représenter une tentative de résurrection. Allez chercher son collègue au bout de la map entre des dizaines de bullets n’est peut-être pas le mouvement le plus avisé si on se sent apte à finir l’affaire tout seul. Et tant pis si le copain râle qu’on l’a laissé tomber, il reviendra dès la fin du combat. Petit bémol, il est impossible de jouer en ligne pour le moment. Prévoyez donc deux manettes, un canapé, et une longue nuit de tryhard.
Initialement prévu comme un boss rush, les développeurs de MDHR Studio ont finalement jugé bon de rajouter quelques niveaux de « Run’n’Gun » pour casser un peu le rythme. Loin d’être plus facile que les combats de boss, ces niveaux sont finalement très peu nombreux. Ils offrent toujours un petit twist intéressant sur le gameplay. L’un d’entre eux réutilise l’idée de base du génial « VVVVVV » en alternant la gravité pour le héros qui se retrouve à passer du sol au plafond. Cela dit, ces séquences restent les moins mémorables du jeu et on ne reviendra pas dessus comme on peut être amené à le faire pour les boss.
Cartoon Network
Il reste un point majeur à aborder, ce qui différencie Cuphead de la concurrence. En plus d’être un vrai, grand jeu vidéo, c’est un chef-d’œuvre artistique à part entière. La promesse de retrouver un véritable dessin animé des années 30 jouable est largement remplie. Cuphead est beau à en mourir. D’une créativité folle, chaque mouvement, chaque attaque, chaque animation est l’occasion pour les artistes derrière le jeu de nous émerveiller. Voir un boss se transformer, deux, trois voire quatre fois en un seul combat est un régal, si bien qu’on est presque déçu une fois qu’on en vient à bout de ne pas en avoir plus. Cette réussite participe activement à l’envie du joueur de prolonger l’aventure malgré la difficulté qui atteint des sommets lors des combats tardifs. Il découle des graphismes une bonne humeur de tout instant qui contraste admirablement avec le challenge proposé.
Le jeu est conscient du challenge qu’il impose
Il y a malheureusement un prix à payer pour un tel rendu. Dans certaines situations, la lisibilité souffre. C’est encore plus vrai dès les niveaux à scrolling automatique où l’on perd parfois de vue les plateformes ou les ennemis. Fatalement le mode coopération en prend un petit coup. D’ailleurs, si jamais vous souffrez de daltonisme, je ne peux que vous conseiller de regarder quelques vidéos du jeu avant de passer à la caisse. Les couleurs jouent un rôle primordial et il n’est pas toujours aisé de les distinguer. Aussi, le jeu a parfois la sale manie de mettre des choses au premier plan, masquant complètement ce qui se trouve derrière. C’est rare, mais suffisamment pénible pour être relevé.
On se crispe autant que l’on rigole devant Cuphead. Le côté grandiloquent et loufoque des boss fonctionne à merveille. Les fans du Studio Fleischer et des Disney avant-coureurs comme Steamboat Willy seront aux anges. L’univers du jeu fait autant référence à ces légendes de l’animation qu’au monde du jeu vidéo. Le tout est sublimé par une OST totalement dingue de plus de 50 morceaux. Composée par Kristofer Maddigan (dont c’est le premier travail dans les jeux vidéo), elle alterne jazz pêchu et énergique avec ragtime tout sourire. Elle vise toujours juste et joue un rôle primordial dans la création de l’identité du titre. Vivement le vinyle.
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