Envisager un remake constitue toujours un débat au sujet de sa légitimité. Dead Space premier du nom n’a pas échappé à la règle après son annonce à l’été 2021. Celui qui a connu une suite convaincante avant un troisième épisode bien plus décevant pouvait prétendre alors à une seconde jeunesse, tandis que la licence n’avait visiblement plus d’avenir au sein d’Electronic Arts.
De surcroit, un certain The Callisto Protocol est passé par là en décembre 2022. Et outre l’accueil divisé, très divertissant pour certains, décevant pour d’autres, nous parlons d’un héritier clair de la saga débutée à la fin des années 2000, ne serait-ce qu’en raison de la présence de Glen Schofield parmi les acteurs du projet. Alors est-ce réellement pertinent de reparler de Dead Space en tant que remake ? Après tout, le jeu se joue encore très bien aujourd’hui, malgré d’évidentes traces de son âge.
Eh bien chez Motive Studios, la réponse fut oui, et les développeurs se sont retroussés les manches pour faire de nouveau rayonner un des rois de l’horreur, avec le souhait de proposer une refonte graphique et sonore faisant honneur au titre initialement conçu par Visceral Games, sur PS5, Xbox Series et PC. Mieux, nous allons voir que du côté du studio canadien, on ne s’est pas vraiment arrêté au simple aspect technique, et que la (re)découverte n’en est que plus intéressante.
Conditions de test : Nous avons joué à la version 1.000.001 de Dead Space Remake sur PlayStation 5 pendant 20 heures. Une première partie de 18h a été faite en difficulté Moyenne, en mode Performances, en explorant entièrement le vaisseau et en complétant la plupart des missions secondaires. Une deuxième partie a été commencée dans la foulée afin de tester le mode Qualité et de mesurer quelques changements apportés par le New Game +.
Sommaire
ToggleL’USG Ishimura, l’enfer sous toute sa splendeur
Nul besoin de s’attarder plus que nécessaire sur un scénario déjà connu mais rappelons tout de même que l’on incarne l’ingénieur Isaac Clarke, amené à intervenir sur l’USG Ishimura, un immense Brise-surface, au sein duquel la communication semble dysfonctionner et où réside Nicole Brennan, médecin chef de l’équipage et petite amie de notre héros. À l’intérieur, la situation devient de plus en plus inquiétante et au cours d’une introduction toujours aussi efficace, on fait assez rapidement la connaissance des créatures sanguinaires qui semblent avoir investi les lieux, les Nécromorphes.
Immédiatement, on pressent tout le potentiel immersif supplémentaire dont le remake semble avoir bénéficié. L’œuvre originale avait déjà hissé la barre très haut à ce sujet en 2008 et l’ambiance constituait sa plus grande force. Ici, les tout premiers couloirs nous font rapidement comprendre qu’il va falloir s’armer de davantage de courage qu’auparavant pour explorer le vaisseau. Et cette impression va, pour notre plus grand plaisir, se confirmer salle après salle, chapitre après chapitre. L’ambiance de Dead Space Remake est un vrai bijou et parvient à faire encore mieux que son modèle.
Concernant la dimension sonore, l’audio 3D et sa spatialisation réussissent un coup double : on parvient à localiser assez précisément la source d’un bruit, mais vu que son origine peut revêtir bien des formes, on se retrouve donc souvent à surveiller autour de soi tant l’USG Ishimura s’avère bavard. En dehors des moments purement scriptés, parfois prévisibles, on reste constamment sur nos gardes à cause de ce sentiment quasi perpétuel d’être observé ou chassé, alors que l’alerte sonore peut très bien venir du mauvais état du vaisseau, de ses mécanismes et moteurs ou encore d’une vulgaire activation des douches dans un vestiaire d’équipage.
On en tient pour responsable ces fameux Nécromorphes qui, lorsque l’on découvre le jeu, ne sont pas les derniers pour jouer avec nos nerfs en usant régulièrement d’imprévisibilité pour fondre sur nous. Tantôt on en entendra un surgir de l’autre bout de la salle, nous assénant un léger frisson tant que sa position n’a pas été identifiée, tantôt, brutalement, un autre bondira depuis la ventilation située juste à côté ou au-dessus de nous. Et quand ce ne sont pas ces bruits parfaitement réels qui nous perturbent, les chuchotements mystérieux et inquiétants que l’on discerne très régulièrement en profitent pour maintenir la crainte dans notre esprit.
Légèrement perceptibles en 2008, ils deviennent ici davantage compréhensibles ce qui les rend donc encore plus flippants. On vous laisse cependant découvrir par vous-même leur contenu, ça fera assurément son petit effet. Cette gestion d’une main de maître de ce sentiment palpable d’insécurité, véritablement efficace sur nous, joueurs, éprouve aussi pleinement ce cher Isaac. Ses battements de cœur, sa respiration ainsi que ses râles de douleur varient subtilement en fonction des situations et s’expriment en symbiose et de manière tout à fait cohérente. Maintenant qu’il parle, sa diction est même affectée par son état de santé et son éventuel essoufflement au lancement d’un dialogue, bien plus vivant en conséquence. Le diable est dans les détails.
En ajoutant à cela l’éclairage, et avec lui les effets de brouillard ou d’ombre, qui eux aussi ont fait l’objet d’un superbe travail grâce aux nouvelles machines et au moteur Frostbite, l’Ishimura se redécouvre pleinement et s’avère plus terrifiant que jamais. Et afin de surprendre un peu les amateurs du jeu original, les développeurs nous enlèvent d’ailleurs parfois cette précieuse lumière, elle qui nous donne un peu de courage, rendant certains moments tout à fait stressants. Ce retrait de lumière, c’est même nous qui l’exerçons à quelques reprises par la manipulation d’un disjoncteur, un des nombreux éléments apportant la nouveauté aux côtés du peaufinage.
Une savoureuse recette qui s’affine par petites touches…
Il aurait été certes agréable de jouer au même Dead Space qu’en 2008, l’amélioration technique en plus, mais cela n’aurait été suffisant ni pour les fans ou les néophytes, ni pour réaliser un bon remake. Le disjoncteur mentionné juste avant constitue un des ajouts à l’occasion de cette refonte, en permettant de distribuer l’énergie disponible pour alimenter une porte au détriment d’une autre ou d’un appareil électrique. D’autres portes s’ouvrent par ailleurs uniquement via un système inédit de niveau d’accès. À la manière d’un Metal Gear Solid, on ne pourra accéder à des salles ou à des ressources de niveau 3 que lorsque l’on en aura obtenu l’accréditation durant l’histoire principale.
Sans que ce soit particulièrement révolutionnaire, cet ajout repense la manière de traverser l’Ishimura et apporte une certaine liberté d’exploration à ce Dead Space Remake, contrairement au jeu de base, dont la structure linéaire, rythmée par un chapitrage de son histoire, ne laissait pas de place aux retours en arrière. Les chapitres sont toujours là, mais le tram permet de revenir à loisir dans tous les secteurs du Brise-surface déjà traversés, et ainsi revenir récupérer ce qui a pu être oublié ou était verrouillé. Le tout sous la forme de ce fameux plan séquence brandi par l’équipe de Motive, où aucun temps de chargement concret ne vient couper l’action, à part la mort. Ainsi se ressent un sentiment plaisant de fluidité constante, bien aidé par un mode Performances aux rares fausses notes. Entre parenthèses, on conseille d’ailleurs de privilégier ce paramètre d’affichage tant le gain du mode Fluidité n’est que peu flagrant tout en étant moins doux à l’œil.
Dommage que le système de map, légèrement retouché aussi, vienne gâcher notre expédition en se révélant si peu évident à prendre en main, en raison de son utilisation en temps réel. Et quand on parvient à se débrouiller, on se fait avoir par les mauvaises informations que la carte affiche. Souvent, une porte qui s’est retrouvée verrouillée à un moment donné, le restera déclarée comme tel sur la map, alors qu’elle est parfaitement accessible. Du temps se perd alors, soit en cherchant en vain un autre chemin, soit en allant vérifier par soi-même l’état de l’accès.
En évitant un tel hic, le backtracking aurait vraiment pu livrer une évolution pleinement réussie à l’exploration, qui en plus de tout ça se pare de quêtes annexes pour allonger la durée de vie et donner davantage d’épaisseur aux personnages secondaires, dont Nicole. Un accès spécial s’obtient même en collectant les RIG, autrement dit les identifiants, de membres du personnel. Cette habilitation ultime nous permet de récupérer de précieuses ressources, parfois uniques, afin d’améliorer Isaac.
À l’épreuve d’un danger mortel, notre ingénieur peut encore une fois compter sur des outils de maintenance transformés en arme pour se défendre. Comme au sein du jeu original, il peut se servir d’un établi pour utiliser les points de forces nécessaires au renforcement de son équipement, mais la manière de les dépenser a changé. Dans Dead Space Remake, exit les nœuds vides, chaque point confère par exemple un avantage de dégât, de réserve de munitions ou de cadence de tir. Seulement, de base, la grille n’affiche qu’une partie des nœuds. Le reste se débloque en trouvant les plans d’amélioration de l’arme en question pour révéler complètement ladite grille.
De plus, des nœuds spéciaux octroient un bonus particulier à chaque arme. Le Cutter Plasma pourra infliger des dégâts sur la durée tandis que le Découpeur bénéficiera de ricochets supplémentaires à l’occasion des tirs secondaires. Ces armes n’en deviennent alors que plus jouissives à bichonner et à dégainer contre les Nécromorphes. La DualSense et ses gâchettes adaptatives participent volontiers à ce feeling plutôt agréable, et les dommages infligés ont gagné en netteté. Dorénavant, la dégradation des ennemis, et par extension la chute de leurs « points de vie », se lit naturellement. La peau, puis le muscle, puis l’os, le démembrement gagne en précision et en lisibilité, et cette optimisation de la localisation amène à insister sur des zones d’impact mieux définies, et pas juste les membres dans leur globalité. Une réussite supplémentaire en faveur de l’immersion.
… Jusqu’à toucher à ses fondamentaux
Au-delà de ces différentes évolutions bienvenues, c’est la structure de l’aventure elle-même qui a été transformée. Disons-le tout de suite, Dead Space Remake ne va pas jusqu’à nous faire une Final Fantasy VII Remake, sans non plus imiter un The Last of Us Part I. Autrement dit, l’histoire reste essentiellement la même et se parcourt la plupart du temps comme avant, en se permettant heureusement des changements de level design et de narration. Il peut s’agir de quelques variations scénaristiques, dont certaines se révèlent plutôt importantes, histoire de mieux coller au lore développé dans les productions chronologiquement ultérieures, tandis que le contenu d’une poignée de dialogues est même impacté en fonction de la progression des quêtes secondaires. Et dans le meilleur des cas, des pans non négligeables de chapitres ont changé. Soit parce que leurs puzzles se résolvent différemment ou que la mise en scène a évolué, soit parce qu’ils héritent d’une transformation liée à des séquences inédites en zéro gravité.
Grandement utilisée au cours de ce remake, elle reprend la maniabilité instaurée dans Dead Space 2. Tant mieux, car initialement, Isaac devait viser un point B depuis un point A et traversait en ligne droite la pièce. Les déplacements se veulent donc plus libres, plus souples, en bref, plus agréables, mais restent assez perfectibles. En effet, quelques passages peuvent être rageants, notamment ceux aux petits espaces, en raison d’une maniabilité assez particulière. Difficile d’expliquer cela à l’écrit, mais on peine parfois à s’orienter et on utilise souvent la touche de « remise à l’endroit » pour se repérer. Finalement, on apprécie tout de même cette tournure très assumée autour de la zéro gravité car on assiste à des moments plutôt sympathiques via cette mécanique, notamment à l’extérieur du vaisseau.
Au rang des changements notables du remake, et sans trop spoiler, on participe même à des affrontements de boss bien différents du titre original, en se servant cette fois de ce système de déplacement comme base de gameplay. Et pour finir de surfer sur cette mécanique, le mini-jeu du Ze-Ball revient sans surprise. Rappelons qu’il consiste à envoyer des ballons dans des cibles afin de faire grimper au maximum son score et ainsi gagner des récompenses en fonction du résultat obtenu. Idéalement, et à l’image de ce qui a été retravaillé côté zéro gravité, on aurait souhaité un ajustement similaire au sujet du maniement d’Isaac.
Ici encore, une certaine lourdeur se ressent lors de ses déplacements, compréhensible vu la tenue d’ingénieur qu’il se traîne, ni même désagréable en soi. Cela étant, durant les affrontements, on accuse toujours un manque de réactivité pour répondre aux assauts régulièrement soudains des Nécromorphes. L’absence d’un éventuel demi-tour rapide, comme le pratique le remake de Resident Evil 2, ou d’un système d’esquive, notamment face aux projectiles des Rampeurs ou des Cracheurs, donne lieu à encore trop de moments frustrants où des points de vie se perdent bêtement. Mais ne clôturons pas ce test sur un point noir et abordons deux aspects qui raviront sans doute un peu tout le monde, la rejouabilité et l’accessibilité du remake.
Naturellement, comment ne pas reconduire le fameux mode Impossible, basé sur le mode Difficile, où l’on ne dispose cette fois que d’un seul emplacement de sauvegarde et d’une seule vie. En gros, mourir transforme notre partie en Difficile, et on est bon pour recommencer de zéro. Sachant qu’il y a une tenue et une arme uniques à gagner au bout de la run, un tel challenge devrait motiver les puristes. Le New Game +, de retour, propose carrément cette fois une fin alternative si vous collectez les 12 fragments de monolithes éparpillés au sein de l’Ishimura. Enfin, côté accessibilité, Dead Space Remake offre la possibilité au plus grand nombre d’être découvert, qu’il s’agisse de paramètres visuels, comme la taille des sous-titres ou le mode daltonien, ou bien du mode Histoire, une difficulté où les ennemis ne sont plus vraiment une menace, afin de profiter au maximum de l’intrigue.
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