Le studio français Arkane Lyon est aujourd’hui la grosse référence des « immersive sims » dans l’industrie aux côtés d’autres grands noms comme Deus Ex ou Bioshock. Avec des bijoux tels que Dishonored et Prey, ils nous prouvent que les grosses productions (AAA) peuvent être aussi inventives et bousculer quelques codes. On pourrait même ajouter Returnal à cette définition si l’on reste sur cette année 2021. Avec Deathloop, le studio fait un gros pari avec un concept à première vu compliqué jouant sur les boucles temporelles. Après des mois de marketing et présentations pour nous expliquer le fonctionnement, on peut dire que mannette en main, ça marche.
Conditions de test : Nous avons joué une quinzaine d’heures au titre majoritairement avec Colt sur PS5. Nous n’avons cependant pas pu terminer la boucle en tuant toutes les cibles en une journée. En revanche, nous avons pu être envahi par d’autres joueurs, et nous en avons nous-même envahi quelques-uns.
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ToggleColt est dans le coaltar
Comme pour le film « Un jour sans fin », Deathloop met en scène une boucle temporelle nous faisant revivre la même journée sur une mystérieuse île appelée Blackreef. Colt, le héros que l’on incarne, se réveille tous les matins sur la même plage. Au départ, on ne sait pas grand-chose sur qui l’on est et sur ce qui nous entoure, mais une chose est sûre, on en a gros. En effet, une certaine Juliana nous nargue constamment par radio en plus de bien régulièrement nous rappeler son désir de nous tuer. Afin d’en apprendre plus et de briser ce cauchemar interminable, Colt va profiter de ces conditions à son avantage pour enquêter à sa guise sachant que toute l’île veut notre peau.
Première chose à laquelle on ne s’attend pas, Deathloop est réellement un gros jeu d’investigation. C’est une vraie belle surprise étant donné que l’on s’attend d’abord à un FPS aux possibilités multiples (ce qui est aussi le cas) pour dézinguer tout un tas d’ennemis. Afin de briser cette boucle infernale, Colt va devoir assassiner 8 « visionnaires » qui semblent être liés à cette situation. Seulement, il ne dispose que de 24 heures pour tous les avoir. Cela va donc l’obliger à en apprendre plus sur ses cibles et les recoins de l’îles afin de dénicher des occasions en or pour réaliser une pierre deux coups, voire plus.
Précisons d’abord que la journée est découpée en 4 : matin, midi, après-midi- et soir. Paradoxalement, Deathloop ne vous met aucune contrainte de temps, au contraire elle est même de votre côté. Si vous choisissez d’explorer une zone de Blackreef le matin, vous ne passez pas à midi avant de l’avoir décidé en quittant le niveau. Entre deux phases d’infiltration ou de fusillades, vous allez trouver un tas de documents, d’enregistrements, de cartes et j’en passe qui vous mèneront à différentes pistes. Des informations qui vous donneront non seulement des clés pour atteindre vos buts, mais aussi pour connaitre un peu mieux l’histoire de l’île et de ses personnages.
Arkane exploite ainsi intelligemment son concept de boucle en prenant le temps de développer le background de nos cibles que l’on effiloche petit à petit. Au début, on ne fait pas attention, mais à la longue nos cibles deviennent plus que ça comme Aleksis qui se révèle être un visionnaire pathétiquement drôle. D’ailleurs, le ton ne se prend pas au sérieux et on reste surtout dans une ambiance drôle et absurde d’un monde sans conséquence. Elle est d’ailleurs particulièrement illustrée par la relation entre Colt et Juliana à travers leurs nombreuses conversations par radio qui se résument pratiquement à des provocations gratuites. Le fait d’enlever le côté dramatique de la mort dans la narration donne quelque chose d’assez plaisant et léger.
Arkane ne loop pas son île
Mais est-ce que ça marche en matière de gameplay ? Après tout, c’est la même chose à chaque fois si l’on caricature. Encore une fois, le concept de boucle se met au service du jeu. Si l’on récapitule, nous avons 4 zones distinctes de l’île pour 4 moments différents de la journée. En explorant un même lieu à deux moments différents de la journée, vous n’aurez pas les mêmes accès et les mêmes opportunités, sans oublier que les ennemis ne seront pas disposés de la même façon. En outre, plus vous tuez de cibles dans un journée, plus vos adversaires seront féroces.
Grâce au fait de revisiter les mêmes lieux encore et encore, nous pouvons dompter le level design absolument fou de Deathloop. On a tous connu ces moments où l’on arrive difficilement dans un lieu pour constater une fois sur place qu’un ou plusieurs autres chemins plus faciles étaient possibles. Pour un jeu linéaire, on passe aisément à côté de ces subtilités, on les oublie même si l’on a le courage de recommencer un jour. Sur Blackreef, le savoir est une force et un plaisir qui nous laisse optimiser nos approches.
La matière grise c’est bien beau, mais Deathloop propose aussi une bonne dose d’action avec un FPS offrant de nombreuses approches. Infiltration, hacking, folie meurtrière, il ne tient qu’à vous d’accomplir une tâche selon vos envies. Nos pérégrinations dans la boucle nous gratifient en plus d’une montée en puissance pour Colt. On pourra ainsi ramasser de nouvelles armes, des breloques pour les améliorer ou encore des pouvoirs spéciaux qui se récupèrent uniquement sur nos cibles. C’est avec ces cartes en main que la « magie Dishonored » de Deathloop opère.
Par exemple, l’un des plus satisfaisants à utiliser est le Nexus. Avec cette capacité, vous pouvez jeter une vague d’énergie qui va lier les ennemis. Chaque coup porté sur l’un d’eux se reflète sur les autres. Un vrai délice lorsque l’on couche une foule avec une seule tête. La montée en puissance est en outre savoureuse plus qu’en récoltant de l’énergie des boucles sur des objets, « le résidium », on peut sécuriser des armes, breloques et pouvoir pour la boucle suivante. On aurait tout de même aimé que le menu soit moins bordélique avec des options de filtrage.
JULiana, si elle me kill pas je la kill pas
Néanmoins, après de nombreuses heures, on commence tout de même à ressentir une certaine monotonie puisque l’on connait les lieux par cœur et que les pistes s’amenuisent de plus en plus. Il arrive ainsi un moment de flottement où l’on complètera une boucle entière pour une information. Jusque-là, on peut dire que Deathloop est un bon jeu qui, cependant, n’échappe pas à un défaut majeur de bon nombre de productions actuelles : l’intelligence artificielle. On imagine qu’avec les contraintes des mécaniques de jeu, Arkane n’a pas voulu rendre chaque boucle invivable avec tous les ennemis de la zone en alerte au moindre bruit.
On précise bien « jusque-là » car heureusement, Juliana vient apporter le peps nécessaire pour pimenter ce train-train de la boucle. Si ces deux gros défauts du titre ne sont pas entièrement gommées par cette fonctionnalité, elle fait quand même un bon boulot pour combler ces brèches. En activant le mode en ligne, vous avez une chance de vous faire envahir par un autre joueur (ou un ami selon l’option définie) contrôlant Juliana. A partir de là, on change la donne. C’est typiquement le coup de fouet qui nous remet sur les rails et qui nous fait apprécier le calme. Une fois en jeu, elle bloque vos tunnels pour quitter le niveau. A moins de désamorcer vous-même son antenne, vous êtes coincés. S’effectue alors un jeu de chat et de la souris qui va vous demander bien plus de stratégie qu’habituellement pour venir à bout de cette menace.
Ce jeu du chat et de la souris est aussi excitant qu’amusant puisque l’on peut être encore plus inventif pour parvenir à ses fins. A titre d’exemple, nous avons une fois réussi à désamorcer une antenne de Juliana puis à nous enfuir. Celle-ci nous a alors pris en chasse, mais nous avions heureusement bien préparé notre coup. Ce ou cette brave inconnu a alors pris nos trois mines et les deux tourelles que nous avions placées sur la route de notre fuite. Comme nous l’a expliqué Dinga Bakaba en interview, le joueur contrôlant Juliana n’est pas forcé de nous tuer, mais les instincts ont pour l’instant la vie dure. A voir une fois que le temps fera son office sauf si ce comportement est lui aussi pris dans une boucle.
Un cadre qui fait vibrer, et pas que la DualSense
Evidemment, vous pouvez vous-même envahir les parties des autres, sachant que Juliana possède sa propre ligne de progression. Afin de gagner en puissance, il faudra faire de nombreuses prouesses en tant que perturbatrice. Juliana a toute la zone en soutient, elle peut donner votre position aux ennemis et même prendre l’apparence des ennemis pour mieux leurrer. L’équilibrage est tout de même assez juste puisse Colt bénéficie de « la reprise », un pouvoir par défaut qui le fait revenir un peu en arrière (jusqu’à deux fois) après une mort.
Ce mode multijoueur lié au solo est quelque chose d’assez jouissif et il est aussi bon d’un côté que de l’autre. Entre parenthèses, c’est également une belle revanche pour Arkane qui avait eu cette idée pour The Crossing, un projet annulé par le passé. Artistiquement et musicalement, Deathloop réussit à nous plonger dans une ambiance rétro futuriste des années 60. Encore une fois, la boucle et ces environnements récurrents permettent un maximum de détails et de diversité sur les décors. De plus, un même lieu mais à une période différente de la journée parvient à nous réserver quelques surprises pour les yeux.
Pour la musique, Arkana a fait appel à trois compositeurs en plus de leur directeur audio, Michel Tremouiller : Ross Tregenza, Tom Salta et Erich Talaba. En plus des superbes chansons Déjà-vu et Down the Rabbit Hole, les morceaux vont vous donner envie d’engager le combat sans réfléchir rien que pour en profiter. Toujours dans le domaine sonore, on en profite pour saluer la VF qui est excellente. Dernière précision concernant la version PS5 que nous avons pu tester. Les fonctionnalités de la manette se révèlent assez impressionnante dans le sens où des sensations aussi dispensables arrivent à apporter un petit plus en matière d’immersion, notamment avec les armes.
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