L’histoire de Daymare: 1998 est un peu particulière. À l’origine, il y a un projet réalisé par une poignée de fans italiens, désirant offrir à Resident Evil 2 une caméra à l’épaule façon Resident Evil 4. Une idée audacieuse que cette petite équipe de passionnés va malheureusement devoir mettre de côté sur ordre de Capcom, puisque le géant japonais officie alors déjà sur son propre remake de cet épisode culte. Qu’à cela ne tienne, dans sa grande bonté, l’entreprise offre l’opportunité à ce qui deviendra Invader Studio de se rendre dans ses locaux, afin de jeter un œil au développement de ce titre fort attendu. À son retour, la petite équipe commencera immédiatement à plancher sur un projet qui transpirera le Resident Evil par tous les pores.
Un projet reçu assez chaleureusement par ceux qui ont suivi sa genèse, mais beaucoup plus froidement par tous les autres. Il faut dire qu’il accuse un nombre assez conséquent de limitations, à commencer par un aspect visuel dépassé, et un gameplay manquant cruellement de feedback. Les combats sont une corvée, les déplacements ne sont pas particulièrement agréables, et cela dessert grandement une ambiance qui, sans rien révolutionner, peut se targuer de fonctionner. Cela n’empêchera pas Invader Studio de mettre en chantier un second volet, pensé comme un préquel aux événements du premier. C’est le 31 août dernier que sortait Daymare : 1994 Sandcastle, un titre qui fleure bon, là encore, le Survival Horror des années 90.
Conditions de test : Nous avons passé un peu moins de sept heures sur le titre dans sa version Xbox Series X. Ce fut suffisant pour voir le bout de son aventure, sans nous presser. Ce test est garanti sans spoiler, aussi bien concernant le premier volet que ce second.
Biohazard
Loin d’être mauvais, Daymare: 1998 ne pouvait cependant pas rivaliser avec un Resident Evil 2 Remake officiel, qui l’éclipsera totalement. Les deux jeux n’ont certes pas le même budget, ne sortent pas de deux studios similaires, mais découlent néanmoins d’une volonté initiale commune. Et en cela, la comparaison ne pouvait que faire beaucoup de mal au jeu de Invader Studio qui, malgré de chouettes ambitions et une bonne volonté qui crève les yeux, ne pouvait malheureusement pas aller au bout de ses idées. Des idées qui seront reprises, pour la plupart, dans sa suite, tout aussi audacieuse, si ce n’est plus.
Pour commencer, là où le précédent volet n’était jamais vraiment beau, malgré quelques séquences plus travaillées que d’autres, Daymare: 1994 Sandcastle peut se targuer d’une réalisation plutôt convaincante. Le résultat, c’est une quantité certaine de couloirs humides et froids, qui participent grandement à une ambiance fonctionnant encore mieux que dans le premier jeu. La direction artistique est plus maîtrisée, plus sombre que jamais, et certains passages sont vraiment jolis, même si le soft n’est jamais impressionnant sur le plan technique. Au point de souffrir de plusieurs chutes de framerate au cours de son aventure, d’ailleurs.
Ceux qui ont connu l’opus original ne pourront qu’être ravis de constater que les modèles de personnages sont mieux aboutis, plus reconnaissables, même si leur nombre rachitique est un peu risible. Que la caméra est plus digeste aussi, et que les références visuelles à la série de Capcom sont toujours aussi évidentes. Des références qui vont, ce coup-ci, jusqu’à la direction artistique d’ailleurs, puisqu’on sent que Invader Studio a bien digéré le visuel d’un Resident Evil 2 Remake avant de s’atteler au développement de Daymare: 1994 Sandcastle. Et c’est loin d’être un reproche, car pour un projet indépendant, il est plutôt solide à ce niveau.
Là où il commence à l’être un peu moins, c’est dans sa narration. Mieux pensée que dans le premier volet, là encore, l’histoire de Daymare: 1994 Sandcastle n’est cependant pas son point fort. On se retrouve avec un pitch qui fleure le nanar d’action des années 80/90, au même titre que n’importe quel Resident Evil finalement. Mais le tout est narré avec une économie de moyens qui ne lui rend pas hommage, empêchant d’une part de s’attacher au personnage principal, mais surtout de suivre sérieusement les avancées du scénario. Là encore, malgré une bonne volonté qui se ressent dès les premiers instants, on peut dire que ce n’est guère engageant.
Et si les contrôles ont un peu évolué pour devenir plus digestes, on sent encore quelques limitations. La caméra est peut-être encore un poil trop proche de notre personnage, par exemple, ce qui ne joue pas en sa faveur lors des affrontements. Parce que les ennemis sont plutôt rapides, contrairement à nous, mais aussi à notre armement. On a constamment l’impression que la protagoniste se traîne, et se faire rattraper par des ennemis dans ces conditions n’est jamais chose agréable. D’autant qu’il manque quelques petites choses au titre, comme une simple touche permettant de se retourner rapidement… comme chez Resident Evil 4 par exemple.
Faire du neuf avec du neuf
Au delà de son aspect visuel et scénaristique, Daymare: 1998 se targuait d’une inspiration old school en mettant en avant des mécaniques désuètes ou complexes. Comme un système de rechargement des armes à part. Idées intéressantes sur le papier, qui fonctionnaient malheureusement plutôt mal en jeu. Parce que dans sa recherche du label « à l’ancienne », le titre de Invader Studio en oubliait souvent de demeurer ludique. Ce que les développeurs avaient visiblement compris, puisqu’ils ont rendu une grosse partie de ces spécificités totalement optionnelles. Mais pas toutes, malheureusement.
Daymare: 1994 Sandcastle, quant à lui, délaisse complètement cette volonté. Le jeu est un shooter horrifique en vue à la troisième personne, point barre. Si ses mécaniques paraissent désuètes, c’est par manque de moyens, il ne faut pas chercher plus loin. Et c’est bien mieux comme cela. D’autant que cela s’accompagne d’une recette encore plus linéaire, qui ne nous laisse que rarement déambuler en dehors des clous (et jamais bien longtemps). L’aventure est ainsi beaucoup plus digeste. Cela étant, cet aspect très cadré a ses limites, et ne plaira clairement pas à tous les types de joueurs et joueuses. Il faut savoir où l’on met les pieds avant de se lancer.
D’autant que cela s’accompagne d’une myriade de petits défauts qui, pris seuls, n’auraient pas été problématiques outre mesure, mais mis en commun, ont un petit goût de cendres. Dans le désordre, on notera un nouveau bestiaire à l’aspect assez décevant, et la simplification flagrante du système de démembrement. Ce même bestiaire est par ailleurs limité à deux types d’ennemis identiques, si ce n’est en terme de couleurs, et un troisième qui fera office de boss, dont la physionomie comme les patterns sont décevants. Même Resident Evil 0 faisait mieux, c’est dire. Quant au level design, il manque d’un petit quelque chose, sans lequel on a un peu l’impression de déambuler dans les mêmes couloirs tout du long.
Là où le précédent volet avait une vraie volonté de faire du Survival Horror à l’ancienne, mais avec une caméra plus moderne, offrant par exemple peu de munitions au joueur et un inventaire limité, Daymare: 1994 Sandcastle semble au contraire s’orienter vers de l’action plus simpliste dans un univers horrifique. Ce qui, entendons nous bien, n’est pas une mauvaise chose, d’autant qu’il parvient à faire fonctionner son ambiance, jusqu’à un certain point, à grand renfort de jumpscares et de sound design plutôt convaincant. Ou même de narration environnementale qui, sans aller jusqu’à la profondeur de ce que propose un Bloodborne, fait tout de même le café.
Ainsi, on nous offre des munitions en quantité suffisante pour venir à bout aisément de la plupart de nos assaillants. Mais surtout une nouvelle mécanique de gel a fait son apparition, permettant de stopper quelques instants les adversaires, puis de les achever en un coup bien placé, consommant une jauge à part. Jauge qu’il sera possible de remplir rapidement via de nombreuses bonbonnes disséminées dans l’espace de jeu, là encore. Cela fonctionne plutôt bien, même si le feedback des combats, ainsi que la caméra bougeant trop à chaque tir, ou la lenteur du fusil à pompe, sont autant de ratés qu’on aimerait voir corrigés dans le prochain épisode, s’il sort un jour. Quant aux énigmes, malheureusement elles se simplifient grandement, pour devenir très basiques, ce qui demeure raccord avec les changements apportés par cette suite.
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