Offrir une suite à une œuvre magistrale est une entreprise périlleuse. Dead Space, malgré ses quelques défauts, est parvenu à mettre tout le monde d’accord fin 2008, et demeure encore une expérience très solide (en témoigne notre récent test). De son ambiance à son gameplay, tout y était maîtrisé, et rien n’y était laissé au hasard. Ce qu’il doit en partie à Glen Schofield, son créateur, qui avait une vision précise de ce qu’il souhaitait produire. Seulement voilà, lorsque Visceral Games entame la production d’une suite, peu de temps après la sortie du premier volet, les choses ne vont pas se passer comme prévu pour le studio.
Le budget alloué à Dead Space 2 est un peu mince, malgré son statut de triple A, trop pour permettre à Schofield et ses équipes de mettre sur pied le projet qu’ils désiraient. Le monsieur quitte EA et Visceral en plein développement, et part fonder avec Michael Condrey le studio Sledgehammer Games, qui travaillera sur plusieurs épisodes de Call of Duty. Mais alors, que va devenir le second volet de la licence horrifique ? Il débarque un peu plus de deux ans après le premier, en janvier 2011, et porte bien sûr les espoirs de nombreux fans.
Conditions de test : Nous avons terminé le jeu en environ 7h30 sur Xbox Series X, via la version disponible sur le Game Pass. Puis nous avons lancé la version PS3 afin de faire un comparatif visuel.
Sommaire
ToggleDead Space Cinematic Universe
Si le budget alloué au développement de Dead Space n’était pas extraordinaire pour l’époque, il demeurait conséquent malgré tout. Et Electronic Arts tenait visiblement à faire fructifier son investissement, car peu de temps après la sortie du premier jeu, un film d’animation et un roman voyaient le jour. Rien de très réussi, malheureusement, mais l’initiative demeure à saluer. On ne dira toutefois pas la même chose concernant Dead Space : Ignition, sorte de Comics interactif à la proposition décevante et au visuel à vomir, censé préparer la sortie du second opus. Restent Dead Space : Aftermath, un long métrage d’animation plutôt mal accueilli, et Dead Space Mobile, un jeu qu’on aurait préféré ne jamais voir sortir.
Bref, le second volet canonique de sa nouvelle franchise n’était pas encore disponible que Electronic Arts l’essorait déjà comme un vieux torchon distendu, ou comme Disney s’évertue à le faire avec Marvel et Star Wars. Et la comparaison n’est pas anodine, puisque comme pour les parents de Mickey et ses amis, le résultat fait mal au cœur. Les films d’animation sont mauvais, et n’apportent quasiment rien au lore. Ignition est une honte et l’adaptation mobile un produit clairement non terminé, en témoigne son absence de musique. Quant au roman, Dead Space : Martyr, les avis sont mitigés, et on ne se prononcera pas, faute d’avoir pu mettre la main dessus.
Finalement, le seul projet abouti et réussi qui sortira entre les deux jeux restera Dead Space : Extraction. Un Rail Shooter destiné à la Nintendo Wii sortant en 2009 (qui connaîtra un portage sur PS3 en 2011). Le gameplay est assez similaire à ce que la console propose déjà dans le genre, notamment Resident Evil : The Umbrella Chronicles, ou encore The House of the Dead 2 & 3. Mais il apporte ses petites subtilités, et jouit d’une ambiance très réussie. Oui, on peut se faire peur sur Wii, ou à minima sursauter dans son canapé, ce qui est déjà pas mal !
Enfin, tout ça pour vous faire comprendre un point crucial : ça ne sentait pas bon pour Dead Space 2. Le titre n’était pas sorti, mais on mangeait du Dead Space à toutes les sauces depuis deux ans et demi. Et, fan ou pas, difficile de ne pas finir par le vomir. Bien qu’il n’ait jamais abordé le sujet frontalement, il est fort possible que ce soit la raison principale du départ de Glen Schofield pour fonder Sledgehammer Games. Et on ne peut pas lui en vouloir : Electronic Arts secouait son bébé dans tous les sens en espérant qu’il fasse tomber quelques pièces, et avait en tête de le travestir pour vendre plus de copies d’un second volet très attendu.
On prend les mêmes
Dead Space 2 réutilise beaucoup d’éléments du premier épisode. Et c’est tout à fait normal, puisque seulement deux ans et demi séparent les deux projets. Ainsi, on retrouve le même gameplay, toujours un peu trop lourd, mais fonctionnel. Le même moteur de jeu, toujours plutôt joli. Le même bestiaire, avec quelques ajouts intelligents. Mais surtout, le même protagoniste, Isaac Clarke. Avec une différence majeure cependant : celui-ci parle ! Et ça ne paraît pas, dit comme ça, mais ce point change beaucoup de choses dans l’appréciation de ce second volet, et dans la construction de sa narration. Bonne ou mauvaise chose ? Nous sommes partagés sur le sujet.
L’aventure débute dans le cabinet de ce qui ressemble à un psychologue un peu trop zélé, et peut-être un peu trop agressif aussi. Isaac y parle des horreurs qu’il a vécues sur l’USG Ishimura, tandis que le fantôme de sa défunte amante le nargue. Pris d’une crise de démence, il est ramené dans sa cellule. Il s’y réveille, secoué par un inconnu qui n’a pas le temps de défaire sa camisole, se faisant tuer par une créature tout droit sortie du premier épisode. S’en suit une séquence assez marquante, quoique totalement scriptée, au cours de laquelle notre protagoniste devra fuir, mains cadenassées, pendant que les lieux se remplissent de Nécromorphes et de cadavres.
On apprend rapidement que Isaac a été repêché après sa fuite de l’USG Ishimura, ce gigantesque brise-surface complètement infesté de créatures mutantes. Le monolithe qu’il détruit dans le premier volet n’est plus, mais la station spatiale sur laquelle il se trouve désormais en a construit un nouveau en se servant notamment de ses souvenirs. Point de départ des événements tragiques qu’il s’y déroulent.
Le premier point qui différencie ce second volet de son prédécesseur, c’est évidemment l’urgence de son propos. Dans Dead Space, on arrive après la bataille. Il ne reste que peu de survivants, et on a l’impression, en relançant l’électricité sur le pont d’amarrage, que l’on réveille la menace qui dort sur le brise-surface. Dans Dead Space 2, on vit au contraire l’invasion au même rythme que les habitants de la Méduse, station spatiale qui abritera toute l’action, ou presque. Ce qui change beaucoup la manière dont le jeu se déroule. Contrairement au premier volet, qui nous contraignait à différents objectifs avant une fuite inévitable, ici on est constamment en train de courir en avant pour échapper à nos poursuivants.
L’ambiance est donc beaucoup moins horrifique, et moins réussie aussi. Le titre est plus orienté action, et préfère le stress à l’angoisse. Ainsi, le sound design est moins abouti, moins recherché, et fatalement l’atmosphère de ce Dead Space 2 est donc moins appréciable. Il a tout de même pour lui quelques éclairs de génie, et une mise en scène très travaillée, qui servent un rythme soutenu et maîtrisé. L’histoire demeure prévisible, et les protagonistes sont moins marquants que dans Dead Space, mais le tout se suit assez bien. Et le fait que Isaac ait désormais une voix joue beaucoup dans l’implication du joueur. Malgré un doublage français en dents de scie.
Sacrifice de masse
Hormis son ambiance, on retrouve pratiquement tout ce qui faisait le sel du premier volet. Dead Space 2 récupère son arsenal fourni et sympathique, qu’il étoffe de quelques entrées grisantes, le tout en n’oubliant pas de conserver son système d’amélioration basique mais efficace. Toujours pas de HUD, et l’inventaire demeure le même, n’offrant toujours pas la joie d’une pause pour s’organiser, façon Resident Evil 5. Et le gameplay n’a pas bougé d’un iota, ce qui est autant une bonne qu’une mauvaise nouvelle.
Une bonne nouvelle car le tout fonctionne terriblement bien. Les sensations manette en main sont jouissives, plus encore que dans le premier jeu grâce à un retour sonore rendu plus palpable pendant les gunfights. La prise en main est simple, et on comprend vite à quoi vont nous servir les différentes armes qu’il faudra acheter en boutique, ainsi que leurs tirs secondaires bien pratiques. Mais une mauvaise nouvelle, dans le même temps, car Isaac conserve une certaine lourdeur dans ses déplacements. Nous ne sommes heureusement pas devant une copie de Resident Evil 4 et son personnage contraint de tourner sur lui-même, mais le résultat est parfois irritant malgré tout.
D’autant que, cohérent avec sa volonté de se tourner une bonne fois pour toutes vers l’action, Dead Space 2 a rendu son bestiaire plus mobile et rapide. Mais surtout, il joue souvent la carte du débordement, notamment pour faire ressentir un certain stress au joueur, et on se perd un peu vite dans ces séquences remplies d’ennemis à cause d’une caméra encore un peu trop proche du protagoniste et de sa lenteur à se retourner, changer d’arme, ou asséner ses coups au corps à corps. Enfin, rien de bien grave, rassurez-vous, puisque cela permet au titre de se doter d’une ambiance bien à lui, mettant l’emphase sur la tension plutôt que sur l’horreur. Notez par ailleurs qu’il bénéficie d’une difficulté plus prononcée que son aîné.
Finalement, le point qui divisera le plus sera sûrement son level design et la progression qui en découle. Dead Space premier du nom nous donnait l’impression de visiter l’USG Ishimura en profondeur, et usait de quelques procédés ingénieux pour empêcher le joueur de constater qu’il avançait toujours dans la même direction. Dead Space 2, quant à lui, ne prend pas cette peine. Le jeu est linéaire, au point de rendre caduque son pointeur d’objectif, et ne nous donne jamais l’impression, même minime, d’explorer comme c’était le cas dans le premier volet. Alors effectivement, ce n’est pas un problème en 2011, mais passer de l’un à l’autre en devient assez compliqué malheureusement.
Un petit point sur le contenu de ce second volet, qui n’a pas à rougir face à celui du premier. Le titre se termine en sept à huit heures en ligne droite, ce qui est un peu moins que son prédécesseur. Néanmoins, Dead Space 2 propose, une fois son aventure bouclée, un New Game + ainsi que plusieurs modes de difficulté relevée, assez intéressants. Et puisqu’il est plus tourné vers l’action, son potentiel de rejouabilité est d’autant plus important. Il s’offrait aussi, à sa sortie, du multijoueur en ligne, relativement anecdotique, mais permettant de prolonger un brin l’expérience. On aurait cependant aimé qu’il embarque un mode coopératif en écran scindé, comme Gears of War notamment.
Cet article peut contenir des liens affiliés