Depuis la sortie d’Until Dawn acclamé par bon nombre de joueurs et joueuses exclusivement sur PlayStation 4 en 2015, le studio britannique Supermassive Games a publié près d’une dizaine de jeux, tous ayant un rapport plus ou moins direct avec l’horreur. Cette année déjà, le studio nous a proposé The Quarry, une nouvelle expérience de grande envergure, bénéficiant de bonnes qualités scénaristiques mais demeurant faible sur certains points, notamment techniques.
En parallèle du développement de The Quarry, une autre équipe de Supermassive Games développait et sortait une série de jeux, plus petits par la taille et la durée de développement et tous réunis sous la même bannière de l’anthologie The Dark Pictures Anthology. Depuis 2019, cette saga proposant donc plusieurs opus indépendants les uns des autres s’est vue offrir pas moins de 3 jeux : Man of Medan, Little Hope et House of Ashes, tous ayant leurs qualités mais surtout des défauts.
Ce 18 novembre est sorti sur PC, PlayStation 4, PlayStation 5, Xbox One et Xbox Series X|S le 4ème opus de cette anthologie venant clore la première saison de celle-ci, The Devil in Me que nous avions pu approcher il y a quelques semaines. Avec des ajouts de gameplay à la pelle, une expérience rallongée ainsi qu’un point d’honneur mis sur le scénario, Supermassive Games et Bandai Namco nous délivrent-ils ici l’apogée de leur formule avant une pause indéterminée ?
Conditions de test : Nous avons joué à The Devil in Me sur PlayStation 5 durant une dizaine d’heures de jeu, le temps nécessaire pour terminer une partie entière et rejouer différents chapitres pour sauver d’autres personnages et obtenir 2 autres fins supplémentaires. Pour votre confort de lecture, vous pouvez y aller les yeux fermés (attention au trou mortel), ce test complet est garanti sans spoiler narratif majeur.
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Si vous avez joué aux précédents titres de The Dark Pictures Anthology, vous avez pu remarquer que les développeurs appréciaient mélanger des faits présents et réels à des faits plus anciens voire même surnaturels ou mythologiques. Avec The Devil in Me, leur souhait s’est dirigé vers la mise en abyme de faits réels, plutôt contemporains et transposés de nos jours.
Nous voici en 2022 en compagnie de 5 professionnels de la télévision appartenant à la société de production Lonnit Entertainment. En manque de popularité, l’équipe risque de voir annuler leur programme « Architectes du meurtre » relatant des histoires vraies de tueurs en série avec reconstitutions et données historiques à la clé.
Pour sauver son affaire, Charlie Lonnit, le producteur de l’émission décide d’accepter une demande spéciale d’un mystérieux homme, Granthem Du’Met : venir à sa rencontre sur une île dans la banlieue de Chicago, au sein d’une bâtisse entièrement rénovée pour ressembler comme deux gouttes d’eau au château des meurtres du tueur en série le plus connu des Etats-Unis, et sûrement l’un des plus prolifiques avec près de 200 victimes estimées, Henry Howard Holmes (ou H. H. Holmes).
Cet hôtel constitue à lui seul un personnage à part entière dans The Devil in Me. Le jeu s’ouvre d’ailleurs sur une séquence dans l’hôtel original du dix-neuvième siècle avec un jeune couple tout fraichement marié qui consumera sa lune de miel entre les mains de notre homme. La réplique de l’hôtel construite sur l’île regorgera de coins secrets et autres passages dérobés, sous-sol poisseux et spa désaffecté, rendant l’ensemble très agréable et suffisamment varié pour ne jamais nous ennuyer. Les panoramas et autres scènes à l’éclairage chiadé renforceront cette sensation d’oppression vécue dès les premiers instants et qui ne vous quittera pas jusqu’à la fin.
Vous vous en doutez, la réalisation du documentaire va forcément tourner au drame lorsque notre fine équipe va se retrouver au milieu d’une machinerie diabolique pouvant mener à leur perte, quand un dangereux psychopathe prendra les commandes d’une nuit en Enfer. Durant les 7h environ que dure cette aventure, vous serez amenés à sauver ou perdre tout ou partie de cette équipe à coups de choix cornéliens ou de QTE loupés. Un peu lent à se lancer (une heure environ avant l’entrée dans la bâtisse piégée), le jeu accélère ensuite et propose un rythme soutenu et plutôt agréable à suivre.
Si les scénarios des précédents jeux de l’anthologie pouvaient contenir quelques lacunes, raccourcis scénaristiques ou autres rebondissements pas tous satisfaisants, l’histoire qui nous est racontée ici fait clairement froid dans le dos, dans le travail sur le réalisme et l’historique du tueur en série semble criant de vérité, faisant de The Devil in Me, probablement l’opus au scénario le plus solide et le plus maitrisé par les développeurs.
Sans vous dévoiler aucun spoiler majeur, vous passerez par différentes zones du bâtiment et alentours, en constant mouvement grâce aux mécanismes implémentés dans les murs, au point que l’on se retrouvera nous-mêmes perdus parfois alors que nous connaissions les lieux auparavant. Un sentiment d’oppression à chaque instant puisque notre psychopathe peut surgir à tout moment, nous forçant à réagir rapidement.
Malheureusement, à se concentrer sur son personnage antagoniste phare et son histoire terrible, The Devil in Me ne parvient pas forcément à nous faire ressentir de l’empathie pour nos stars du petit écran qui, pour certains, manqueront de charisme, à l’instar de la stagiaire Erin, que nous avons par ailleurs fait mourir à chacune de nos tentatives (ne cherchez aucun acharnement ici hein).
Le manque d’attache à ces personnages se ressent d’autant plus que les traits de caractères s’actualisant au fil des dialogues et des choix effectués dans ceux-ci ne semblent pas agir concrètement sur leurs réactions et leurs relations avec les autres, rendant l’ensemble plus linéaire qu’il n’y parait.
D’autant plus que la prestation des acteurs est un peu en deçà des précédents jeux, sentiment renforcé par les voix françaises qui clairement ne sont pas au niveau des voix originales. À noter par ailleurs que la modélisation des visages est à nouveau magistralement effectuée en gros plan notamment, mais que les regards paraissent toujours aussi vides avec quelques animations faciales encore trop rigides par moments.
À contrario, The Devil in Me parvient donc à nous intéresser davantage au traitement accordé à l’antagoniste principal, ses motivations, son histoire et ses origines ainsi que les raisons de ses agissements. Vous l’avez vu dans les bandes annonces, votre tortionnaire fabrique et utilise des animatroniques, sortes de marionnettes sophistiquées et robotisées, mais cette dimension prend une part très importante dans le lore du jeu avec une très grande efficacité et une lecture profondes des événements, ensemble que nous vous tairons ici.
Dans le même thème, si nous nous penchons quelques instants sur les différentes fins du jeu, sachez qu’elles peuvent être très différentes selon vos choix (comme dans tous les jeux de la collection), allant de la survie de toute l’équipe à aucun survivant, et allant même jusqu’à montrer davantage de choses ou en cacher d’autres selon le dénouement obtenu. Nous avons pu en découvrir 3 différents dans nos parties mais il semblerait qu’une petite dizaine soient disponibles, un final magistral et assez poignant que nous avons beaucoup apprécié.
Comment était votre séjour ?
On le sait, dans les jeux Supermassive Games, tout est extrêmement connoté, allant des réactions stéréotypées des personnages (avec par ailleurs le premier personnage ouvertement LGBTQIA+ de la saga), aux screamers pour la plupart prévisibles, au sein d’aventures très narratives et au gameplay plutôt au second plan. Eh bien figurez-vous que dans ce The Devil in Me, nous ne sommes plus certains de la définition d’un tel jeu.
En effet, dans cet opus, censé clôturer on vous le rappelle la première saison de l’anthologie, le gameplay a été grandement étoffé d’une large palette de nouveaux mouvements possibles pour nos personnages, avec plus ou moins de réussite. Commençons d’abord par l’ajout de la course, élément tant demandé par les fans et enfin apporté ici, avec plus ou moins de brio.
Quelle joie (et surtout quelle cohérence) de pouvoir enfin faire courir nos personnages face à des situations stressantes ! Malheureusement, les animations ne sont pas toujours au rendez-vous avec des bras ballants et des petites foulées manquant de réalisme pour certains membres de l’équipe. À noter ensuite que tous nos personnages peuvent désormais ramper sous des structures, mais aussi se cacher à la volée, sauter par-dessus un obstacle ou encore pousser ou tirer des objets.
Bien entendu, ces mouvements seront très scriptés et limités à des endroits bien précis mais nous apprécions leur dynamisme et leurs modélisations pour la peine plus convaincantes. Enfin, sachez que tous nos personnages disposent désormais d’une « compétence spéciale », utile en temps voulu afin de faire avancer l’intrigue.
Charlie par exemple, disposera d’une carte de visite lui permettant d’ouvrir des tiroirs jusqu’alors fermés à clé, tandis qu’Erin Keenan aura un micro-casque lui permettant d’entendre des bruits lointains et d’en déduire la provenance et possèdera par ailleurs un inhalateur bronchodilatateur pour traverser des zones poussiéreuses ou se calmer lors de situations de stress intense avec des doses limitées. N’étant pas parvenus à la sauver, nous n’avons pas pu voir jusqu’où irait son gameplay spécifique surtout en fin d’aventure.
Kate quant à elle, est la présentatrice de l’émission, un peu sûre d’elle mais sensible aux remarques de son chef Charlie. Elle possède quant à elle un crayon de papier lui permettant de griffonner sur des pages déchirées et ainsi obtenir des informations supplémentaires comme des codes de portes par exemple. Jamie Teirgan, l’ingénieure lumière du tournage disposera d’un multimètre lui permettant de résoudre des casses-têtes et rallumer le courant quand ce sera nécessaire.
Mark Nestor, enfin, est le caméraman de l’émission et pourra utiliser son objectif pour mettre en relief certains éléments du décor ou éclairer de façon momentanée son entourage proche. Nous n’avons malheureusement pas vraiment perçu la plus-value de ce dernier contrairement aux autres personnages disposant tous d’un rôle clé à un moment de l’aventure grâce à leur « don ».
Un ensemble d’ajouts bienvenus et qui viennent compléter une formule qui demeure désormais aboutie, loin d’être parfaite cependant, avec une multitude d’actions possibles pour les héros de cette histoire macabre. Pour compléter ce gameplay, reviennent les éternels présents que sont les choix narratifs et les QTE, qu’ils soient lors de dialogues ou de phases d’action où une décision rapide devra être prise, pouvant mener à une issue fatale, matérialisés à l’écran par une envolée de chauve-souris, preuve qu’un choix primordial vient d’être fait.
À noter que pour vous aider lors de votre aventure, vous disposerez de tableaux d’anatomie disséminés sur les murs à des endroits stratégiques et pouvant vous montrer votre avenir si vous parvenez à les déchiffrer, comme des prémonitions. Au nombre de 13, ils montrent pour la plupart une mort certaine d’un des personnages, comme les totems dans Until Dawn par exemple. À noter également que de nombreux secrets sont à retrouver un peu partout, en lisant des documents, fouillant des armoires etc., pour un total d’une cinquantaine à trouver afin de renforcer le lore et de connaître tous les secrets entourant cette demeure ou son propriétaire.
Pour compléter ce lore déjà très riche et fourni si l’on prend le temps de tout fouiller (avec même des mises en scène d’interrogatoires judiciaires), vous aurez la possibilité d’acheter des dioramas de scènes majeures présentes dans The Devil in Me grâce à l’obtention de pièces à dépenser via le menu. Ces oboles rajoutent d’ailleurs à la représentation de la mort dans la saga, faisant penser aux pièces données en échange au mythologique passeur des âmes.
Toute suggestion sera la bienvenue
Au rayon des retours, sachez que notre bon vieux Conservateur sera présent comme dans tous les opus de The Dark Pictures Anthology. Avec un rôle beaucoup moins marqué dans House of Ashes et un ton significativement plus sombre et austère lors de ce précédent opus, son retour ici ne brille pas forcément par son intérêt.
En effet, nous n’avons pas ressenti un quelconque ajout de sa part lors de nos retrouvailles en fin de chapitre ou suite à la mort de l’un des personnages (hormis lors de la toute fin du jeu avec une mise en scène appréciée et mystérieuse), au point que nous avons même trouvé que cela desservait le propos du jeu, pensant qu’il était peut-être temps pour l’homme mystérieux de tirer sa révérence pour la suite de l’anthologie.
Il est vrai qu’avoir un personnage omniscient et mystérieux a toujours été dans l’ADN même des jeux Supermassive Games, mais peut-être pourrions-nous espérer un personnage différent à chaque opus, en lien avec l’histoire racontée et beaucoup plus flippant que ne pouvait l’être le Conservateur dans cet opus.
Par contre, parmi les déconvenues présentes dans The Devil in Me, nous avons été assez interpellés pas le manque de finition de celle-ci, encore plus que lors de notre démo du mois dernier tournant sur PC. En effet, durant nos heures de jeu, nous avons dû danser avec de multiples bugs de collision entre les personnages ou autres problèmes techniques : piste audio en français qui subitement passait en anglais pour quelques phrases aléatoires, des chargements intempestifs même parfois pendant des phases d’action coupant ainsi assez froidement l’immersion tant voulue par les développeurs, malgré le SSD de la PlayStation 5 censé effacer ces temps de chargement, présents comme si le jeu avançait trop vite pour la console.
À noter toutefois de multiples options d’accessibilité, allant jusqu’à rallonger les délais d’action pour les QTE par exemple, tandis que malheureusement la DualSense n’est pas exploitée pleinement ici, se contentant de quelques vibrations contextuelles quand quelque chose se passe à l’écran.
Enfin, sachez que comme précédemment, le mode multijoueur fait son retour ici, avec la possibilité de jouer jusqu’à 5 joueurs, contrôlant chacun un personnage à tour de rôle lors de leurs séquences dédiées, tandis qu’une « extension » baptisée Curator’s Cut disponible une fois l’aventure terminée, viendra ponctuer votre épopée de diverses séquences et choix rajoutés pour amplifier encore davantage l’expérience.
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