En 2010, Deadly Premonition étonnait avec sa recette étrange, compilant autant d’éléments de Survival Horror que de jeu d’enquête, le tout enrobé dans une ambiance indéfinissable. Mais surtout, il suscitait de nombreuses interrogations, notamment concernant sa qualité. En effet, difficile de noter un jeu dont le scénario et l’écriture excellent quand sa réalisation et son gameplay lui font défaut. Cela étant dit, le titre de Swery65 devint culte avec le temps.
Ce fait, il le doit tout ou en partie à son écriture très inspirée. Le parallèle est vite fait avec l’œuvre singulière de David Lynch, plus particulièrement Twin Peaks. Une série et un film à l’ambiance surréaliste, chez qui Deadly Premonition pioche allègrement, entre autres représentants du septième art.
En septembre 2019, Rising Star Games et TOYBOX annoncèrent à la surprise générale une suite sous-titrée A Blessing in Disguise. Destiné exclusivement à la Nintendo Switch, du moins dans un premier temps, ce volet ferait à la fois office de préquelle et de suite aux pérégrinations de l’agent du FBI Francis York Morgan. Jetons ensemble un œil à ce titre inespéré disponible le 10 juillet, qui tente avec beaucoup de bonne volonté de corriger les défauts de son prédécesseur.
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ToggleUne suite attendue ?
Aussi étonnant que cela puisse paraître, malgré l’accueil critique mitigé qu’a reçu le premier volet autant pour sa version initiale que pour sa Director’s Cut, celui-ci est devenu une véritable œuvre culte. Ainsi, bien que la sortie de Deadly Premonition Origins sur Switch en septembre dernier posait des questions concernant son intérêt, puisque simple portage de la version de 2013, il s’agissait d’un certain point de vue d’une véritable aubaine. On vous renvoie par ailleurs à notre récent article lui étant consacré pour en savoir plus.
En ce qui concerne A Blessing in Disguise, Swery65 (ou Hidetaka Suehiro si vous préférez) est toujours aux commandes. Mais il s’est principalement occupé du scénario, et c’est finalement tout ce qu’on espérait. En effet, c’est bien ce point qui conférait à son prédécesseur tout son sel, puisqu’en dehors de ça le titre souffrait d’une technique datée et de divers problèmes de gameplay. Par ailleurs, après avoir mis un bon moment à révéler son potentiel, l’histoire de Deadly Premonition finissait en apothéose, ouvrant par la même beaucoup de portes.
Ainsi, bien qu’une suite n’était pas nécessaire pour la compréhension de son univers, sa trame et ses personnages, le titre étant enrobé dans un voile de mystère indélébile faisant une bonne partie de son charme, le fait que Rising Star Games et TOYBOX en proposent une malgré tout a quelque chose d’enthousiasmant. De surcroît, c’est plutôt une bonne nouvelle pour tous les créateurs qui désirent s’écarter de la masse, cela prouvant ostensiblement qu’il n’est pas nécessaire de faire du blockbuster à l’américaine pour fonctionner dans le milieu du jeu vidéo.
Difficile de dire si Hidetaka Suehiro s’est inspiré, ou non, de la patte de Suda51 (ou Goichi Suda) pour pondre la trame de ce second opus. Les deux hommes travaillent en effet ensemble depuis quelques temps à la réalisation de l’intrigant Hotel Barcelona. Mais une chose est sûre, le propos de cette suite / préquelle est plus léger dans l’ensemble, visant plus régulièrement juste dans ses différents gags et ses situations comiques. Un trait de caractère que l’on retrouve dans la quasi-totalité des jeux de Suda51, qui aime lui aussi à réaliser de véritables OVNIS (No More Heroes, Killer is Dead, Killer 7…).
Ce qui s’est amélioré
Deadly Premonition 2 débute son aventure par un interrogatoire. Celui de Francis Zack Morgan, alter-ego de York, cloîtré dans un appartement poussiéreux et s’intoxiquant au cannabis quotidiennement. En face de lui, deux jeunes agents fédéraux, mais surtout une montagne de questions concernant deux affaires. Mais une en particulier, celle de Le Carré en 2005. Une petite ville de Louisiane au bord du Mississippi qui accueillait à l’époque une histoire de meurtre sordide, très similaire à bien des égards à celle de Greenvale.
Après cette mise en bouche plutôt longue, laissant entrevoir les grandes qualités artistiques de ce second volet au travers d’un appartement très détaillé et d’une mise en scène stylisée, le titre nous propulse dans le passé. Nous sommes à Le Carré, en 2005, au commandes d’un Francis York Morgan en vacances. Ce dernier, après s’être fait voler sa voiture, a récupéré un skateboard, et compte visiblement sur celui-ci pour poursuivre son voyage. Néanmoins, un meurtre atroce vient d’être commis dans la ville, de quoi lui saper toute envie de repartir.
D’emblée, il est utile de préciser qu’avoir fait le premier opus est un énorme plus dans la compréhension des codes de cette suite, mais aussi de son univers. L’agent York se parle toujours à lui-même, idem pour Zack lors des séquences d’interrogatoires qui reviennent à chaque début de chapitre. Le titre est toujours aussi intrigant autant dans sa manière d’aborder son scénario, avançant avec de nombreux dialogues fort bien écrits, que dans le choix étonnant de son fil rouge. Cela étant dit, malgré l’absence de rappel, il n’est pas nécessaire d’avoir joué au premier opus pour apprécier A Blessing in Disguise.
D’autant que ce dernier a considérablement amélioré son expérience de jeu, du moins sous certains aspects. Pour commencer du coté de son gameplay, plus intuitif et mieux calibré. Le titre délaisse aussi la conduite, laissant à l’agent York le choix entre la marche, le skateboard (plutôt fun à diriger bien qu’assez lourd) et l’utilisation d’un taxi qui dépose à des points définis qu’il faudra découvrir au préalable. Quant à son aspect action qui faisait là encore cruellement défaut au premier, cette suite a corrigé le système de visée, le corps-à-corps, et a même rehaussé un poil la difficulté auparavant complètement absente.
Reste un contenu là encore conséquent, avec une histoire que l’on mettra une petite vingtaine d’heures à boucler, mais aussi un paquet de quêtes annexes pas toujours aisées à dénicher. La logique de fonctionnement du titre n’est d’ailleurs pas forcément évidente pour tous. Enfin, la progression dans l’histoire se fait lentement, à mesure que l’on découvre les personnalités bien trempées qui occupent la ville, beaucoup moins stéréotypés que par le passé. L’aspect occulte de son univers est bien intégré au scénario qui joue beaucoup sur la bizarrerie de l’agent Morgan, mais aussi balance toujours un nombre incroyable de références, principalement cinématographiques.
Quelques problèmes qui subsistent
S’il corrige beaucoup des problèmes de son prédécesseur, Deadly Premonition 2 : A Blessing in Disguise souffre malheureusement de certains défauts qui ont survécu aux dix années qui séparent leur sortie respective. À commencer par une technique une nouvelle fois datée. Entendons nous bien, cette suite est plutôt jolie sur le plan purement visuel. Les intérieurs sont léchés, fourmillants de détails, les couleurs sont maîtrisées… On est en face d’un produit fini bien plus abouti que par le passé. Ce n’est néanmoins pas totalement suffisant.
Parce qu’il est peut-être plus beau, détaillé et coloré que le premier volet, néanmoins A Blessing in Disguise dispose d’extérieurs sans vie. Le contraste est flagrant lorsque l’on sort d’une boutique à l’intérieur sublime pour se retrouver dans une rue vide. Par ailleurs, le level design est plus inspiré, il est vrai, mais parfois un peu limite dans ce que l’on appellera les donjons. Mais c’est surtout sur la partie technique qu’il y a à redire, puisque le titre souffre de gros ralentissements en extérieur, de différents bugs, mais surtout de temps de chargement purement et simplement affligeants.
De son coté le scénario est certes excellent et fort bien écrit, idem pour les dialogues, néanmoins ces derniers sont longs. Ce qui ne posera pas problème aux joueurs patients qui ont par exemple l’habitude des Visual Novel, ou qui ont été passionnés par le premier volet, mais pourra en rebuter certains.
Ceux-ci auront par ailleurs du mal à voir le bout de l’introduction de près d’une demie-heure, exclusivement composée de dialogues. Heureusement, ils sont entièrement doublés par des acteurs qui offrent un travail globalement juste, n’en faisant que rarement trop. On notera d’ailleurs avec un certain plaisir le retour du doubleur de l’agent Francis York Morgan du premier volet, ainsi que de quelques uns des morceaux. La bande sonore fait pratiquement un sans faute.
S’il captive sans peine au cours de la quasi-totalité de son aventure, Deadly Premonition 2 : A Blessing in Disguise a toutefois quelques grosses baisses d’inspiration. Il nous enverra par exemple à plusieurs reprises effectuer des quêtes FedEx bien trop longues, et manquera parfois de nous donner des pistes concrètes pour parvenir à poursuivre sa trame. Pour en finir avec les défauts, cette suite a conservé son système de faim et de saleté, que l’on pourrait presque apparenter à un aspect survie. Inintéressante et même ennuyeuse dans le premier volet, cette composante est ici de retour avec la monnaie, ce qui a de quoi agacer.
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