Deux êtres que tout oppose vont s’allier pour affronter l’adversité qui menace l’équilibre du monde dans Degrees of Separation. Réunis par la nécessité, Ember et Rime n’en finiront plus de s’unir à la recherche de réponses. Ce jeu de plateforme en 2D évoque une aventure poétique construite sur l’opposition des genres et des éléments. La patte de Chris Avellone, à qui l’on doit notamment Pillars of Eternity 2, est ici particulièrement précieuse. Emportés dans une quête vitale, les deux protagonistes viendront à se découvrir l’un l’autre à l’instant même où ils saisiront ce qui bouleverse l’équilibre des forces. Jalonné de références multiples, le titre surprend et vous emmène dans des contrées lointaines où l’avenir du monde est en suspens.
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ToggleUn songe qui devient tourment
Degrees of Separation, c’est avant tout un conte onirique usant bien subtilement d’allégories à la symbolique intense. L’histoire, tissée méticuleusement autour de deux personnages que tout oppose, est un savant mélange de plusieurs références. D’abord, puisque Ember et Rime sont les icônes de deux forces opposées, on ne peut s’empêcher de penser au Yin et Yang qui, dans la culture chinoise sont deux catégories complémentaires, imbriquées dans une fusion presque nécessaire. De cette dualité des contraires vient, en effet, la symbiose qui donnera sens au monde.
On pourra également appréhender ce couple sous l’angle d’un Roméo et Juliette imagé. Les deux personnages sont presque instinctivement attiré l’un par l’autre. Toutefois, l’un se plaçant sous le règne du chaud et du feu et l’autre sous l’égide du froid et de la glace, leur union est impossible. Mieux, leur essence propre est par définition l’opposée de celle de l’autre. C’est ce qui explique qu’une fine frontière les sépare perpétuellement. Quoi qu’il en soit de leurs déambulations, de leurs déplacements, aussi rapides soient-ils, cette fine membrane qui scinde leurs mondes respectifs ne viendra jamais à disparaître.
L’union faire la force
Ember et Rime sont tous deux tirés de leur torpeur par un appel lointain, les enjoignant de partir à l’aventure. Le monde change, l’équilibre d’antan se disloque. De leur union dépend l’avenir de ce qui fût jadis si ordonné et régulier. Une tempête ici, un grand feu ailleurs… Les éléments rompent de manière inexplicable leur court si familier. Malgré tout, cette adversité n’est pas synonyme de fatalité. Car chaque personnage déploie, grâce à son élément fondateur, un certain nombre de capacités. Ainsi, Ember, chantre de la chaleur, réchauffe ce que Rime a gelé. Elle est, dès lors, plus à même de se laisser porter par les souffles chauds lui permettant de gravir une paroi escarpée. Rime et son aura glacé, fige les étendues d’eau et façonne des boules de neige pour servir d’appui menant à des plateformes surélevés.
Tout cela est harmonie. D’ailleurs, c’est de l’association des opposés que viendra le salut. Plus tard, leur adéquation leur permettra de construire des ponts les menant vers les hauteurs. L’interaction resserrera les liens et renforcera donc la puissance de leur coopération. Finalement, comme une partition de musique, vous aurez à jouer de concert chaque portée pour que le tout forme une mélodie à une voix.
Un puzzle où chaque pièce joue son rôle
Au sujet de l’aventure en elle-même, tout est fait pour exploiter au mieux la particularité des deux personnages. Chaque parcelle du jeu se décompose en énigmes plus ou moins faciles à résoudre. Le nœud central de l’intrigue est un château vaste quoique vide donnant accès, via des portes scellées à différents niveaux. Chaque niveau donne à voir un élément de réponse à cette question du déséquilibre des forces évoqué plus haut. De pièce en pièce, vous naviguerez donc dans cette bâtisse en prenant au fur et à mesure de la hauteur.
C’est à force d’exploration et de résolution d’énigmes que la lumière se fera sur les événements qui bousculent le monde. Les deux personnages seront amenés à coopérer en apportant chacun son savoir faire, sa singularité pour venir à bout des mystères du château. Vous pourrez incarnez tantôt l’un tantôt l’autre. Un papillon virevoltant vous indique d’ailleurs lequel des personnages vous dirigez. Parfois, l’un des deux protagonistes ouvrira la voie à l’autre dans la résolution d’un casse-tête local, poussant ainsi à son paroxysme le soutien mutuel. À d’autres moments, vous serez amenés à sauter de concert sur une plateforme pour débloquer un niveau inférieur, inaccessible seul. Certains îlots – appelés « pierre-voie » – faisant figurent de point de rencontre vous donneront également la possibilité de parcourir plus rapidement un pan entier du niveau pour explorer d’autres chemins.
Dans votre quête, vous aurez d’ailleurs à glaner ici et là des foulards. C’est là le cœur de votre exploration. Cette collection vous permettra de débloquer d’autres portions de niveaux. Charge à vous de les repérer et de trouver la combinaison des aptitudes qui vous permettra de tous les récupérer. Avant d’en venir au sujet qui fâche, un mot des graphismes et de l’ambiance générale. Globalement, le rendu est agréable à l’œil et les décors sont bien ficelés. L’opposition des éléments incarnés par les personnages trouve bien écho dans l’opposition des couleurs tantôt chaudes tantôt froides. Du côté des personnages en eux-mêmes, leurs déplacements donnent l’impression de manier des marionnettes mais cela n’entache en rien l’expérience de jeu.
À toi, à moi… Et puis quoi ?
Le titre n’est toutefois pas exempt de défauts. Certes, le jeu se veut minimaliste en supprimant tous les types d’indicateurs imaginables (santé, endurance etc.). Malgré tout, certains passages font grincer des dents. D’une part, on se retrouve souvent à chercher son chemin. Or, comme le hub principal – le château – dévoile des pièces se ressemblant toutes les unes les autres, l’impression de tourner en rond est parfois vertigineuse. Aucune carte n’est à ce propos disponible pour vous aider à vous y retrouver. D’autre part, la difficulté se résume bien souvent à des points d’accès volontairement dissimulés ou entravés. On se dit que c’est là que se situe l’un des enjeux du titre. Qu’il s’agit là de l’une des manières d’insuffler du challenge à un jeu qui en a finalement peu. Mais force est de constater que chercher une corde disparue invisible derrière une colonne frontale finit par lasser. Nous ne sommes plus véritablement dans un jeu de piste. On tend bien plutôt vers un cache-cache un peu vicieux qui entame parfois notre patience.
Enfin, le prétexte de l’attraction des contraires s’essouffle malheureusement un peu vite. Après avoir switché maintes fois d’un personnage à un autre, on se dit que l’ensemble manque un peu de créativité. Et ce, malgré l’accroche originale. Cette impression s’accroît par la répétitivité des énigmes à résoudre. D’ailleurs, la succession de puzzles nécessitant de bien imbriquer les pièces manque, à la longue, d’inventivité. Et comme cela manque au récit quelque peu monocorde de Degrees of Separation, on finit par s’ennuyer un peu. On saute, on grimpe, on s’agrippe…cette histoire à deux ne marque pas de son originalité les rouages habituels d’un jeu de plateformes et c’est dommage ! D’ailleurs, les commandes excessivement épurées limitent l’aspect ludique à sa plus stricte expression. La narration prenant définitivement le pas sur tout le reste. La possibilité de jouer à deux, via deux manettes, à ce jeu pourrait éventuellement rehausser l’impression globale.
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