Les plus jeunes joueurs ne connaissent peut-être pas. Mais il y a fort à parier que tout possesseur de Nintendo DS a, au cours de ses années d’activité, entendu parler de Drawn to Life. Une licence que d’autres connaîtront peut-être plutôt sous le nom Dessine Ton Héros, ou Dessine Ton Aventure. Derrière ces quatre softs, dont trois exclusifs à la portable aux deux écrans, se cache d’abord un concept plutôt accrocheur : se servir de son imagination pour progresser dans un jeu de plateforme.
Il faut avouer que cela fonctionnait plutôt bien sur DS. La console profitait en effet d’un écran tactile qui rendait le dessin assez intuitif et amusant. La recette était toutefois bien moins adaptée à la Wii, qui eut droit à sa version à part de Dessine Ton Aventure. Récemment, et après onze longues années de mutisme, la série a refait surface avec Drawn to Life : Two Realms. Un opus qui semble, à première vue, faire suite à celui de 2009, mais cette fois-ci sur PC, Switch et mobiles.
Il n’est pas toujours bon de faire revenir des licences d’aussi loin, surtout lorsque les supports contemporains n’autorisent pas forcément les mêmes originalités de gameplay que par le passé. Scribblenauts en a payé les pots cassés, avec son Mega Pack contre-intuitif et son party game sous-titré Shodown parfaitement dispensable. Qu’en est-il de Drawn to Life ?
Conditions du test : Nous avons joué une dizaine d’heures sur une Nintendo Switch classique, et ce principalement en mode portable.
One eternity later
Sous ses airs de jeu de plateforme pour gosses, le premier Drawn to Life (nommé Dessine Ton Héros chez la francophonie) bénéficiait d’un second degré de lecture assez intrigant. Mais ce n’est qu’avec sa suite, Dessine Ton Aventure, que les choses se concrétisèrent. La fin de ce second volet canonique est en effet assez rude, évoquant mort et trauma. Cette bad ending a d’ailleurs été reçue tellement froidement qu’elle fut réadaptée à l’occasion d’une nouvelle sortie des deux titres, via une compilation là encore exclusive à la DS.
Mais une nouvelle fois, la fin laissait peu de place à l’imagination, puisque l’aventure s’étaient manifestement déroulée dans l’esprit d’un enfant tombé dans les pommes après une mauvaise chute. L’annonce d’un troisième volet canonique avait donc quelque chose d’assez étonnant. Difficile de justifier le retour dans ce monde doux et coloré alors que tout n’a été que le fruit du subconscient d’un jeune garçon. Pourtant, tout reprend comme si de rien n’était, juste après les événements de Dessine Ton Aventure.
Premier constat négatif pour ce nouvel épisode, qui fait le choix assez discutable de la suite directe… onze ans après le précédent. Comme si les enfants qui avaient découvert la licence sur DS allaient se rappeler des quelques subtilités induites par son scénario étrange. Ou encore, comme si le public n’avait pas changé… Ce qui est d’autant plus problématique que l’histoire dépeinte dans Two Realms est décevante en tout point, et fait totalement fi du second degré de lecture des précédents pour se focaliser sur une approche trop mièvre de cet univers déjà très enfantin.
Les développeurs de chez Digital Continue se sont tirés une balle dans le pied en pensant le scénario comme une suite. Il aurait été bien plus judicieux de partir sur une nouvelle aventure, que tous auraient pu apprécier sans avoir à faire de référence aux deux premiers volets. De surcroît, la façon dont est adaptée cette troisième partie semble très forcée. Nous faisant passer du monde du réel au monde imaginaire comme si de rien n’était, et enterrant une bonne fois pour toutes les bons cotés de la trame alambiquée des deux premiers. C’est dommage, car en soi l’univers de Drawn to Life a beaucoup de potentiel !
Adieu création
Enfin ce que l’on reprochera surtout à Drawn to Life : Two Realms, c’est sa paresse. Pour commencer, sachez qu’il s’agit d’un jeu de plateforme en 2D très classique. Trop classique, d’ailleurs, au point que l’on n’est jamais surpris par ses mécaniques, véritables poncifs du genre, ou par le level design, globalement très décevant. Par ailleurs, les phases courtes de plateforme sont chaque fois dénuées de challenge, et n’offrent d’une certaine façon aucun véritable sentiment d’accomplissement. Aucun feeling vidéoludique non plus d’ailleurs.
Oubliez aussi les différents outils de création que l’on trouvait dans les précédents. Two Realms ne s’est pas séparé de tout, permettant notamment de se créer son propre personnage de la tête aux pieds. Mais il reste néanmoins très rare que l’on fasse appel à notre créativité. Et surtout, le titre ne tire aucunement partie du tactile de la Nintendo Switch. Chose que l’on aurait pu comprendre s’il était sorti en parallèle sur PS4 et One par exemple… Alors qu’il est disponible sur mobiles et sur PC (sur lequel le tactile aurait pu être remplacé par l’utilisation de la souris).
Vous vous en doutez probablement, dessiner avec joysticks et boutons conventionnels n’est pas une partie de plaisir. Cela commence à faire beaucoup au tableau des défauts, et nous n’avons pas fini. La construction en petites zones « ouvertes » est une mauvaise idée, cassant régulièrement le rythme pourtant soporifique de l’aventure. La bande son n’est pas là pour relever le niveau non plus, autant parce qu’elle n’est pas très convaincante que parce qu’elle est globalement trop douce elle aussi… jouez à Drawn to Life : Two Realms avant de vous coucher, c’est le sommeil assuré !
Reste une idée intéressante de game design : l’utilisation de créatures. Certains niveaux nous demandent en effet de placer un certain nombre de monstres comme bon nous semble, afin que ceux-ci nous aident à franchir les obstacles. Sympathique les premières fois, cette fonctionnalité montre néanmoins très rapidement ses limites. La difficulté de ces phases est complètement absente, et le level design peu inspiré est un véritable frein à notre créativité. C’est dommage, là encore, parce qu’à défaut d’originalité, il y avait moyen de faire quelque chose d’intéressant.
Terminons sur un constat mitigé, là encore, au niveau des graphismes de cet épisode. Que ce soit clair, les phases de plateforme sont tout bonnement laides, et les animations quasiment inexistantes. Ce qui passait pour un parti pris artistique sur DS est ici une preuve béante de paresse… Ce qui est plutôt dommage, puisque à coté de cela les environnements que l’on parcours en vue isométrique sont plutôt jolis.
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