Parvenir à renouveler la formule d’une licence bien en place sans faire hurler les fans n’est pas une mince affaire. C’est pourtant ce que tente Yuke’s avec Earth Defense Force depuis Iron Rain, opus parfaitement convaincant paru en 2019. Pour ne pas dire meilleur que les précédents d’ailleurs ! Cette année, histoire de nous faire patienter en attendant un EDF 6 tellement énigmatique qu’on ne connaît pas encore son (ou ses) support de sortie, Yuke’s vole à nouveau la vedette à Sandlot, développeur historique de la licence.
C’est ainsi que le 27 mai dernier débarquait un certain Earth Defense Force : World Brothers. Une expérience qui change radicalement de style visuel, mais propose aussi une recette quelque peu différente de ce à quoi nous a habitué la série de D3 Publisher. Le tout sur fond d’hommage et de fan service, dont la pertinence reste encore à démontrer. Ce qui est sûr, néanmoins, c’est qu’avec ses couleurs chatoyantes, le jeu de Yuke’s est alléchant ! Mais peut-il rivaliser avec l’excellent Iron Rain, ou même avec les précédents opus ? Rien n’est moins sûr !
Conditions du test : Nous avons joué une bonne trentaine d’heures à la version Nintendo Switch, principalement en mode TV. Nous avons aussi testé brièvement la prise en main sur le modèle Lite. Cela fut suffisant pour faire le tour des missions du jeu en solo, participer à quelques joutes en ligne, et pour réaliser un constat de son contenu global.
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ToggleEDF fait peau neuve
Annoncé en même temps que Earth Defense Force 6, dont on ne sait toujours rien, World Brothers s’est instantanément positionné comme un épisode avec des prétentions plus minces que Iron Rain, probablement développé dans l’optique de faire patienter les fans avant l’arrivée du prochain opus numéroté. Il faut dire que passer après cette réussite quasi-complète n’était pas chose aisée ! Pourtant, il faut reconnaître que World Brothers jouit d’un atout évident : son aspect visuel !
Un changement radical de direction artistique pour la série, qui visait plutôt une orientation « réaliste » jusque-là (remarquez les énormes guillemets). Le choix du voxel à la Trove et des couleurs vives lui colle néanmoins à merveille ; quitte à jouer la carte de l’action écervelée et décomplexée, alors pourquoi pas l’enrober de graphismes plus chatoyants ?
Le résultat est plutôt joli, et rentre parfaitement en corrélation avec le postulat étonnant de départ : le monde tombe littéralement en morceaux après une nouvelle attaque des forces extraterrestres. Par ailleurs, le level design, quoique inégal, offre quelques beaux moments. La profusion de couleurs n’y est pas étrangère. Dommage que les quelques niveaux soient recyclés tout au long de l’aventure, mais surtout que la réalisation technique soit aussi peu convaincante. Même si, avec le passif de la série, on ne s’attendait pas vraiment à un constat différent.
Enfin l’énumération des problèmes que cumule World Brothers a de quoi faire tourner la tête ! Ralentissements très réguliers, caméra complètement aux fraises, aliasing, problèmes de collision, bugs divers et variés… cela fait beaucoup, et nous en oublions probablement.
Notez que nous avons testé le titre sur Nintendo Switch, mais qu’il est aussi disponible sur PlayStation 4 et PC. Des trois versions, nous avons évidemment eu entre les mains celle qui avait le plus de chances d’être bourrée de problèmes techniques. Néanmoins, bien qu’on imagine aisément un petit downgrade graphique entre la PS4 et la Switch, force est de constater que hormis ses problèmes susnommés, cette mouture portable n’a pas à rougir. Sa distance d’affichage est convenable, ses textures plutôt propres…
Pour le reste, nul doute que les trois versions sont plus ou moins identiques. Reste des animations rudimentaires, inhérentes à l’utilisation du style cubique. Bien sûr, on ne peut pas en vouloir au titre, tout comme on ne pointerait pas cet aspect chez Minecraft.
D’autres changements au programme
Hormis ce nouveau style visuel plutôt convaincant, Earth Defense Force : World Brothers change aussi quelque peu son système de progression par rapport à ses pairs. Que les fans se rassurent, il s’agit toujours de dézinguer des insectes géants et des gros robots par milliers, dans des maps destructibles à souhait. Par ailleurs, il faudra une nouvelle fois compléter une liste plutôt longue de missions, au nombre de 60. De quoi occuper une bonne vingtaine d’heures en mode normal, et plus en augmentant la difficulté. Notez qu’il en existe six, dont trois à débloquer, pour un challenge global un peu moins corsé que d’habitude. Si ce n’est lors des missions requérant que l’on empêche la destruction d’un bâtiment, une véritable purge.
Profitons en pour aborder le réel manque de variété dans la progression. On ne nous demande concrètement que de faire exploser tout ce qui bouge, hormis les très rares missions susnommées, et il faut bien avouer que le sentiment de tourner en rond se fait vite sentir. Alors, bien sûr, c’est une composante que l’on retrouve dans tous les opus de la série. Mais avec ce qui va suivre, vous comprendrez probablement pourquoi ce défaut est d’autant moins excusable chez World Brothers.
Ce qui change radicalement ici, c’est le système de loot. Dans les épisodes précédents, il était question de récupérer de l’armement et de l’armure sur le terrain, afin d’améliorer son (ou ses) personnage, et de faire grossir un arsenal généralement sacrément conséquent. Iron Rain revoyait un peu sa copie à ce sujet, mais conservait toutefois les bases : on y récupérait toujours des ressources sur le champ de bataille. Et, avouons-le, ceci avait quelque chose d’assez addictif, et même de grisant.
Avec World Brothers, néanmoins, tout cet aspect a malheureusement disparu. Désormais, les items à ramasser dans les niveaux serviront exclusivement à regagner de la vie, ou à faire monter une jauge de spécial, permettant d’effectuer une attaque destructrice. Autrement dit, avec la masse d’objets tombant au sol en zigouillant les ennemis, nous ne sommes jamais vraiment en reste de PV, à condition bien sûr de garder les yeux ouverts et de ne pas se jeter bêtement dans d’énormes groupes d’insectes géants.
Reste que l’on aura trois personnages à secourir à chaque mission. Ceux-ci intégreront ensuite notre équipe, nous permettant alors d’utiliser leurs armes et de récupérer leurs accessoires. Si sur le papier ce n’est pas une mauvaise idée, cela supprime néanmoins une grosse part du fun des opus précédents, chez qui le loot revêtait une importance capitale. Ici, les armes sont une nouvelle fois nombreuses, mais on ne les récupère pas à la même fréquence, et cela a quelque chose de frustrant. Le seul véritable bon point de cette nouvelle recette, c’est le fait que l’on puisse embarquer quatre combattants à chaque mission, et en changer d’une simple pression sur la croix directionnelle.
Ce qui permet des compositions un brin stratégiques, tout en rendant la répétitivité des combats plus acceptable, puisque l’on change ainsi régulièrement d’armes et de capacités. Nous aurions tendance à préférer la recette des précédents volets, qui offrait un peu moins de profondeur, mais se révélait incroyablement jouissive. Néanmoins, la prise de risque est à applaudir, même si elle ne plaira pas à tous les amoureux de la série. Enfin, nous abordions le sujet dans notre preview, cela peut être une porte d’entrée idéale pour les néophytes, tant que ceux-ci ne sont pas anglophobes. À ceux-ci de déterminer s’ils sont près à passer outre les problèmes techniques multiples, évidemment.
Les personnages sont rangés pas classes, et leur liste est assez longue. Notez que chaque classe dispose de ses propres caractéristiques, leur permettant pour certains de voler, pour d’autres de faire des roulades, ou encore de se mouvoir comme si la gravité était aussi faible que sur la Lune. Il en va de même au niveau des statistiques, certains personnages étant plus rapides que d’autres, ou ayant de base une meilleure armure. Bien sûr, il est toujours possible d’améliorer ses combattants fétiches. On gagne par exemple de l’armure en terminant des missions. Il est aussi possible de faire grimper le niveau des capacités de nos personnages au cas par cas, mais le processus est un brin ennuyeux car relativement aléatoire.
Quant au gameplay pur et dur, on est face à quelque chose de très similaire à ce que l’on connaît de la série, autrement dit du Third Person Shooter assez commun. Néanmoins, quelques imperfections nous renvoient à l’époque d’un Force de Défense Terrestre 2017, paru en 2007, notamment dans la lenteur irritante de certaines classes, ou encore dans la lisibilité trop régulièrement imbuvable ! Mais le plus gros point noir est très certainement la conduite effroyable des véhicules…
On aimerait vous dire que ces problèmes ne ternissent pas profondément l’expérience… mais à ce niveau il est difficile de prévoir quel type de joueur sera capable de passer outre sur une vingtaine d’heures de jeu ou plus. Bien qu’on se doute que les fans de la licence, qui lui excusent déjà beaucoup, ont plus de chances de passer un bon moment que les autres.
Un petit mot sur le multijoueur de cet opus, qui a le bon goût de proposer des parties en local. Sur Nintendo Switch, il est ainsi possible de jouer à quatre, en ayant chacun sa console et son jeu, dans la même pièce. Pas de mode en écran splitté pour la console hybride malheureusement ! Il faudra passer par la PlayStation 4 pour y avoir droit. Quant au online, il fonctionne plutôt bien… si ce n’est que les serveurs manquent pas mal de monde pour le moment ! Enfin nous avons pu observer une évolution à ce niveau au cours de notre semaine de test, et sommes plutôt optimistes !
L’art de ne pas se prendre au sérieux
Si avant cela la série ne s’embarrassait pas vraiment de scénario, mais se contentait d’un vague contexte, avec Iron Rain la donne changeait quelque peu. Yuke’s a visiblement à cœur d’offrir de véritables dialogues, aussi ridicules soient-ils, et de permettre aux joueurs de s’identifier plus facilement aux protagonistes… Bon, dans les faits, il faut avouer que l’on s’en cognait déjà pas mal dans Iron Rain, dont tout le monde ou presque sautait les différentes cinématiques à la vitesse de l’éclair.
Chez World Brothers, cette composante « scénaristique » (remarquez à nouveau les énormes guillemets) a presque de quoi agacer sur le long terme. On sent bien la bonne volonté du développeur, mais il ne suffit malheureusement pas de cela. En vérité, tout aurait été plus simple et agréable s’il était possible de sauter les dialogues, comme de vulgaires cinématiques, d’une pression de touche. Mais il faudra malheureusement supporter ces personnages surjouant continuellement, leurs doublages parfois à la limite du supportable, et cette vague histoire complètement débile, même en online…
On soulignera tout de même le fait que Yuke’s ait pris l’initiative de rassembler différents personnages (autrement dit classes) des opus précédents, jusqu’à Monster Attack sur PlayStation 2. De quoi rappeler de bons souvenirs aux fans de la première heure, qui pourront jouer avec leurs classes favorites et les améliorer, quand ils ne seront pas tentés par les nouveaux venus aux attaques spéciales parfois bien pratiques (on pense par exemple à la déesse égyptienne et ses tornades). Un fan service évident mais qui fonctionne à merveille, au même titre que la collectionnite aiguë qui peut s’emparer de certains joueurs désirant collecter tous les personnages du jeu.
Dans le même ordre d’idée, on retrouve dans World Brothers certaines maps d’autres épisodes, notamment le Londres de Invaders From Planet Space, ou encore différents morceaux piqués au hasard dans la bande-son de la série. Heureusement d’ailleurs, parce que sans ça l’aspect musical de cet opus ferait un peu tâche, avec ses tracks électro-pop qui tournent en boucle.
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