Amorcé il y a presque 8 ans, Cyberpunk 2077 était annoncé comme le titre qui allait révolutionner le RPG en monde ouvert avec un projet qui avait pour lui le temps, les moyens, et un savoir-faire magnifiquement appliqué dans un The Witcher 3 devenu culte. Entre toutes les polémiques liées à la sortie le 10 décembre, on sait qu’il s’agit avant tout d’un jeu PC à l’heure actuelle. Avec un état aussi déplorable sur Ps4/Xbox One, et un patch next-gen qui n’arrivera qu’en 2021 sur PS5/Xbox Series X|S, c’est pour le moment la seule plateforme à nous donner un rendu honnête. Nous avons donné d’ailleurs un avis complet sur les versions PS4 (Fat) et PS5.
Conditions de test : Nous avons joué au titre sur PC pendant près de 80 heures sous une configuration haute (Ryzen 5 2600, GTX 1660 Ti, 16Go DDR4 RAM) majoritairement sous la version 1.04. Nous avons pu ainsi finir le titre, essayer quelques choix de dialogues différents pour une même quête, et parcouru la ville pour observer tout ce qu’elle peut offrir.
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Cyberpunk 2077 reprend d’abord l’œuvre du créateur du jeu de rôle sur table, Mike Pondsmith, en nous plongeant dans une dystopie où les méga-corporations (les corpos pour faire court) détiennent le pouvoir en s’illustrant dans de nombreux domaines comme l’armement, la robotique ou bien la cybernétique. En tant que V, le joueur tente de se faire un nom dans le milieu des mercenaires d’une des villes les plus dangereuses des Etats-Unis en cette année 2077 : Night City.
Même si CD Projekt Red s’y connait en matière de RPG, impliquer le joueur autrement qu’à travers un Geralt charismatique est un exercice bien plus complexe que le studio ne réussit pas vraiment ici. V est en effet la première déception à travers la création de personnage qui nous laisse le choix entre trois voies : gosse des rues, nomade et corpo. Excepté quelques choix de dialogues supplémentaires lorsque le contexte le permet, on ne ressent pas vraiment l’impact du background après les premières heures de jeu. De plus, il est surprenant de constater que l’on ne puisse pas modifier l’apparence de son personnage après la phase de création. Un comble compte tenu du sujet traité.
Et pourtant, même si l’on commence par quelques sujets qui fâchent, ce n’est rien en comparaison des nombreuses qualités du titre. Le soft maintient un équilibre difficile entre RPG et monde ouvert à la GTA, Night City est une grande réussite en matière de construction et d’immersion. Le talent du studio brille clairement dans les domaines où on l’attendait. L’écriture des personnages et surtout celle des quêtes sont premios pour reprendre un terme du jeu. En plus d’un Johnny Silverhand réussi (et porté par un Keanu Reaves qui l’incarne à la perfection), l’attachement aux différents PNJ est systématique, et ce même le temps d’une courte aventure.
Cyberpunk 2077 nous plonge dans un roadtrip schizophrénique qui nous fait courir dans les 4 coins de la ville avec chaque grande zone tenue par un gang avec lequel il faut traiter un jour ou l’autre. Et selon nos décisions de parcours, les relations peuvent être aussi bien tendues qu’apaisées. La narration a parfois quelques coups de mou, mais globalement on est par-dessus tout bluffé par l’ensemble cohérent qui lie la quête principale, les quêtes annexes, et l’architecture de Night City.
Grâce à une relique endommagée qui nous fait voir et entendre Silverhand absolument partout, nous modelons ainsi notre avatar en fonction de ses opinions, et de sa conception de la société en s’opposant à lui, en l’approuvant ou encore en cherchant une autre voie plus mitigée. En attendant de trouver un moyen de le faire sortir de notre tête, il est la boussole qui nous indique vers où on veut ou ne veut pas aller.
Le titre rattrape de ce fait les choix du début sans grandes incidences grâce à ceux que l’on fait vis-à-vis de notre vision des corporations, de la ville, et de Johnny sans être influencé par le bien ou le mal grâce à une absence de manichéisme posé dès le départ et qui dépend justement de là où on vient. Les enquêtes ont encore une fois une grande place avec un système particulièrement ingénieux appelé « DS » où l’on revit une scène enregistrée directement à travers les yeux d’une personne pour y dénicher des indices visuels ou sonores en changeant même de perspective.
La City de tous les Vice
L’ambiance de ce futur dépeint dans les années 90 est une autre prouesse qui participe au charme de la ville. Tout respire la pollution, la crasse, la débauche mais aussi le kitch et les écarts sociaux. Sans parler des implants cybernétiques et du transhumanisme auxquels nous sommes constamment confrontés, c’est un monde que l’on veut découvrir même sans être familier du genre ou bien de l’œuvre originale. Les rues sont denses, peuplées et animées grâce à un gros travail sur les publicités, les scènes de crimes, événements aléatoires et autres conversations de PNJ, néanmoins on ressent tout de même les passages à vide. Il suffit de se balader en désactivant la mini-carte et les marqueurs pour vite s’en rendre compte.
Heureusement, les décors nous flattent assez la rétine pour que l’on puisse apprécier le dépaysement grâce à des graphismes qui rendent hommage à la métropole et ses habitants sur PC avec un rendu très bon même sur une configuration moyenne (la claque étant réservée aux grosses machines ou au cloud gaming qui peuvent proposer le combo 4K/Ray Tracing). Artistiquement, difficile de lui reprocher grand-chose grâce à l’identité visuel incrustée dans chaque zone et quartier. Il ne faut pas non plus sous-estimer le moteur du jeu qui est assez bon pour tout nous faire vivre en temps réel. Aucune cinématique, tout est en direct. Un confort très apprécié qui ne casse jamais le rythme et qui ne laisse aucune équivoque sur le choix avisé de la vue à la première personne.
Viennent alors les bugs très largement soulignés. Dans notre partie sur la version 1.04, nous en avons eu quelques-uns, dont certains assez drôles, mais presque aucun ne nous a freiné ou obligé à relancer une sauvegarde en 80 heures. Par contre, les bugs de collision qui nous propulsent sur une courte distance sont assez récurrents et gênants lorsque l’on a opté pour une approche discrète. Néanmoins, le plus gros défaut de Cyberpunk 2077 est sans conteste l’IA qui est catastrophique. Un constat encore plus flagrant si vous êtes comme nous amateur de furtivité. Les ennemis qui se figent sur place ou qui agissent de manière absurde sont légion.
Il est assez rare que l’on pointe du doigt la communication d’un jeu dans un test mais Cyberpunk 2077 n’est pas la révolution que l’on attendait, voire la porte d’entrée à une grosse production next-gen ultra ambitieuse même s’il s’en approche de très près. C’est d’autant plus frustrant que le potentiel est là, et qu’un peaufinage méticuleux aurait permis d’atteindre les objectifs visés. CD Projekt a fait monter la mayonnaise durant plusieurs années avec des séquences toujours plus impressionnantes. Cela peut paraitre sévère tant le jeu est sans doute l’un des meilleurs de l’année, mais on ne peut s’empêcher de penser qu’il n’est pas à la hauteur des énormes attentes que l’on portait au créateur de The Witcher 3.
Hitman et Hackerman
On le disait, CD Projekt a voulu jouer sur les deux tableaux du RPG et du monde ouvert et s’en sort avec les honneurs sans toutefois atteindre l’excellence d’un Rockstar sur ce dernier point. Parmi les petits encombrements on peut citer la police qui apparait juste à côté de nous lors d’une infraction ou bien la conduite qui nous donne l’impression de diriger une savonnette plutôt qu’une voiture. De ce côté-là les motos s’en sortent un peu mieux.
En revanche le gameplay est bien plus jouissif et malléable. V peut s’orienter vers 5 blocs statistiques, chacun découpé en deux ou trois arbres de compétences : sang-froid, constitution, réflexes, intelligence et capacité technique. Grâce aux niveaux gagnés, il est possible de personnaliser son style de jeu en piochant là où l’on a envie. Au cours de notre partie nous avons opté par exemple pour un « netrunner » furtif équipé d’un revolver avec silencieux. Les arbres se dévoilent en fonction des actions que vous menez. Planquer les corps discrètement augmentera votre niveau de furtivité tandis que sauter partout comme un gorille en tapant du poing augmentera les niveaux d’athlétisme et de bagarre.
En mettant de côté l’IA, c’est un régal de pirater à tout va en éliminant un par un les ennemis par derrière ou au silencieux, mais aussi de rentrer dans le lard avec des piratages rapides et du plus gros calibre épique/légendaire grâce à un investissement dans la fabrication. Comme pour la narration, les cocktails sont multiples et il faut faire des choix sans oublier que les implants cybernétiques que l’on peut obtenir auprès des charcudocs viennent encore en remettre une couche pour le meilleur.
Chaque partie de notre corps peut être améliorée dans la grande tradition des univers cyberpunk. Comme pour quelques armes, certains implants sont soumis à des conditions vis-à-vis de nos statistiques que l’on vient d’évoquer. Dommage en revanche pour le gameplay au corps-à-corps qui offre de bonnes sensations mais qui reste brouillon et imprécis. Heureusement les capacités des armes sont assez originales et nous permettent de faire des choses assez dingues comme faire ricochet des balles, tirer à travers les murs, ou encore diriger les projectiles automatiquement sur l’ennemi avec les armes intelligentes.
Parmi les autres éléments de personnalisation, on remarque très vite la quantité astronomique de vêtements voire démesurée. Cela fait écho avec l’incapacité de changer notre avatar physiquement. Certes nous avons une énorme garde-robe pour adopter plein de looks différents, mais c’est tout de même un peu trop. Par contre, il n’est pas vraiment nécessaire d’opter à chaque fois pour l’équipement offrant le plus d’armure puisque celle-ci n’a pratiquement aucune incidence sur les dégâts reçus contrairement aux implants que l’on peut greffer.
Ils sont bien plus utiles qu’une pauvre quantité d’armure qui va vous permettre d’encaisser un choc de plus pour caricaturer. Entre une pièce de niveau 25 et de niveau 30, on peut facilement opter pour celle qui met plus notre V en valeur ou alors choisir l’optimisation au risque de ressembler à la capture d’écran ci-dessus. On regrette également de ne pas pouvoir rendre invisible les éléments de cosmétique.
Optique 2077
Comme pour le loup blanc, Cyberpunk 2077 est donc le jeu que l’on va refaire aisément au moins 2 fois pour exploiter tout ce qu’il peut offrir en matière de narration et de gameplay. Même sans cette perspective, la durée de vie est plus que correcte pour un RPG de ce calibre. Passer à côté du contenu annexe serait criminel au vu du soin apporté dans l’écriture et à la compréhension du lore. On passera également un temps fou sur le mode photo assez réussi qui est bourré de filtres et de vignettes pour obtenir les meilleurs clichés.
Cyberpunk 2077 respecte toutes ses promesses pour tout ce qui touche au son, que ce soit la musique ou les doublages. Le titre est une vraie ode à la musique avec un énorme travail de création que l’on ne peut que saluer (allant même jusqu’au nom de nombreuses quêtes qui empruntent le titre d’une chanson célèbre). Certes ce ne sera pas au goût de tout le monde mais une grande variété de styles est représentée et cela respecte surtout la vision de l’œuvre originale en allant jusqu’à demander aux artistes de réellement reprendre des codes situés aux années 90, un parti pris qui se ressent.
Incarné par Johnny Silverhand, l’univers musical est donc un autre rouage qui participe à l’immersion puisque les postes de radio sont monnaie courante dans les rues et là où zonent les gangs que l’on s’apprête à dessouder avec un thème bien énervé. Le passage où l’on vit un concert à la première personne est l’une des perles de notre progression et une autre preuve que les quêtes annexes sont « nova ». On salue également l’option qui désactive les musiques soumises aux droits d’auteur pour les créateurs de contenu.
Saluons enfin les responsables du doublage français qui ont réalisé un sans-faute dans l’interprétation des personnages et le choix des voix. Clairement un autre pilier qui supporte ce que l’on vous rabâche depuis le début : l’immersion. On retrouve bien évidemment Jean-Pierre Michael (voix récurrente de Keanu Reeves au cinéma) dans la peau de l’acteur vedette même si l’on a parfois l’impression d’entendre Billy Butcher de The Boys. L’un des soucis récurrents en matière de doublage, même pour de grosses productions, est la synchronisation labiale, autrement dit que le mouvement des lèvres soient raccord avec les dialogues. Quand les rares bugs du jeu ne ferment pas complètement la bouche d’un personnage, on constate que la technologie JALI du studio fait des merveilles à ce niveau-là.
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