Bien que choyée par une majorité de joueurs ayant pu jouer à l’un de ses deux jeux, la licence Darksiders a connu une longue période de stase depuis le deuxième opus. Il faut dire que la chute de THQ (et la fermeture de Vigil Games) en est la première raison, mais six ans après, THQ Nordic et Gunfire Games permettent à la série de renaître enfin. Sachant que les deux premiers opus nous avait placés respectivement dans la peau de Guerre et de Mort, c’est ici un autre Cavalier de l’Apocalypse qui a le beau rôle, ou plutôt une, puisqu’il s’agit de l’impétueuse Fury. Avec tous les remous qu’a connu la saga, ce Darksiders III est attendu avec autant d’espoirs que de suspicions, tant la communication autour du titre semble étrange et particulièrement peu bruyante, alors qu’il s’agit-là d’une étape phare pour THQ Nordic. Reste maintenant à voir manette en mains si Fury est l’égale de ses deux frangins, ou si l’Apocalypse s’est bel et bien abattue sur la série.
Alerte bug : En l’état, le jeu est victime de très (trop) nombreux soucis techniques. Nous vous conseillons donc d’attendre un éventuel patch qui viendrait en corriger la majorité. Nous reviendrons sur une partie de ces soucis à la fin de ce test.
Sommaire
ToggleC’était pas ma Guerre
Si vous attendiez la suite des événements survenus dans le premier Darksiders, il vous faudra (encore) passer votre chemin. L’histoire de Fury débute en même temps que celle de Guerre après que celui-ci est été puni par le Conseil pour avoir supposément déclenché l’Apocalypse. Dans le joyeux bordel qui règne sur la Terre, les Sept Péchés Capitaux ont également été libérés, et c’est à Fury d’en faire la moisson, tout cela sous les ordres du Conseil. Une mission de haute volée pour notre héroïne, puisque les sept énergumènes avaient causé par le passé du tort à l’ensemble des Cavaliers réunis. Cette fois-ci, elle devra les affronter seule, si ce n’est en compagnie d’une Guetteuse qui la guidera tout en veillant bien à ce qu’elle remplisse son rôle. La Cavalière accepte cette tâche dans l’espoir de montrer qu’elle est la plus puissante de la fratrie – tout comme la plus arrogante manifestement-, mais ce voyage risque bien de lui faire voir les choses sous une nouvelle perspective.
Il ne faut pas vraiment attendre de Darksiders III qu’il mette en lumière certains éléments opaques de la mythologie de la licence, si ce n’est raccrocher quelques wagons avec le premier. Au contraire même, puisque l’introduction de nouveaux protagonistes vient encore ajouter de la matière au lore, et au bout du troisième épisode, on aurait aimé que la licence développe ce qu’elle avait déjà mis en place, plutôt que de continuer à alimenter le flou qui règne autour du sort des Quatre Cavaliers. Les joueurs ayant joué au premier opus et l’ayant terminé ne seront d’ailleurs pas dupes devant certains personnages, qui nous offrent des twists qui n’en sont pas vraiment, hormis les deux derniers qui semblent aussi étranges que surprenants. Mais ce troisième opus est davantage l’histoire de Fury que l’histoire des Quatre Cavaliers, puisque la quête que mène la Cavalière est avant tout initiatique, afin de découvrir quel est son rôle dans tout cela. Sur ce point précis, on peut dire que cela fonctionne bien tant le personnage est réussi, et tant son évolution se voit au fil de la douzaine d’heures nécessaires pour terminer le titre (voire quinze) et de ses rencontres avec les Sept Péchés Capitaux.
Fury a droit à un vrai développement dans une aventure qui se recentre plus sur elle que sur le destin des Quatre Cavaliers.
Dans ce sens, Darksiders III est presque intimiste en comparaison aux deux premiers, qui prônaient le grand spectacle à coups d’arrachages d’ailes et de fracassage de têtes démoniaques. Nous vous y trompez pas, Fury n’est certainement pas moins violente que ses frères, mais la mise en scène s’attarde moins sur la violence exacerbée de sa protagoniste qu’à ses questionnement intérieurs. Cela étant dit, on perd par conséquent une partie du charme de la licence. Le souffle épique de la quête de Fury ne semble jamais vraiment décoller et les différentes cinématiques n’aident pas cela, toutes comme les musiques qui se montrent trop discrètes, malgré leur grande qualité (on reste loin du thème du combat contre le Gardien dans Darksiders II, pour ne citer qu’un exemple)
Il faut bien avouer que le spectacle offert par les boss est très nettement moins convaincant que par le passé, puisque ces derniers ne nous offrent pas de vrais instants mémorables. Avec des ennemis tels que les Sept Péchés Capitaux, on était en droit d’attendre mieux que des simples affrontements en ligne droite, sans de vraies particularités à noter (comme des phases de combat différentes) ou d’idées de mises en scène pour venir égayer tout cela. Seuls un ou deux boss viennent casser cette platitude en nous offrant un peu de démesure, mais sans jamais atteindre le haut du panier.
Mort subite
Tout était cependant réunit pour que ces affrontements soient plus passionnants, puisque le système de combat a eu droit à une ramification notable en comparaison avec les deux premiers épisodes. Les finish moves et leurs QTE ont disparus (ce qui n’est pas plus mal pour le dernier élément) et l’aspect beat’em all semble bien moins prononcé qu’auparavant, pour laisser place à des combats plus viscéraux mais aussi plus difficiles. Bien qu’elle soit l’une des féroces Cavaliers de l’Apocalypse, Fury a bien du mal à gérer la situation lorsque ses adversaires attaquent en duo ou en trio, voire plus. Sachant qu’aucune touche ne permet de parer les coups, la maîtrise de l’esquive devient vitale, et elle n’est pas facile à dompter. La volonté de faire passer le titre dans un sorte de die and retry est clairement présente.
Pour éviter de trépasser trop souvent, il est recommandé de ne pas foncer tête baissée et d’étudier les patterns des différents ennemis, qui peuvent vous taillader en pièces plus vite que vous ne le pensez. Oubliez donc les longs combos pour privilégier l’attaque bien placée au bon moment. Trouver le bon timing n’est pas forcément évident au début, mais en cas de réussite, lors d’une esquive parfaite, Fury peut contre-attaquer férocement pour infliger de lourds dégâts à l’ennemi. Autant vous dire que vous aurez besoin de bien comprendre cette mécanique si vous souhaitez progresser efficacement. Du moins, si vous ne mourrez pas bêtement à cause d’une caméra mal placée, qui a tendance à vite se cogner contre les parois des étroits tunnels que vous rencontrerez. La Forme Chaos fait aussi son retour pour vous aider dans les combats les plus corsés, et permet à Fury de prendre sa véritable forme imposante pour faire le ménage autour d’elle.
La difficulté des combats a été rehaussée, et ces derniers demandent bien plus de patience qu’auparavant.
Grâce à cette exigence quelque peu nouvelle dans la série, les combats lambdas apportent toujours une petite tension bienvenue. Le titre reste abordable en mode Normal, mais chaque affrontement peut vite causer la perte de Fury. Il va sans dire que cette difficulté accrue ajoute du sel à l’aventure, et c’est tant mieux. Pour éviter d’échouer trop souvent, un objet nommé Repos du Nephilim fera office de Fiole d’Estus pour Fury. En terrassant des monstres, vous pourrez remplir cet objet plusieurs fois, qui fera ensuite office de soin. Cela vous évitera de dépenser toutes vos âmes chèrement collectées en cristaux de soin chez le démon Vulgrim, qui répond une nouvelle fois présent. Car ces âmes ne sont pas acquises définitivement, puisqu’en mourant, vous les perdrez toutes. Heureusement, à l’image d’un certain jeu de From Software, vous pourrez les récupérer à l’endroit où vous avez failli. C’est aussi auprès du démon marchand que vous pourrez progresser en niveau, en augmentant votre force, votre magie et votre santé. On se contente donc du minimum syndical sur cet aspect-là.
Vulgrim n’est d’ailleurs pas le seul personnage à réapparaître et à aider Fury dans sa mission, puisque Ulthane est aussi de la partie. En échange de quelques matériaux, le forgeron pourra améliorer les armes ainsi qu’upgrader les sceaux que vous pouvez apposer sur chacune d’entre elles. Tout cela s’effectue grâce à un système de craft, qui est certes anecdotique mais qui a le mérite d’être présent. En bon défenseur de l’humanité, il vous demandera également d’aider tous les humains qui croiseront votre route, en les amenant au refuge qu’il protège. Mais pas gratuitement bien entendu, car Fury n’en n’a que faire de nous autres cloportes.
Fire and Fury
Même si des ajustements ont été effectués ici et là sur le système de combat, on parvient sans peine à retrouver la patte Darksiders. Cette empreinte se voit également dans la façon dont a été construit le monde de ce troisième épisode, dont la structure se veut être nettement plus proche de celle de l’aventure de Guerre. Le monde semi-ouvert du deuxième opus laisse sa place à des espaces plus étriqués, fourmillant de chemins annexes qui se regroupent tous. Quelque part, ce Darksiders III embrasse encore plus la formule du metroidvania que les deux autres épisodes, avec de nombreux raccourcis à débloquer et des zones qui ne demandent qu’à être explorées plusieurs fois afin d’en découvrir tous les secrets.
Cela implique forcément une liberté moins accrue et une aventure plus dirigiste durant les premières heures, mais aussi que vous pouvez faire une croix sur l’idée de galoper avec Carnage, le fidèle destrier de Fury. Ceci est d’ailleurs justifié par le scénario, mais on ne pourra s’empêcher de regretter l’absence de grandes zones à explorer, qui font ici place à des couloirs parfois trop linéaires. Oui, il y a bien d’autres chemins à explorer, mais ceux-ci se révèlent être brefs ou pas forcément assez étonnants pour y trouver un véritable intérêt (si ce n’est trouver des matériaux ici et là). Le level-design aurait mérité généralement d’un peu plus de folie et reste en l’état bien trop sage, manquant même parfois d’ambition.
Darksiders III revient avec une structure similaire à celle du premier Darksiders, mais avec un level-design moins inspiré.
On ne prend cependant pas de déplaisir à explorer tout ce qui nous entoure, même si cela reste limité. Comme dans tous les metroidvania, il faut attendre la quasi fin de l’aventure pour que le potentiel du jeu se débloque, avec l’accès à tous les pouvoirs que Fury récolte en cours de route. Ces pouvoirs sont matérialisés en tant que « Formes », disponibles au nombre de quatre. Hormis le fait d’offrir une nouvelle teinture aux cheveux de Fury, ces Formes offrent une arme secondaire à la Cavalière, comme une lance électrique ou un marteau bien puissant pour clouer quelques têtes, de nouveaux sorts (comme revêtir une armure de glace ou enflammer les ennemis aux alentours) mais aussi de nouvelles aptitudes liées à l’exploration.
Avec la Forme de la Force par exemple, Fury peut marcher sous l’eau ou se transformer en une boule géante afin de « coulisser » sur des parois adaptées. Les autres Formes donnent aussi l’accès à un triple saut, à la possibilité de glacer des objets ou encore de l’éviter. Ces Formes peuvent également être associées avec l’arme à distance de Fury, ce qui donne accès à d’autres possibilités lors des différents puzzles. Une fois que tout cela est combiné et que l’on peut jongler entre ces pouvoirs, Darksiders III est assurément à son meilleur, ce qui se ressent surtout dans le dernier donjon avec tout un tas d’énigmes bien pensées et de mécanismes à activer. Car avant cela, ces phases ne brillent pas par leur inventivité. Leur grande simplicité nuit à leur efficacité, mais c’est surtout l’aspect répétitif de la chose qui vient gâcher la fête, surtout durant toute la première moitié du jeu.
L’épisode de la Discorde
L’autre aspect qui pourra en refroidir certains, et ce dès le début de la partie, concerne l’aspect technique du titre. Le plus gros souci concerne le framerate vacillant, qui vient grandement gêner le plaisir de jeu. Sur une PlayStation 4 de base, le titre accuse de sévères chutes lors des zones un peu plus ouvertes, et si des ennemis sont présents en masse dans les environs, l’action devient complètement illisible.
On sent que ce Darksiders III aurait gagné à profiter de quelques semaines de peaufinage supplémentaires, ne serait-ce que pour régler le problème des textures qui mettent parfois beaucoup de temps à s’afficher. Le pauvre Ulthane est d’ailleurs le cas le plus illustratif de ceci, alors que ce dernier ne jouit déjà pas d’un modèle 3D convaincant (le pauvre semble être tout droit sorti du premier Darksiders, en 2010, avec un petit polissage supplémentaire). Seule Fury s’en sort avec les honneurs, notamment grâce aux effets bien réalisés des différentes Formes. Un mot enfin sur les sous-titres, dont la taille fera plisser des yeux un bon nombre de joueurs. La VF est heureusement présente, mais on aurait aimé que le titre propose des réglages d’accessibilité dans ce domaine.
Le titre souffre pour l’instant d’une technique faiblarde, avec des chutes de framerate vraiment gênantes et des temps de chargements fréquents qui coupent le rythme.
L’autre gros pépin technique concerne les temps de chargement, qui viennent couper le jeu à de nombreux moments, parfois en pleine action. Alors que toutes les zones sont interconnectées, et qu’en apparence, toute la map semble constituer un seul monde, ces temps de chargement sauvages ont tendance à nous faire penser le contraire tant ils nous coupent dans notre élan. On espère que tout cela sera réglé dans les prochains jours qui suivront la sortie, même si le travail de correction semble être colossal.
Il serait cependant malvenu de dire que la réalisation entière de ce Darksiders III est à jeter, puisque le jeu offre parfois quelques plans bien travaillés, renforcés par une gestion de la lumière très convaincante. La direction artistique aide aussi à cela, même si on ne pourra s’empêcher de lui trouver un certain manque d’audace. Le confinement de l’espace et le confinement des zones y est sûrement pour quelque chose, et le manque de grands panoramas comme avait su offrir Darksiders II se fait ressentir. Ceci étant dit, les artistes ont su conserver l’esthétique de la série, avec des trouvailles sympathiques qui viennent rehausser le tout (on pense notamment à certains fonds marins plutôt jolis). Il est juste dommage que tout n’ait pas bénéficié du même soin.
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