Eastshade, c’est l’histoire d’un voyage qui commence par une catastrophe. Alors que vous vous apprêtez à rejoindre Lyndow par voie navale, votre embarcation heurte le récif et s’échoue. Si la grande majorité des passagers survivent à l’accident, d’autres périssent. Certains encore, en ont pour leurs frais et ont tout perdu dans le drame. Vous incarnez une peintre qui, suivant les pas de sa mère, se rend sur l’île d’Eastshade. Plus particulièrement, le petit village de Lyndow qu’elle abrite. Après ces débuts si sombres, vous tachez de reprendre vos esprits grâce à la bienveillance de la population locale. Nul ne s’offusque d’ailleurs de rencontrer une artiste peintre en quête d’inspiration dans cette contrée pourtant reculée. Dès vos premiers contacts, vous comprenez immédiatement que les lieux regorgent de secrets, de mystères. Et si l’art était finalement un moyen de saisir au vol l’histoire d’hier et d’aujourd’hui ? À bien des égards, Eastshade nous fait penser à un savant mélange entre The Witness et Rime, voyons ce qu’il en est.
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TogglePrendre le temps et s’imbiber des lieux
Vos premiers pas dans Eastshade sont donc ceux d’une rescapée. Grâce à la générosité d’un ermite local, vous reprenez vos esprits et êtes en mesure de rejoindre le petit centre situé en surplomb de la rive. Si chaque personnage rencontré fait état de sa stupeur face à la catastrophe, tous semblent incrédules face au sort de leur contrée. C’est que Lyndow a déjà été frappé par le malheur dans le passé. Les traces sont d’ailleurs encore visibles ça et là pour le promeneur attentif. Alors que l’aubergiste vous accueille les bras ouverts, vous comprenez deux choses quasi immédiatement.
D’une part, l’histoire des lieux est riche et complexe. Glaner les témoignages des différents PNJ vous en dira long sur le vécu des locaux. Vous aurez également à vous familiariser avec l’environnement luxuriant qui borde ce petit village. D’autre part, vos talents d’artiste-peintre vous seront d’une grande aide. Non seulement à titre personnel tant la faune et la flore invite à la rêverie et à la création mais aussi collectivement. Vos œuvres serviront bien souvent à vous ouvrir des portes, vous frayer un chemin, entamer le dialogue ou le pousser plus avant.
En apprendre sur l’histoire des lieux au gré des rencontres
Accompagnée d’une bande son magique et douce, vous prendrez soin donc de visiter les alentours. Vous pourrez à loisir rencontrer les personnages qui fourmillent dans cet endroit. Avec stupeur, vous vous apercevrez que tous ont des visages d’animaux (singes, ours, chevreuil…). Une fois cet anthropomorphisme intégré, vous emprunterez les chemins de traverse. Ceux-ci parcourent l’île entière et vous mènent de bosquet en bosquet. Vous apprendrez très vite que chaque parcelle de territoire a son histoire.
Ici une tour abandonnée que l’on croit hantée, là une cabane d’herboriste où l’on expérimente des plantations nouvelles. Au détour d’un chemin, vous ferez face aux restes de la coulée de boue qui a saccagé le vieux Lyndow. Depuis, tout se tait, le désastre a laissé les lieux sans âme qui vive. Ailleurs, adossé à un arbre, un lecteur farfelu qui collectionne les plumes. Ce personnage à tête de hibou dévore la littérature tout le jour durant. Que dire par ailleurs de l’architecte des lieux qui après avoir réalisé l’œuvre de sa vie, a subitement disparu sans laisser de traces.
Un gameplay qui prend fait et cause pour la narration
On l’aura compris, Eastshade est une exploration contemplative en monde ouvert qui invite au recueillement. L’écran est intentionnellement dépouillé d’indicateurs quelconques pour faire place à l’observation. Dans la même veine, les commandes sont épurées pour ne laisser place qu’à l’essentiel. Là où certains titres ajoutaient ça et là des tricks pour parvenir à récupérer des objets utiles à la quête comme dans Degrees of Separation, Eastshade fait le choix de la simplicité.
Vous n’utiliserez guère que la commande permettant de créer des toiles et celle vous invitant à peindre ce que vous voyez. C’est là bien l’essentiel. L’accent est mis sur des graphismes fins, des battisses à l’architecture soignée comme serait celle d’une cité perdue. Le souci apporté à la gamme de couleurs déployée est également un vrai régal. À vous de prêter l’oreiller aux clapotis que font les grenouilles tout en croassant de concert. À également d’être sensible au chant des oiseaux bercés par le soleil qui « poudroie à quelque trou ». Ce qui plaît, c’est que tout est orienté vers la narration. Tout lui vient en support, en appui et ce, pour ne garder que le minimum vital. Le reste n’étant que l’exercice de votre liberté de mouvement et d’action.
Une ode à la liberté
Délié de contraintes et d’empêchements, vous n’aurez qu’à visiter cette région, sans obstacles, sans signaux qui viendraient brouiller le message d’ensemble. Celui pourrait être : laissez vous guider et imprégner de la douceur des lieux pour mieux en saisir la quintessence et les mystères. Si toutefois votre progression est entravée, c’est que le récit l’exige, pour vous orienter sur un sillon invisible en plein jour. Vous aurez ainsi parfois besoin de vous procurer certains breuvages pour sortir la nuit sans souffrir du froid. La monnaie locale (les lumigemmes), vous permettra d’étendre votre zone d’action ou de récupérer des décoctions qui justement vous permettront de voir Lyndow sous une autre perspective. Sans compter les autres surprises qui se présenteront sur votre chemin. Vous pourrez également vous permettre, grâce au fruit de votre travail, de visiter Nava, la cité gargantuesque nichée plus loin sur l’île. Un autre monde s’ouvre alors…
Notez enfin qu’au gré de vos pérégrinations, votre jauge d’inspiration s’ajustera à vos découvertes. Plus vous arpenterez l’île, plus vous vous sentirez porter par un souffle créateur qui vous poussera à peindre. Ce fait de jeu à lui seul résume parfaitement l’état d’esprit d’ensemble de ce titre hors du commun.
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