Après un Dead Space érigé au Panthéon du jeu vidéo, et une suite un brin en deçà, mais regorgeant malgré tout de qualités, le troisième volet était évidemment attendu au tournant. Glen Schofield n’est plus là, parti travailler avec son nouveau studio sur la licence Call of Duty, et Electronic Arts semble décidé, une bonne fois pour toutes, à faire chavirer le navire vers une action frénétique et décomplexée. Alors que Visceral Games avait en tête une proposition plutôt horrifique, l’éditeur américain impose finalement ses conditions pour le développement de cet épisode, qui sera le moins bien reçu des trois.
Dead Space 3 sort le 8 février 2013 en Europe, sur PC, PlayStation 3 et Xbox 360, deux ans tout rond après le second volet, et soulève autant d’espoir que d’appréhension. Il reprend une grosse partie de ce que ses prédécesseurs ont construit, mais s’en écarte via certaines mécaniques nouvelles, ou au travers de sa construction inédite. Après deux jeux déjà plutôt différents, il entend une nouvelle fois briser les codes de sa licence, pour un résultat qui se révélera clivant. Faut-il pour autant considérer ce troisième volet comme le mouton noir de la série ? C’est ce que nous allons tâcher de voir.
Conditions de test : Nous avons bouclé le jeu en environ 10h sur Xbox Series X et Xbox One S via la version disponible dans le Game Pass Ultimate. Nous avons ensuite relancé la version PlayStation 3, afin d’effectuer un comparatif visuel. Cet article est garanti sans spoiler majeur.
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TogglePlanète Hurlante
Les deux premiers opus (et dans une certaine mesure le spin-off sur Wii) s’inspiraient de grandes œuvres de la science-fiction et de l’horreur, comme Alien : Le Huitième Passager, Event Horizon ou encore Resident Evil 4. Plaçant finalement l’emphase sur la solitude. Quant à Dead Space 3, il prend un peu de recul sur ses aînés, et développe son lore sous un nouvel angle d’attaque. Ainsi, après une cinématique peu inspirée, l’histoire débute sur une colonie regorgeant de vie, dont Isaac se voit arraché par un groupe mystérieux, désireux de mettre un terme définitif au culte des monolithes, prenant apparemment de plus en plus de place dans l’univers connu.
D’emblée, ce troisième volet se révèle plus riche en informations, notamment en ce qui concerne son protagoniste. Celui-ci vient de passer des années difficiles à essayer d’oublier les horreurs qu’il a vécues sur l’USG Ishimura et la Méduse, convaincu que tout est fini. Mais Ellie, la jeune femme qu’il a rencontrée et sauvée lors de ses précédentes aventures, a continué le combat. De leur union amoureuse, qui n’était à aucun moment teasée dans Dead Space 2, il ne reste à Isaac que des regrets. Et s’il accepte de se joindre aux hommes venant l’arracher à sa solitude, c’est en grande partie parce qu’on lui tend une photo de la jeune femme, qui aurait disparu dans un environnement hostile.
Avant d’avoir pu quitter la planète, il se retrouve pris en chasse par le fameux culte du monolithe. Ainsi, pour la première fois dans la série il va falloir combattre des humains, équipés d’armes à feu. Ce qui amène plusieurs mécaniques nouvelles, à commencer par la possibilité de faire des roulades ou de s’accroupir. Contrairement à Gears of War, à qui il semble emprunter beaucoup, Dead Space 3 ne propose pas de système de couverture à proprement parler. Premier défaut, qui rend les affrontements du début de jeu totalement imbuvables. Heureusement, on ne revoit pas d’humains avant un moment. Notons aussi que la narration environnementale revêt une importance amoindrie, et n’est jamais aussi impactante que par le passé.
On est rapidement frappé par la volonté de Dead Space 3 de verser dans une action plus prononcée, plus spectaculaire aussi. Ainsi, le démembrement tactique est simplifié, et l’on vient plus facilement à bout des menaces sans viser très précisément. Ce qui n’en fait pas pour autant un jeu plus facile, rapport à sa profusion d’ennemis et à leur vivacité rehaussée. Certaines séquences sont même assez complexes, ce qu’il doit parfois à une lisibilité prise en défaut. Ajouter un grand nombre de nécromorphes dans des environnements toujours aussi exiguës était définitivement une idée discutable, et l’action est, de manière générale, plus confuse que dans les précédents volets.
The Thing
S’il y a bien de nombreux défauts à souligner, et nous nous y attellerons plus bas, il ne faut pas être de mauvaise foi pour autant. Dead Space 3 a quelques qualités indéniables, à commencer par sa bande son très inspirée (notamment certaines sonorités rappelant Alien). Sa musique prend plus de place que par le passé, ce qui colle à l’abandon définitif de l’horreur. Parce que malgré la présence de créatures difformes et l’utilisation abusive d’hémoglobine, cet épisode ne fait jamais peur. Bien qu’il tende parfois à faire sursauter. Dead Space faisait peur, lui. Sa suite remplaçait cette peur par la tension. Quant à Dead Space 3, il abandonne la tension au profit d’une action totalement frénétique.
Un choix qui en décevra certains, c’est évident, mais le titre reste relativement cohérent avec ce changement, en adaptant son ambiance et son rythme, tout en s’offrant de nouvelles mécaniques. Dead Space 3 va vite, ne laissant jamais la moindre pause au joueur. Pas même le temps d’une sauvegarde, puisque ces dernières sont désormais automatiques, par opposition avec les points définis qui représentaient par le passé des zones sûres. Ici, nous ne sommes jamais vraiment en sécurité, ou c’est du moins ce que le jeu essaie de nous faire croire. Et encore une fois, avec sa profusion d’ennemis, cette impression est d’autant plus palpable.
Bien qu’il conserve encore le même moteur graphique que le premier opus, sorti en 2008, il demeure plutôt joli, et s’offre d’ailleurs quelques panoramas sublimes. Notamment dans l’espace, plusieurs chapitres se déroulant entre différentes épaves de vaisseaux. Mais, que vous y ayez joué ou non, vous savez probablement que Dead Space 3 c’est aussi une planète gelée, recouverte de glace et de neige. Et il faut reconnaître que, là encore, certains décors font mouche. D’autant que, à l’exception d’un Lost Planet 3 pas très inspiré, il était plutôt rare de voir des environnements enneigés dans les jeux vidéo de l’époque. Une petite plus-value agréable.
Enfin, avant d’attaquer les sujets qui fâchent, il faut reconnaître que Dead Space 3 a le mérite de boucler l’arc narratif de Isaac Clarke. Et s’il le fait d’une manière discutable, là encore, certaines idées ne sont pas mauvaises, et les inspirations sont multiples. Les personnages sont plus développés que par le passé, et on comprend un peu mieux la psyché de Isaac. On se prendrait même à apprécier certains protagonistes, dont le doublage français est très convenable pour l’époque. Reste un sentiment d’urgence bien amené, qui engage le joueur dès les premières minutes de l’aventure, et ne le quittera plus jusqu’à la fin.
Armageddon
Jusqu’ici, nous avons dit beaucoup de bien du jeu. Mais vous avez déjà vu la note, et vous connaissez certainement la réputation de Dead Space 3. Non, cet opus n’est pas au niveau de ses prédécesseurs, ce qu’il doit à une galerie de défauts omniprésents. Pour commencer, des gunfights beaucoup moins percutants. C’est une notion qu’il est difficile d’expliquer sans vous mettre la manette entre les mains, évidemment. Cela étant, il existe un fossé entre Dead Space 2 et sa suite à ce niveau, l’un étant jouissif, l’autre n’offrant pas le même retour en combat. Ce qui est en partie dû à un bestiaire moins réussi, s’approchant parfois de ce que propose un Resident Evil 5, et une physique moins fonctionnelle.
Le rythme du jeu est autant une qualité qu’un défaut, puisque si l’on est effectivement embarqué dans sa profusion d’action, celle-ci devient finalement irritante au bout d’un moment. Notamment parce que toutes les séquences sont prévisibles. Certes, Dead Space 3 parvient parfois à surprendre avec ses ennemis qui arrivent dans notre dos, pour le reste on le voit venir à des kilomètres. Ce qui est encore plus vrai concernant la structure éculée de son aventure. On a souvent l’impression tenace que les développeurs l’ont rallongé artificiellement, via des quêtes bêtes et méchantes sous forme de détours pour récupérer un nombre donné d’items.
Ainsi, malgré son rythme soutenu, le titre freine constamment la progression de son histoire. Alors qu’on est sur le point d’avancer, on nous demande systématiquement d’aller crafter un objet, ce qui nécessitera différents allers et retours fastidieux. Même ses quelques bonnes idées de mise en scène sont gâchées par cet aspect téléphoné, ce qui est dommage, car plusieurs séquences auraient pu fonctionner à merveille si elles avaient été mieux amenées. Par ailleurs, si la phase dans l’espace (représentant environ 2h de jeu) est une franche réussite, le reste de l’aventure est en deçà. Ce qui est tout aussi vrai si l’on aborde la question du level design, jamais vraiment inspiré.
Sa mise en scène est spectaculaire, on ne peut pas lui enlever, et elle connaît quelques fulgurances. Cela étant, là encore ça ne fonctionne qu’à moitié, l’ensemble étant trop prévisible. Vos camarades vous attendent sur une plateforme en piteux état, à peine posez vous le pied dessus qu’elle s’écroule, vous laissant seul dans un lieu hostile. Quelle affreuse coïncidence, dont on retrouve quantité d’émules à travers l’aventure… Idem du côté du scénario en lui-même, qui s’offre quelques belles idées, souvent gâchées par le fait qu’on les ait déjà devinées depuis un moment. On notera aussi cette amourette gênante et inutile, qui n’avait pas sa place dans cette aventure, et le fait que la vraie fin ne soit disponible qu’en DLC…
Lost Planet 3
Mais ce qui gêne peut-être le plus dans Dead Space 3, c’est tout ce qu’il cherche à proposer de neuf. Non content de se tourner vers une recette encore plus dynamique que son prédécesseur, le titre s’offre quelques mécaniques inédites, qui semblent souvent rajoutées de force, et n’apportent rien de bon à l’expérience. C’est le cas de son système de craft, qui permet de concevoir ses propres armes, se révélant immédiatement imbuvable et peu intéressant. Or le jeu semble en avoir conscience, puisqu’il distille différents schémas définis d’armes classiques au cours de son aventure, endiguant alors la créativité du joueur.
Avec le craft, on trouve évidemment une profusion de ressources à collecter, disséminées dans les environnements, et récupérables sur les cadavres. Mais difficile de comprendre ce que ça fait là. C’était déjà compliqué de justifier l’apparition de munitions et autres objets de soin à la mort de nos adversaires, mais cela fonctionnait plutôt bien depuis Resident Evil 4, il faut le reconnaître. Malheureusement, on ne peut pas en dire autant lorsque lesdits adversaires lâchent, cette fois-ci, une quantité donnée de tungstène ou autre métal permettant de se constituer différentes améliorations. Si vous voyez ce qu’est la suspension d’incrédulité, vous comprendrez qu’on nage en sens inverse.
Ce qui est encore plus difficile à accepter quand on sort des deux précédents volets, qui proposaient à la place un système d’amélioration simple mais parfaitement rôdé. Idem au niveau des nombreuses « énigmes », tournant toujours autour des mêmes choses. Si l’on retrouve parfois les consoles à hacker, comme dans Dead Space 2, il va falloir composer avec une quantité ahurissante de phases demandant d’utiliser la télékinésie. Or les situations se ressemblent toutes, renforçant une impression de répétitivité exacerbée, déjà soulevée par des combats décevants, ainsi qu’un boss inintéressant mais malgré tout récurrent. Par ailleurs, Dead Space 3 est plutôt long pour un TPS, ce qui n’est pas à prendre pour une qualité, tant on finit par s’y ennuyer.
Enfin, reste la meilleure chose que propose le jeu, à savoir sa campagne en coopération. Il est vrai que l’idée même de traverser l’expérience avec un ami a quelque chose de grisant, comme ce pouvait être le cas avec Gears of War ou même Army of Two. Malheureusement, là encore quelque chose sent mauvais : cette coop n’est possible qu’en ligne. Pas de soirée canapé avec un ami, ce qui aurait rendu l’aventure beaucoup plus digeste. Ainsi, avec la fermeture des serveurs, disparaîtra la meilleure façon de consommer Dead Space 3…
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