Les heures de gloire ne sont à l’évidence plus qu’un lointain souvenir pour le shoot’em up. Pour autant, comment ne pas être enjoué devant une proposition comme celle initiée par le studio écossais KeelWorks avec leur tout premier jeu, Cygni : All Guns Blazing. Plus qu’un simple hommage à des titres tels que Zero Gunner ou Gradius, entre autres, le soft ambitionne de toucher un nouveau public.
Dans un genre réputé pour sa difficulté héritée de l’époque des salles d’arcade, Cygni s’appuie sur une accessibilité davantage prononcée, ainsi qu’un gameplay privilégiant la prise de risque et, à la différence de la plupart des shoot’em up, repose moins sur le placement et l’apprentissage des patterns d’attaques.
Condition de test : nous avons joué sur PS5 pendant 10 heures environ. A défaut de briller par nos skills en mode normal, nous avons terminé l’aventure en facile. Nous avons rejoué les niveaux plusieurs fois, pas seulement dans la plus basse difficulté, et nous avons pris le temps de jouer au mode arcade afin d’expérimenter les améliorations du vaisseau.
Sommaire
ToggleStarship Shooters
Cygni : All Guns Blazing a beau être réalisé par une petite équipe, le soutien de Konami à l’édition, qui n’est d’ailleurs pas à son coup d’essai sur le genre, permet au titre d’honorer une partie de ses ambitions. Vendu comme un shoot’em up cinématographique et doté d’un budget supérieur à la moyenne, le jeu compte en mettre plein la vue. Cela commence via la présence de brèves cinématiques qui font leur effet. Simplistes au possible, elles mettent en avant un contexte narratif qui a le mérite d’exister, mais n’évitent pas l’effet poseur.
Le jeu nous place dans la peau d’Ava, nouvelle recrue des forces de défense planétaire. Au commande du porte-aéronef 41, baptisé Leviathan, nous devons combattre les extraterrestres. Ces derniers menacent la planète, Cygni, récemment colonisée par les humains désireux d’exploiter les ressources technologiques s’y trouvant. Postulat sympathique qui informe des enjeux, nous donne une raison autre que ludique de s’impliquer.
Malheureusement, la narration n’ose pas aller plus loin, l’histoire reste finalement sous-exploitée alors que des thématiques se dessinaient. Il y avait un coup à jouer. Cela étant dit, cette négligence n’est pas dramatique pour le genre. En outre, la dimension cinématographique du jeu, le côté « blockbuster » comme nous avons pu le voir passer sur l’internet, prend tout son sens visuellement.
Reprenant des environnements modélisés en 3D, à l’instar de Zero Gunner, Cygni : All Guns Blazing propose des décors convaincants, pour ne pas dire beaux, mention spéciale au premier niveau du jeu. Les arrière-plans sont lisibles et détaillés, au même titre que les effets pyrotechniques, d’ombres et de lumières aussi, qui envahissent l’écran sans piquer les yeux. Et que dire de la modélisation des ennemis, particulièrement les boss.
Cygni Quest
On ne peut nier que les équipes de KeelWorks, dont les membres sont issus du cinéma et de l’animation 3D, délivrent un jeu qui saura séduire par sa plastique. Néanmoins, le parti pris de la 3D peut aussi déconcerter, de surcroît ici, compte tenu de l’aspect assez lisse qui peut ressortir, en plus du manque de diversité esthétique comme de la dominance des teintes grises et violettes. Une cohésion esthétique en ressort, en plus de coller à l’ambiance, mais génère également un sentiment de redondance, si l’on peut dire.
Un souci qui n’en serait pas un si le level design faisait preuve d’une meilleure créativité. Sur les sept stages traversés, on n’échappe pas à des redites de situations à peine camouflées. Sans gâcher totalement le plaisir, on aurait apprécié plus d’inspiration. Surtout que, par le passé, d’autres licences ont fait mieux. Bémol qui saute d’autant plus au visage que les affrontements de boss sont, au contraire, plutôt réussis.
Lors de ces passages le level design se relâche, nous force à jouer plus méthodique face à ses extraterrestres qui ne sont pas sans rappeler les entités biomécaniques croisées dans Gradius. L’occasion d’aborder la partie essentielle qu’est le gameplay. Ne faisons pas de détours, ça ne parlera pas à tout le monde. En effet, la particularité de Cygni c’est sa mécanique d’énergie. Le vaisseau Leviathan dispose de deux jauges : une bleue et une orange.
La première représente le bouclier de l’engin. Tant qu’il y a du bouclier nous pouvons subir des dégâts. On ne perd pas dès le premier projectile encaissé. Tuer des ennemis va permettre de récolter des items énergétiques nécessaires pour recharger le bouclier. Cependant, la petite subtilité, c’est qu’à tout moment, par simple pression d’une gâchette, on peut transférer des segments d’énergie bleus afin de remplir la jauge orange qui, elle, donne accès aux missiles guidés plus puissants que la mitraillette standard.
Vision aveugle
Le gameplay est simple comme bonjour une fois apprivoisé, puisqu’il faudra surtout jongler entre les jauges, choisir de privilégier la défense ou la puissance de feu. Les habitués de shoot’em up pourront être déstabilisés par la mécanique. Centrale dans Cygni : All Guns Blazing, elle oblige à éliminer rapidement les ennemis afin d’engranger de l’énergie. Il ne faut donc pas hésiter à foncer dans le tas sans se soucier d’être touché, ni économiser ses missiles.
Pour appâter un nouveau public, les développeurs ont délibérément encouragé l’agressivité et le côté bourrin du soft, en opposition à la majorité de ses confrères du genre. Cygni ne mise pas tant sur le placement et les esquives, même si ce n’est pas à négliger, surtout en difficulté supérieure. Le titre opte pour la gestion de ressources et le risk and reward. Le jeu ne récompense pas mieux que quand on mitraille dans tous les sens sans avoir peur de sacrifier du bouclier pour monter en puissance
Le travail sur le sound design ne démérite pas non plus et contribue au plaisir de jeu, sans parler des sensations de vol. La mobilité du vaisseau est aussi fluide que précise et, si la vitesse ne convient pas, des options existent pour la réajuster, de même que plusieurs paramètres influent sur la visibilité du HUD et l’ATH. Des réglages salutaires, tant c’est rapidement le foutoir à l’écran. Certes, dire cela en parlant d’un shoot’em up prête à sourire, cependant Cygni : All Guns Blazing ne brille pas par sa lisibilité.
Si KeelWorks n’avait pas opté pour un jeu aussi bourrin, le préjudice sur l’expérience serait nettement plus dommageable. Mourir dans l’incompréhension la plus totale, vis-à-vis de ce qu’il vient de se passer à l’écran, c’est acceptable, mais avoir l’impression de n’être là qu’à tirer et bouger de manière un peu hasardeuse, guidé pas les items énergie est tout de suite plus discutable. Pourtant, on peut y voir le reflet des ambitions des équipes créatives souhaitant rendre le genre plus accessible, plus accueillant. Donc moins « cassant » mentalement.
Titane
Reste tout de même des défauts gênants. L’ouverture à un public peu connaisseur est là, seulement voilà, certaines décisions demeurent contre-productives. Par exemple, le gap entre les difficultés facile et normal est significatif, notamment du fait qu’en mode normal nous n’avons aucune vie, tandis que trois sont présentes en difficulté inférieure. Sachant que les stages durent en moyenne dix minutes, sans aucun checkpoint, le challenge est là. Ce n’est pas Vasara et consort non plus, mais tout de même.
Ensuite, parce que lors des premières parties le vaisseau est limité en armement. Pour en débloquer, et avoir accès à un super tir laser, des missiles plus efficaces, des tirs standards alternatifs, etc., il faut dépenser de l’énergie. La même que celle des jauges. Oui. Afin de gagner de l’énergie utilisable comme monnaie dans l’onglet amélioration, il faut récolter des items énergétiques en plein combat. Et ce pendant que la jauge de bouclier est pleine.
C’est le surplus du bouclier déjà plein qui deviendra monnaie. Au moins la rejouabilité est justifiée, sans compter la présence d’un classement en ligne pour mesurer ses scores. Il y a même un mode coopération en locale ! L’autre soucis notable, c’est tout bonnement l’ergonomie des menus, en particulier celui réservé aux améliorations du vaisseau. C’est presque un boss à part entière. Il nous a fallut un petit temps avant de le déchiffrer et en comprendre le fonctionnement.
Or, ces améliorations sont importantes pour se faciliter l’expérience, mais aussi pour varier les plaisirs dans l’action. Une erreur que le game designer en chef n’a pas manqué de mentionner en interview, la justifiant par un manque de temps lors du développement. Quelques mots également sur un élément de gameplay passé sous silence jusqu’à présent. Les tirs terrestres. En plus des ennemis volants de bases, des troupes ennemies attaquent depuis le sol et ne peuvent être touchées qu’à l’aide de tirs terrestres ou de missiles guidés.
Iron Sky
Ces passages ont le mérite de casser le rythme et renouveler les situations, sauf qu’à la longue, et en l’absence de l’amélioration liée au tir terrestre, c’est plus fastidieux qu’autre chose. C’est sympa de voir Cygni : All Guns Blazing faire vivre ses environnements avec des ennemis en mouvement, jaillissant de l’arrière-plan et/ou du sol, parfois des troupes alliées sont en plein affrontement. Mais à jouer ce n’est pas si transcendant.
Cela ajoute même au chaos visuel déjà présent. Evidemment, des situations demanderont de concilier tirs aériens et terrestres, sachant qu’hormis les missiles pouvant être lancés simultanément, il est impossible de tirer à la mitrailleuse standard pendant les frappes terrestres. En contrepartie, on peut cibler les ennemis automatiquement pour se concentrer sur l’esquive et récupérer les items énergétiques échappés des carcasses détruites.
L’idée est là, en revanche l’exécution méritait peut-être mieux, selon nous du moins. Encore une fois, pas de quoi être frustré, le plaisir est bien là. Avant de conclure, signalons que le compositeur Vatche Kalenderian, fort d’une timide expérience au cinéma, s’occupe de la musique de Cygni : All Guns Blazing. Par soucis de cohésion artistique, les musiques lorgnent du côté des nappes d’ambiances friand de nombreux films hollywoodien.
Des mélodies renvoient assez clairement au travaux de John Williams, et à la dimension souvent épique qu’il insuffle dans ces créations musicales. Quelques regrets subsistent néanmoins devant l’absence de musiques plus dynamiques et agressives pour correspondre avec la frénésie pyrotechnique à l’écran. Ou pour dynamiter l’ambiance lors des affrontements de boss. Rien de tout ça, c’est la sobriété qui domine ici, et qui renforce finalement l’ambiance de Cygni.
Cet article peut contenir des liens affiliés