Au cours de ma longue carrière de joueur, j’ai plusieurs fois entendu parler du fameux, et non moins illusoire, renouveau du jeu d’horreur. Ce fut le cas à l’arrivée de Resident Evil sur Gamecube, un remake certes efficace mais trop ancré dans l’ADN des premiers épisodes pour marquer un véritable tournant dans l’industrie. Plus récemment, j’ai pu entendre ces mots prononcés par des amoureux de Outlast. Un Survival en vue subjective qui propose une perpétuelle course en avant, et dont l’aspect horrifique se cantonne à de vulgaires jumpscares et une tension palpable. Mais là où ces termes m’ont semblé le mieux employés, ce fut à la sortie d’un certain Dead Space.
Il faut dire que, sur le papier, le titre de EA Redwood Shores, qui deviendra par la suite Visceral Games, a tout pour être une petite révolution dans le genre du Survival Horror. Postulat ancré dans une Science-Fiction très inspirée par ce qui se fait de mieux dans le genre, gameplay à la Resident Evil 4 très en vogue à l’époque, mise en scène travaillée et visuels bluffants…. L’ambitieux projet porté par Glen Schofield et ses équipes s’annonce impressionnant, à défaut de parfaitement novateur. Quatorze ans après sa sortie sur PlayStation 3, Xbox 360 et PC, et avant l’arrivée du très attendu The Callisto Protocol, sa suite spirituelle, revenons le temps d’un test sur ce grand nom de l’horreur.
Conditions du test : Nous avons (re)fait le titre dans sa version Xbox 360 via le Game Pass, et ce sur Xbox Series X. Nous avons ensuite relancé la version PlayStation 3 pour un comparatif visuel. Notre partie complète a duré environ 8h30. Les images que vous trouverez dans cet articles ont été capturées sur Xbox Series X.
Sommaire
ToggleLe renouveau du jeu d’horreur ?
Coupons court à cette interrogation qui n’a pour but que de mettre en lumière la qualité du jeu de EA Games : non, en 2008 Dead Space n’est pas la cristallisation du renouveau de l’horreur sur consoles et PC. Néanmoins, en s’inspirant d’œuvres majeures et en adaptant à sa sauce des mécaniques qui ont déjà porté leurs fruits, il est parvenu à marquer durablement l’industrie et les joueurs. À la manière d’un Resident Evil 4, il est vrai, titre qu’on ne présente plus, et qui est l’instigateur de la vague de Thrid Person Shooters qui a déferlé sur les machines de septième génération, dont fait partie Dead Space.
Si l’on retient autant le titre, et si les esprits ont autant chauffé à l’annonce de son remake, c’est parce qu’il représentait ce qui se faisait de mieux dans le milieu du Survival Horror à sa sortie. Et ce n’est pas compliqué à comprendre, puisque non content de se parer d’une réalisation graphique à la pointe, le jeu bénéficie d’une esthétique qui impressionne encore aujourd’hui. Le tout servant son propos oppressant, puisque l’on évolue dans un vaisseau spatial aux couloirs étroits, poussant parfois à la claustrophobie.
Oui, Dead Space impressionne à sa sortie, et ce ne sont pas les menus défauts de ses animations, ou ses quelques bugs, qui y changent grand chose. Puisque c’est finalement son ambiance qui marque le plus durablement, et elle est à la fois portée par l’aspect visuel fort réussi, mais surtout par un Sound Design de génie. Chaque petit bruit, chaque hurlement, chaque porte se refermant dans notre dos peut être sujet de sursaut, car le jeu distille très bien ses musiques, et qu’il joue très souvent avec leur absence pour créer une atmosphère pesante, propice à la peur véritable. On retient tout particulièrement la spatialisation sonore, qui nous fait souvent nous questionner sur l’origine des bruits que l’on perçoit. Du grand art, n’ayons pas peur de le dire.
Pandorum
Alien : le huitième passager, Event Horizon : le vaisseau de l’au-delà, 2001 : l’odyssée de l’espace, ou encore The Thing, sont autant d’inspirations cinématographiques que l’on ressent dans Dead Space. En terme d’esthétique pour commencer, mais aussi dans ses ambitions scénaristiques. Le titre de Glen Schofield n’est pas ce qui se fait de mieux à ce niveau, d’autant qu’un certain Mass Effect est déjà passé par là. Nonobstant, pour un jeu horrifique, il frappe puissamment, parvenant à ériger une trame cohérente, soutenue par des thèmes forts qui marquent durablement, le tout avec une mince galerie de personnages auxquels on s’attache vite.
Vous incarnez un certain Isaac Clarke (un nom tiré de deux immenses figures de la SF que sont Isaac Asimov et Arthur Charles Clarke), technicien muet (un grand classique) envoyé avec une équipe sur l’USG Ishimura, un énorme brise surface dont les communications semblent en panne. Mais ce qui ressemble à une mission de routine va vite se transformer en cauchemar. Votre vaisseau s’écrase dans la baie d’amarrage, et il n’y a aucun comité d’accueil pour venir vous porter secours. Le courant semble en partie coupé, certaines zones du vaisseau sont scellées par une quarantaine mystérieuse…
Enfin ce sera bientôt le cadet de vous soucis, puisque à peine avez vous redémarré les systèmes dormants que vous êtes assaillis par des créatures difformes à la force surhumaine. Vous voilà séparé de vous compagnons, dont la moitié a péri, contraint de vous débrouiller seul pour survivre et trouver un moyen de vous en sortir. Enfin, pas seulement, puisque vous vous êtes porté volontaire dans l’espoir de revoir la femme que vous aimez. Or, vous jureriez l’avoir entendu prononcer votre nom, au coin de ce couloir sombre…
Dead Space pioche aussi ses inspirations dans le jeu vidéo, c’est évident, et s’il ne fallait retenir qu’une poignée de noms, on citerait System Shock pour son ambiance oppressante, son sentiment de solitude omniprésent ; Bioshock pour l’utilisation intelligente de la narration environnementale (comprenez des éléments inertes, dans le décor, qui en disent long sur ce qu’il s’est passé sur l’USG Ishimura) et des enregistrements audios ; et pour finir, le sacro-saint Resident Evil 4, que ce soit en terme de structure de l’histoire, de gameplay, ou même dans la progression.
Mais s’il est bien un point sur lequel il met ses pairs à l’amende, c’est sa mise en scène. La narration environnementale fait beaucoup dans ce que le jeu raconte, et dans la manière dont l’ambiance est amenée. Mais il faut noter que le travail sur la progression dans l’aventure est impressionnant. Chaque ennemi vous tombant sur le coin de l’épaule, chaque couloir aux lumières éteintes, chaque bouche d’aération se brisant bruyamment… tout est scripté, c’est un fait indéniable, pourtant cela fonctionne terriblement bien, même lorsque l’on connaît déjà le jeu. Et quand on croit qu’enfin on a fini d’avoir peur, Dead Space nous sort une énième scène imaginative qui nous retourne le cœur.
Resident Evil 4, es-tu là ?
À force de le citer, il faut bien que nous finissions pas rentrer dans le vif du sujet. Oui, on retrouve du Resident Evil 4 dans Dead Space (et même du Cold Fear, pour ceux à qui ça parlera). Et la raison est simple : le jeu de Capcom n’a de cesse d’être singé par l’industrie au début de la septième génération de consoles de salon. Gears of War est passé par là, dynamisant ce qui devait l’être, avant d’être à son tour sujet de plagiats et inspirations flagrantes. En ce qui concerne Dead Space, bien qu’il améliore beaucoup de choses, il demeure malgré tout plus fidèle au Biohazard 4 de Shinji Mikami qu’au TPS bourrin de Epic Games.
Caméra à l’épaule, le titre nous fait évoluer dans des environnements cloisonnés en nous contraignant à une mobilité relativement réduite. D’ailleurs, Isaac est très lourd à contrôler, ce qui peut aisément s’insérer dans la petite galerie de reproches à faire au jeu. Bien que celui-ci gagne à contrario en possibilités, pouvant notamment se déplacer en visant / tirant (comme chez Gears of War), ou effectuer des attaques au corps à corps. Ce qui lui permet de se sortir de certaines situations difficiles, mais ne l’empêche pas de se faire coincer, par moments, par des ennemis à la mobilité supérieure.
Parce que les Nécromorphes de Dead Space, des créatures très réussies soit dit en passant, ne manquent pas de mobilité, elles ! Ce qui permet aux combats de bénéficier d’une tension qui ne redescend quasiment jamais. Peut-être trop poussée sur la fin du jeu, clairement en deçà des cinq ou six premières heures il est vrai, avec son déluge bête et méchant d’action, ses nouvelles formes de monstres plus rapides, et son level design encore plus dirigiste que sur le reste de l’aventure.
Toujours niveau level design, mais aussi structure de l’aventure, le titre est construit, là encore, d’une manière très similaire à un Resident Evil 4. Les niveaux sont relativement linéaires, découpés en petites zones, ce qui demeure très cohérent avec la manière dont l’USG Ishimura est conçu. Lorsque l’on a fini d’explorer une partie du vaisseau et qu’il est temps de passer à la suivante, il suffit de se rendre au tramway pour y être emmené directement. Pas de backtracking au sens propre, donc, bien que le soft nous fera visiter certaines zones à deux reprises. Celles-ci ayant par ailleurs changé quelque peu d’aspect, devenant plus effrayantes la seconde fois, alors qu’on pensait justement avoir fait le ménage la première.
Démembrement tactique
La petite particularité de Dead Space, c’est qu’il n’est plus question de foncer dans le tas et de tirer sans réfléchir. Vous n’affrontez pas des morts vivants, ou des locustes, mais des Nécromorphes. Et ça paraît bête dit comme ça, d’autant que le terme a été inventé pour l’occasion, mais cela fait toute la différence : plus question de viser la tête pour en finir rapidement. Ici, il vous faut démembrer systématiquement les ennemis, qu’ils soient humanoïdes ou non d’ailleurs. Ce qui demeure, encore aujourd’hui, une mécanique très intelligente et réussie. Surtout couplée à des animations qui, la plupart du temps, fonctionnent très bien.
Le démembrement tactique, c’est son petit nom, est une invention indispensable à Dead Space, qui en profite énormément dans ses combats. Ce que ne gâche en rien une physique plutôt impressionnante, ressemblant beaucoup à celle de Gears of War, avec plus de possibilités cela dit. Notez que le titre offre une prise en main plutôt intuitive pour quiconque aurait déjà touché à des Third Person Shooter, et ne se révèle pas particulièrement difficile de surcroît. Du moins, tant que vous ne vous laissez pas avoir par la montée de l’angoisse qui peut, c’est un fait, vous pousser à faire de mauvais choix en jeu.
Le titre reprend l’inventaire limité que l’on doit à Resident Evil, et qui est indispensable. Sans lui, vous auriez beaucoup trop de munitions et de soins en poche, et ce dès la première heure de jeu. De quoi mettre furieusement à mal l’aspect Survival, qui fonctionne de toute façon moins bien que toute la partie purement horrifique. Notez d’ailleurs que dans un souci d’immersion, Dead Space ne propose aucun HUD, autrement dit aucune information à l’écran. La barre de vie est présente dans le dos de notre personnage, et est intradiégétique. Quant aux munitions restantes dans votre chargeur, elles s’affichent sur l’arme directement lorsque vous visez. De très riches idées !
Finissons sur le contenu du titre, qui a pu en décevoir certains. Certes, Dead Space n’est pas ce qui se fait de plus long dans le genre à sa sortie. Encore une fois, l’influence d’un Resident Evil 4 se ressent, mais ce coup-ci ce n’est pas à son avantage, puisque son aîné s’avère beaucoup plus riche. Il faut moins de dix heures pour voir le bout de l’histoire, et la rejouabilité n’est pas exceptionnelle, l’aventure fonctionnant tout de même mieux la première fois. Malgré tout, le titre propose un New Game+. Cependant, il est bon de noter que les deux premiers tiers de l’aventure sont nettement au dessus du troisième. Enfin, on aurait aimé voir plus de boss, et surtout des combats plus palpitants. Car dans les faits, les monstres uniques de Dead Space sont plutôt décevants, ce qui vaut aussi pour le dernier d’entre eux…
Cet article peut contenir des liens affiliés