Quand Konami a décidé ne plus exploiter ses licences mythiques afin de se concentrer sur les pachinko et les jeux mobiles, les développeurs historiques de la licence Suikoden ont décidé de combler ce vide en 2020 en lançant une campagne Kickstarter pour Eiyuden Chronicle: Hundred Heroes. L’engouement phénoménal pour le financement participatif a ainsi démontré que les fans étaient en attente d’un titre de ce calibre et proposé nulle par ailleurs. 4 ans plus tard, le jeu est enfin disponible et malgré quelques grosses faiblesses, nous sommes devant le digne héritier des jeux Suikoden.
Conditions de test : Nous avons terminé le jeu sur PC via Steam uniquement avec les voix japonaises. Nous n’avons pas recruté tous les personnages disponibles, toutefois nous possedons une grande partie d’entre eux.
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ToggleUne histoire qui en cache 100 autres
Eiyuden Chronicle: Hundred Heroes renoue avec la formule emblématique de la série Suikoden, qui a brillé sur PlayStation 1 et PlayStation 2, et dont l’absence se faisait ressentir dans l’univers des JRPG en raison de son caractère unique. À la différence des RPG japonais traditionnels, qui nous plongent généralement dans une aventure avec un petit groupe de héros, ce jeu nous entraîne dans un conflit politique à grande échelle, enrichi par une narration étoffée grâce à ses centaines de personnages recrutables, chacun avec sa propre histoire.
Bien que le studio Rabbit & Bear mette en avant un trio de héros, l’histoire suit principalement Noah dans la région d’Allraan. Actif dans la recherche des technologies amplifiant la magie des lentilles runiques — des objets offrant divers pouvoirs —, l’empire Galdéen surprend toutes les nations en les soumettant les unes après les autres. Face à cette menace, une résistance nommée « l’Alliance » émerge. Pour consolider ses forces, Noah va devenir le chef de cette coalition et se lancer dans une quête pour rallier de nouveaux alliés à travers le royaume.
Bien que l’intrigue principale d’Eiyuden Chronicle: Hundred Heroes soit suffisamment captivante, on en attendait bien plus de celle-ci étant donné qu’elle prend le temps de s’installer en nous présentant les diverses nations clés et les manœuvres politiques menant à cette guerre, pour finalement adopter une trame très classique semblable à celle de nombreux autres JRPG. Par contre, là où l’on peut rendre hommage au regretté Yoshitaka Murayama, c’est au niveau du world-building exceptionnel du jeu. Ce dernier présente une richesse de cultures et de races qui crée un univers fascinant et agréable à explorer.
Ces éléments de conception contribuent à une diversité impressionnante parmi les personnages que l’on peut recruter, chacun apportant sa propre histoire. Finalement, ce sont ces petites histoires individuelles des membres de l’Alliance qui rendent le voyage à travers Eiyuden Chronicle: Hundred Heroes si plaisant. En outre, l’ensemble du casting bénéficie d’un doublage japonais de haute qualité qui donne vie à chaque personnage. On y reconnaît de grands noms du milieu si vous êtes habitués aux voix japonaises de jeux et d’anime.
Recrutez-les tous
Eiyuden Chronicle: Hundred Heroes s’inspire fortement des JRPG rétro dans ses mécaniques de jeu, avec des explorations de villes et de donjons sur une vaste carte du monde, des combats aléatoires, et des affrontements au tour par tour. Cependant, le titre se distingue par une exploration approfondie qui nous encourage constamment à recruter de nouveaux compagnons pour développer notre domaine.
En tant que chef de l’Alliance, vous démarrez avec un château en ruine et un petit groupe de fidèles. Au fur et à mesure que vous recrutez plus de monde, il devient possible d’améliorer votre base et d’accéder à de nouveaux services. De nombreux personnages demandent des faveurs spécifiques pour se joindre à votre cause, que ce soit l’acquisition de certaines ressources, atteindre un niveau de statistique spécifique, ou récupérer un objet sur un monstre. Cette course au recrutement fait à la fois vibrer le collectionneur en nous tout en nous faisant profiter d’une montée en puissance qui rend notre aventure beaucoup plus confortable.
L’exemple le plus parlant est lorsque l’on obtient le membre ayant la faculté de se téléporter, faisant ainsi gagner un temps fou lors des déplacements, qui sont assez poussifs en début de jeu. Dans votre escouade de six combattants, vous avez également la possibilité d’intégrer un personnage de soutien qui offre des capacités passives uniques et souvent très utiles, comme la possibilité de doubler les gains en or ou d’accélérer vos mouvements.
Le vaste choix de personnages confère une liberté totale dans la composition de votre équipe, bien que certains passages clés de l’histoire imposent des membres spécifiques. Les combats au tour par tour restent assez traditionnels, mais la constitution de l’équipe est constamment renouvelée grâce à l’arrivée de nouveaux membres qui permettent de créer diverses synergies. Le système de combat est également enrichi par une multitude de combos spéciaux, qui ne peuvent être déclenchés que par la combinaison de deux ou trois personnages précis.
Un JRPG riche mais souvent maladroit
Un peu à la manière de Final Fantasy VII Rebirth récemment, Eiyuden Chronicle: Hundred Heroes aspire à offrir une expérience de jeu aussi variée que possible, cependant Rabbit & Bear n’est pas parvenu à atteindre le même degré de finition. Le JRPG propose ainsi une myriade de mini-jeux incluant des combats de toupies à la manière de Beyblade, des duels de cartes, ou encore des courses de bateau sur sable. Malheureusement, l’ensemble des activités se révèlent assez anecdotiques et ne donne pas vraiment envie d’y plonger plus d’une fois. Ce manque cruel de peaufinage souligne les ambitions trop élevées du projet, qui semblent avoir outrepassé les capacités du studio.
Une autre fonctionnalité récurrente qui laisse à désirer concerne les batailles à grande échelle, où l’on doit déplacer stratégiquement leurs armées sur un champ de bataille quadrillé et utiliser les capacités spéciales des généraux. Bien que l’idée soit intéressante, elle manque de profondeur et se révèle insatisfaisante. Ces séquences deviennent rapidement longues et monotones, au point que l’on se retrouve à envoyer les troupes machinalement. En revanche, l’une des bonnes idées originales du titre réside dans les combats de boss qui nécessitent une interaction spéciale à utiliser au moment opportun pour prendre l’avantage. On retrouve également les fameux duels à un contre un de Suikoden avec un système de Pierre-papier-ciseaux.
Pour résumer le gros défaut de Eiyuden Chronicle: Hundred Heroes est qu’il n’a pas su suffisamment moderniser la formule de Suikoden pour atteindre les sommets qu’on lui souhaitait. La partie graphique illustre parfaitement cette critique en demi-teinte avec des sprites magnifiques incrustés dans des décors souvent inégaux et manquant de soin. L’intention de marier personnages en 2D avec des décors en 3D n’est pas pleinement réussie. Même sans être exigeant visuellement, il est difficile de pleinement apprécier le rendu lorsque l’on a pris en main des titres exploitant le même procédé avec brio tels que Star Ocean The Second Story R ou Octopath Traveler II.
Cependant, il est essentiel de reconnaître l’énorme travail de Junko Kawano sur le chara-design. Pour un jeu qui se base énormément sur son casting, il faut avouer que la conception des personnages a été soignée et contribue grandement à les rendre attachants. Les musiques du jeu sont également très réussies avec un travail conjoint de Motoi Sakuraba (Tales of, Valkyria Chronicles, Star Ocean), Michiko Naruke (Wild Arms) et Akira Yamaoka (Silent Hill) qui fait des étincelles dans tous les domaines, que ce soit les musiques d’exploration relaxantes ou les thèmes de combats dynamiques.
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