Dans le fond, qui n’a jamais eu envie d’être le maître des forces du mal ? Dungeon Keeper donnait vie à ce fantasme en 1997 avec un jeu malin, drôle et qui allait à contre-courant de toutes les productions de l’époque. Alors qu’elle arrive à son troisième épisode, et malgré l’absence quasi totale de véritable concurrence, la série des Dungeons ne s’est toujours pas imposée comme le digne successeur du jeu de Bullfrog. Cet épisode trois a eu tout le loisir d’apprendre des erreurs passées pour enfin s’imposer, alors cette fois, pas d’excuses.
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ToggleL’humour un peu tâche qui gâche le plaisir
Une chose est sûr c’est que Dungeons 3 en fait beaucoup, mais alors beaucoup trop. Si le choix de jouer la carte de l’univers héroïque-fantaisie décomplexé et parodique se défend dans le contexte de jouer les forces du mal, il faut tout de même être capable de soutenir cela par certaines qualités d’écritures. Qualité qui manque malheureusement cruellement aux personnes derrière le jeu.
D’un côté, on a des blagues qu’on retrouve dans toutes les mauvaises parodies du genre, soutenues par des blagues meta tellement lourdes et lâchées n’importe comment qu’on peine à y croire. Le quatrième mur n’est pas seulement abattu à grands coups de canons, il est aussi souillé par des blagues qui ne volent pas plus haut que « haha, mais vous savez, on est dans un jeu vidéo donc c’est trop lol ! ».
Ainsi le narrateur se moque des développeurs une phrase sur deux, change les règles du jeu à sa guise pour des raisons souvent douteuses (comme les fois où il fait apparaître des ennemis parce qu’il est vexé, une blague qui peut coûter cher et qui revient plusieurs fois) et ponctue interventions par des « Je pourrais vous expliquer plus en détails, mais je ne suis pas assez payé pour ça ».
Des références à la pop-culture maladroites, malgré des mises en garde des joueurs
Et si vous pensiez avoir déjà touché le fond, sachez que nous n’avons encore qu’effleuré le problème. Le coup de grâce est porté par ces incessantes références à la pop-cultures et aux jeux vidéo, totalement gratuites et hors propos 99% du temps. Ainsi, on attaque la ville de « Twistram », on fait face à « Grimli roi des nains », la sorcière crie « kaméhaméha » pour lancer un sort… le jeu est bourré de vaines tentatives de clins d’œil du genre. Les unités ont toutes un nom « rigolo » aussi, et attention c’est l’éclate, les soigneuses nagas s’appellent par exemple « Ssstaem Gaem », « Miley SSssiruu », « Sssselna Gamoz », et j’en passe. C’est aussi ridicule que fatigant, et l’effet produit est tout l’inverse de celui recherché. Et quand on sait que les joueurs avaient ardemment reprochés aux développeurs un humour trop présent dans les épisodes précédents, cette avalanche de vannes ressemble à un grand doigt d’honneur malheureux adressé aux fans.
Tout ceci peine à faire briller le travail abattu sur la version française qui est exemplaire. La VF surclasse même aisément la version anglaise du jeu, avec des doubleurs investis à 100% et qui se débattent comme ils peuvent avec leur texte. Le titre enrobe tout cela dans une direction artistique qui plagie allègrement Warcraft III et Torchlight sans jamais se trouver une véritable identité. Reste que techniquement, le jeu est plutôt joli avec des graphismes très propres et colorés, on a même le droit à quelques jolis effets visuels de temps à autre. On s’en voudrait presque de ne pas réussir à apprécier le jeu tant il semble inoffensif et vouloir bien faire par moment.
On peut aussi regretter une bande-son qui ressemble plus à des mauvaises chutes de ténors du genre qu’autre chose, surtout qu’il n’y a pas plus qu’une poignée de morceaux rapidement redondants.
Ce donjon, sera votre donjon
Si le gameplay est le plaisir de jeu sont fatalement parasités par les choix d’écritures, ce n’est malheureusement pas non plus leur unique problème.
On creuse donc la terre afin de construire notre donjon de grand méchant que l’on organise en salle.
- Une salle pour stocker l’or,
- une pour que les troupes mangent,
- une pour qu’ils se reposent,
- encore une pour fabriquer les pièges.
Il est nécessaire de creuser de plus en plus profondément sur la carte afin de créer de nouvelles pièces et de trouver plus de ressources. Les filons d’or n’étant pas éternels, il faut en trouver un autre si on ne veut pas se retrouver à court de ressources. Mais il en va de même pour le mana que l’on récolte au gré de nos coups de pioches. Pour nous aider, on dispose d’un petit groupe de « grouillots » infatigable et multi-tâche à qui on peut asséner quelques baffes pour accélérer la cadence.
Il faudra également penser à défendre notre donjon de l’envahisseur du Bien à l’aide de différents pièges. Certains se déclenchent automatiquement, comme les pics sur le sol, d’autres sont à déclencher manuellement comme un gros rocher qui viendra écraser les ennemis s’il est relâché au bon moment.
Pour le reste, une salle de garde et quelques orcs feront l’affaire. On passe malheureusement plus de temps à lutter avec le maniement peu instinctif des troupes au sein du donjon que face aux envahisseurs bien frêles qui tentent de nous arrêter. Il suffit de deux ou trois pièges pour repousser l’ensemble des assauts de votre adversaire qui sera à peine plus agressif dans les niveaux les plus avancés de la campagne. Résultat, le seul véritable challenge côté gestion c’est de récolter suffisamment de ressources pour étendre son donjon et renforcer ses troupes.
Un système qui manque d’équilibre
Après quelques parties seulement, on comprend l’intégralité du système du jeu et on se retrouve forcé de s’y plier. Il n’y a qu’une seule façon de faire son donjon, jamais l’ordre des constructions ne se retrouve perturbé par un quelconque élément, et on s’exécute lentement à cette phase de mise en place pénible et rapidement trop ennuyeuse.
Des éléments lents qui font perdre patience
La lenteur avec laquelle s’exécute nos grouillots aura vite raison de notre patience. La récolte des ressources est elle aussi horriblement lente et il n’y a aucun moyen pour accélérer l’ensemble de nos actions. Même la main démoniaque de notre avatar à du mal à suivre le curseur de la souris, un comble.
L’arbre des technologies mis en place est tout petit et force encore une fois le joueur à toujours aller dans la même direction en début de partie.
On débloque rapidement les soigneuses naga et de quoi empiler les unités, puis on améliore son héros et ses sorts, le reste n’a finalement que peu d’importance.
Les deux faces de l’ennui
Au final, ce Dungeons 3 souffre d’énormes problèmes de rythmes mis en lumière par son double aspect gestion-rts.
Le manque de difficulté
En effet, il faudra envoyer nos troupes à la surface pour réduire le bien à néant. Cette phase se joue comme un rts traditionnel sans aucune particularité ou profondeur stratégique. On prend rapidement possession des fontaines qui permettent de récupérer de la méchanceté (indispensable pour faire avancer l’arbre), puis on se concentre sur les objectifs les uns après les autres. Un petit commando avec deux ou trois orcs, deux soigneuses et une poignée de démons sera toujours suffisamment puissant pour raser la carte à eux seuls. Rares sont les fois où nos troupes tombent au combat tant l’opposition est faible et ce, même en difficulté maximale.
La lenteur, et l’humour qui n’accroît que la frustration des joueurs
Le jeu ne parvient pas à gérer intelligemment les deux aspects de son gameplay et se perd entre une phase de construction répétitive et lente, et des affrontements sans réels dangers que l’on remporte d’un seul clique de souris.
Rajoutons à cela des missions interminables passant régulièrement le cap des 45 minutes avec toujours les mêmes objectifs. Il s’agit généralement de détruire plusieurs fois la même chose, souvent à cause d’une nouvelle blague mal placée. Eh oui, les vaines tentatives des développeurs de nous faire rire se transforment aussi souvent en moment de frustration intense. Quand par exemple, un boss regagne l’intégralité de son interminable barre de vie parce que le narrateur dit « Mais sans aucune raison, le monstre regagna sa vitalité ! », puis « une astuce habile des développeurs pour booster artificiellement la durée de vie du jeu », quand je vous dis qu’on a l’impression qu’on se fout de nous…
Ceux qui par miracle trouvent une véritable source de plaisir à jouer à ce Dungeons 3 seront donc ravis d’apprendre que la campagne solo passe les 20 heures de jeux sans mal. Mais il faut bien comprendre qu’il s’agit de 20 heures passées à refaire le même donjon, parfois au bloc près, et à répéter les mêmes objectifs sous une narration gonflés par un humour lourdingue. Le scénario n’avance d’ailleurs pratiquement pas du début à la fin et pourrait se résoudre en 3 petites missions. Clairement les « efforts » narratifs ont été placés dans d’autres domaines…
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