Edité par THQ Nordic, Elex 2 est la suite de Elex premier du nom sorti il y a maintenant 5 ans en 2017 par le même développeur, Pyranha Bytes, auteur de la célèbre série de RPG Gothic, ou encore de la série Risen. Pyranha Bytes est connu pour des RPG exigeants, complexes, et aux mécaniques bien rodées, mais aussi tristement pour leur partie technique souvent plus que discutable. Bugs à foison, animations datées, visuels inconstants, la liste des tares connues du studio est longue comme le bras.
Malgré tout, leurs productions arrivent à s’attirer la grande sympathie d’un public averti et investi, par leur patte unique et leur façon “old-school” de faire du RPG. Elex 2 a la lourde tâche de balayer les errances désuètes du premier épisode, afin de proposer un jeu de rôle exigeant, à l’ancienne, et doublé d’une parure de nouvelle jeunesse. Est-ce toujours dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes ? Spoiler : c’est compliqué.
Conditions du test : Nous avons joué à Elex 2 pendant 60h en ayant terminé sa trame principale ainsi qu’une grande majorité de ses quêtes annexes. Ce test a été réalisé sur PC équipé d’une Nvidia 3060Ti, d’un processeur Ryzen 7 5800x, et de 16Go de RAM.
Sommaire
ToggleJ’ai perdu tous mes pouvoirs, mince alors
L’histoire de Elex 2 prend place quelques années après les événements de Elex, où notre protagoniste Jax, toujours doté de son charisme douteux, voit sa petite cabane détruite par l’une des nombreuses tours Alien jaillissant du sol aux quatre coins de Magalan. Coursé par des bêtes corrompues par l’Elex noir (Elex corrompu par lesdites tours), Jax se fait mordre et laisser pour mort. Infecté jusqu’à l’os, le bougre perd ainsi toutes les compétences durement acquises pendant sa précédente aventure. On repart donc de zéro, à poil bien entendu, dans l’objectif de retrouver ses pouvoirs et guérir cette maladie.
Recueilli par un mystérieux vieil homme, Jax va devoir convaincre les différentes factions (Albes, Berserkers, Morkons, Clercs, et Hors la Loi) de se réunir sous une seule bannière “la sixième puissance”, capable de résister à l’envahisseur extraterrestre. Cette étape constituera le premier acte de votre voyage et un prétexte tout trouvé pour explorer la carte et les différentes puissances qui la compose.
En roue libre
Fidèle à la tradition Pyranha Bytes, vous êtes complètement libre dans Elex 2. Vous pouvez au choix recueillir des informations sur chaque faction tout en intégrant l’une d’elles au passage, chacune disposant de son propre arbre de compétences et de sa ligne de quêtes dédiées, ou bien n’en rejoindre aucune, car finalement vous vous sentez plus aise à suivre votre propre voie. La quête principale prendra en compte votre affiliation, quelle qu’elle soit.
Cette liberté transpire par tous les pores du titre, qui a même le culot de vous lâcher en pleine nature dès le début de l’aventure. Ici pas de chemin balisé, débrouillez-vous, et bonne chance. La première chose à faire sera de vous trouver un équipement correct pour survivre à un environnement des plus hostiles. Les habitués de la formule ne seront pas dépaysés : vous êtes une proie pour tout ce qui bouge ou respire. Les débuts sont rudes, puisque la grande majorité des ennemis rencontrés vous mettront à terre en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, et on aura tôt fait de prudemment éviter les confrontations dans l’attente de meilleures armes et armures.
Ce challenge et cette aridité de début de jeu peuvent s’avérer rebutants pour la plupart des profanes de la formule, et tout comme ses prédécesseurs, Elex 2 ne révèlera ses qualités qu’à force de patience et d’investissement. Fabriqué d’une main de maître, l’open world, plus riche que véritablement grand, a toujours quelque chose à vous montrer. Sans jamais rien indiquer via sa carte du monde étrangement trop zoomée ou sa minimap absolument inutile, on se fiera alors aux repères qui nous entourent et dans ce domaine, Elex 2 excelle. Disposant d’une narration environnementale immersive et travaillée, on est diablement intrigué par cette tour qui dépasse de la colline au loin, ou encore ce village en contrebas jonché de cadavres. C’est la curiosité piquée au vif que l’on cherche à percer tous les mystères d’un univers fichtrement bien construit, qui appelle constamment à plus de découvertes.
Fais comme l’oiseau
Le jetpack fait évidemment son grand retour, feature indissociable de la licence permettant de se déplacer dans les airs à sa guise… dans la limite de votre carburant, cela va de soi. Une fois amélioré comme il faut, cet outil devient la pierre angulaire de l’exploration du monde puisque augmentant drastiquement la vitesse de déplacement. Il vous sera en effet possible d’activer un boost vous permettant de foncer comme un Iron Man en guêtres, au détriment d’une consommation accrue. Cette fonctionnalité permettra à terme de pouvoir parcourir la carte en quelques minutes seulement, évitant des voyages à pieds lents aux contrôles imprécis.
Jax semble aimanté à tout ce qui l’entoure, grimpant arbitrairement sur la moindre chaise ou table pour peu qu’il l’effleure et, dans les environnements les plus chargés en mobilier, se transforme en clown farceur qui n’aura pas fini de vous faire pester. A cette maniabilité hasardeuse s’ajoute une caméra bien trop proche de notre personnage lorsqu’il est à l’arrêt. On se demande bien pourquoi ce choix, aussi inesthétique que contre-intuitif. Il faudra alors bouger, voire même courir pour enfin éloigner cette maudite caméra et y voir plus clair. Dommage de se sentir aussi oppressé dans un monde prônant la liberté comme fer de lance.
Et vous userez très souvent de vos jambes engourdies pour explorer. Elex 2 est parsemé d’objets à ramasser, tous importants dans l’optique d’une progression fluide. Tasses, assiettes, ours en peluche, autant d’objets vestiges d’un monde révolu à revendre pour voir notre modeste pécule augmenter. L’argent étant l’assurance de pouvoir subvenir à tous les besoins d’un aventurier en détresse, vous passerez le plus clair de votre temps les yeux rivés au sol à la recherche du moindre item susceptible de vous aider. Un par un. Ne disposant d’aucun curseur permettant de sélectionner les objets qui nous intéressent, on se contentera de ramasser absolument tout et n’importe quoi, surchargeant par la même occasion un inventaire des plus inconfortables.
Jax, ce camion benne
Pourtant pas spécialement beau, Jax a tout d’un camion de déménagement. La frénésie avec laquelle vous ramasserez tout ce qui se trouve sur votre route va de pair avec un inventaire illimité. Vous y stockerez des dizaines et des dizaines d’armes, des munitions par centaines, de la nourriture à ne plus savoir qu’en faire, et surtout des objets inutiles vendables au premier venu. Difficile d’accès en début de partie, l’argent coule vite à flot tant les objets à collecter sont nombreux, et l’absence de limite d’elexit (la monnaie du jeu) chez les marchands permet d’abuser d’un système qui aurait mérité un peu plus d’équilibrage. C’est bien simple, si vous ramassez et vendez tout ce que vous trouvez, vous n’aurez jamais de problème de porte-monnaie.
Cette quantité gargantuesque d’items devient rapidement imbuvable de par l’ergonomie, osons le dire, catastrophique des menus. Sur PC tout du moins, l’inventaire prend la forme d’une liste verticale à faire défiler via la molette de la souris. Les icones étant bien trop grosses, on se retrouve à faire défiler interminablement son menu en quête d’un plat ou d’une potion. A répétition, cette routine donne rapidement la nausée, et la moindre visite de l’inventaire passe pour une corvée. La présence d’un menu radial pour sélectionner ses objets/armes préférées est la bienvenue, mais seulement 8 emplacements sont activables. Si tant est que vous souhaitiez manier plusieurs armes, avoir plusieurs potions sous la main, des repas, des sorts, ces raccourcis se révèlent bien trop limités. Il ne reste alors plus qu’à passer par l’inventaire, et nos yeux pour pleurer.
Le journal n’est pas en reste, digne héritier de son voisin, ce sont des sous-menus à l’intérieur d’autres sous menus qui vous attendent pour lister les nombreuses quêtes. Difficilement lisible, parfois confus, ou manquant d’information, il demandera un certain temps d’adaptation pour s’y repérer. Et la profusion de contenus n’aidant pas, on peste souvent contre une ergonomie vraiment désuète et peu pratique.
Jax, ce bon élève
Comme toujours chez Pyranha Bytes, vous êtes un élève en apprentissage permanent. Ayant perdu toutes vos capacités, vous devrez amasser de l’expérience en tuant des mobs ou en accomplissant des quêtes, avant d’aller vous référer au maître correspondant à la compétence que vous souhaitez acquérir. Contre un peu d’argent et un point de compétence, ce dernier vous apprendra comment voler, crocheter, crafter des potions, des armes, ou encore le maniement de chacune d’entre elles. Il y a définitivement de quoi faire en terme de personnalisation, ce système regorgeant de possibilités de spécialisation et de roleplay.
Véritable bon à rien au début, puissant guerrier, mage ou tireur par la suite, le système de progression de Elex 2 se révèle plaisant et jouissif. La montée en puissance de Jax se ressent autant que la rudesse du début de partie, et vaincre cet adversaire qui vous mettait au tapis quelques heures auparavant a comme un goût de divine satisfaction. A la manière d’un Divinity : Original Sin 2, vous aurez même la possibilité de traquer la compétence « Loup Solitaire », si vous comptez faire l’aventure seul, sans compagnon.
Ces derniers cochent toutes les cases du RPG Bioware classique, peut-être un peu trop à la lettre. Trouvables chez les différentes factions, ou en pleine nature, ces compagnons se retrouveront tous dans votre Hub, le Bastion. Pas tous bien écrits, pas tous attachants, ils pourront ou non vous accompagner dans vos aventures, distillant des petits dialogues ça et là qui rendent l’exploration moins solitaire et plus agréable. Chacun dispose de sa ligne de quête dédiée (toutes très répétitives, qui consistent à bourrer du monstre), et n’hésiteront pas à intervenir lors de certains dialogues, débloquant parfois des situations si tant est que vous ayez le bon acolyte au bon endroit. Romances, jauge de fidélité, autant de moyens qui donneront envie de s’attarder sur cette composante sympathique, mais qui manque clairement de profondeur et d’ambition.
Combat d’infirme
Vos partenaires se débrouillent malheureusement assez mal en combat. Et on les comprend, tant les mécaniques de baston n’ont jamais été aussi floues et imprécises. Non content de vous faire passer un sale quart d’heure en début de jeu, Elex 2 ne s’arrange pas avec le temps. Les problèmes d’animations et de collisions seront la cause principale de vos nombreux décès. Les ennemis disposent d’une barre d’endurance placée juste en dessous de leur santé, et seront immobilisés au sol un certain temps lorsque celle-ci tombe à zéro. Pour la faire descendre, pas 36 solutions, il faut frapper. A distance l’auto-lock deviendra votre pire cauchemar, puisqu’il aura la facheuse tendance à cibler l’ennemi le plus lointain, sans aucune raison.
On aura bien du mal à être convaincu par le système de combat de Elex 2. Pas si exigeant, peu précis et hasardeux, le corps à corps est flottant et mou du genou. Au delà d’un certain stade, et suffisamment bien équipé, l’action se résumera à bourriner sans finesse des ennemis mal animés, qui passeront leur temps à glisser, s’aimanter soudainement à vous ou simplement ne plus donner signe de vie en s’arrêtant brusquement de bouger. Il en va de même pour l’IA de vos compagnons, qui n’aura comme seule utilité que d’attirer l’attention lors des rixes à plusieurs, qui tiennent plus du foutoir indescriptible que du combat précis, minutieux et haletant.
C’est l’histoire d’un mec qui tue des monstres
Le monde ouvert de Elex 2 regorge de missions en tout genre, et les habitants en détresse ne manquent pas. La grande majorité des quêtes annexes du titre se révèlent de qualité. Certaines, très surprenantes, vous marqueront durablement, quand d’autres bien moins rares vous demanderont simplement d’aller tuer tel monstre ou ramasser tel objet. Mais le contexte derrière ces quêtes somme toute très classiques est souvent drôle, bien trouvé ou juste pertinent. Encore une fois, la maitrise avec laquelle Pyranha Bytes construit son univers est exemplaire. Les quêtes se chevauchent parfois, s’entremêlent avec complexité, et plusieurs résolutions sont prévues pour chacune d’entre elles.
On ne peut pas en dire autant de sa quête principale, d’un classicisme scolaire. Singeant un Mass Effect 2 qui aurait pris une flèche dans le genou, Elex 2 rempile avec le sempiternel « rassemble des alliés pour vaincre ton ennemi », principe réduit ici à sa substantifique moelle, ne lui restant plus que la peau sur les os. Découpée en 4 actes, l’histoire n’est pas mauvaise en soi. Elle s’avère même plutôt intéressante pour peu que l’on s’y penche de près, ainsi que sur son lore, travaillé et bien fourni. Non, c’est bien la narration qui pèche ici, multipliant les facilités et les raccourcis à vous en faire perdre la raison. Poussive, mal amenée, faisant passer ses protagonistes pour des imbéciles, on abandonne bien vite la quête principale pour se tourner vers ce que Elex 2 sait faire de mieux : ses à-cotés et l’exploration de son univers.
Et on aura bien raison. Car si l’acte 1 et 2 demeurent classiques mais plaisants, la deuxième moitié du titre s’effondre sur elle-même, en clonant une à une des missions de nettoyage de dizaines et de dizaines de monstres aux barres de vies interminables, sans aucune motivation autre que celle de « tuer les méchants ». L’usante répétitivité de cette moitié de jeu est incompréhensible. Un peu comme si passé un certain cap, les développeurs avaient lâché l’affaire.
Le(s) bug(s) de l’an 2000
S’il y a bien une tradition dont laquelle Pyranha Bytes pouvait se passer, c’est bien celle ci. Elex 2 n’est pas buggé. Il est outrageusement buggé. Les grandes villes et les factions en sont les premières victimes. Le framerate chute de façon drastique dans ces zones très peuplées et aux éclairages souvent convaincants (voir la configuration en début d’article, cette dernière est loin d’être à la ramasse). Jamais moche, jamais sublime, le jeu est globalement très gourmand et on vous conseille de préparer la machine de guerre avant de tenter quoi que ce soit.
Quand ce n’est pas le framerate qui fait le yo-yo, ce sont les têtes des PNJ qui disparaissent, leur cheveux qui s’effacent, leur visage qui disparait. Autant de visions d’horreur qui rendraient presque jaloux Assassin’s Creed Unity à sa sortie et la comparaison n’est pas un hasard puisqu’on a très souvent l’impression de retourner en 2014. Et quand ce ne sont pas les PNJ, c’est le décor tout entier qui se fait la malle, disparaissant et réapparaissant de manière épileptique dans les grandes villes, ne laissant que le vide intersidéral sous nos pieds.
Fort heureusement, nous n’avons croisé aucun bug lié aux quêtes (pour toutes celles que nous avons effectuées cela va sans dire), ni aucun bug bloquant notre progression. Si l’on met de coté la trentaine de crash survenus pendant ces 60h de test. Prions pour qu’un patch day one vienne régler ne serait-ce qu’un tiers de ces problèmes.
L’heure des contes
Artistiquement, Elex 2 est un étalage de sensations variées. On passe de forêts champêtres à des plaines verdoyantes bordées de rivières menant à des cascades, de terres désolées jonchées de marécages et d’immeubles vétustes en ruine, de montagnes enneigées… La variété des décors est au rendez-vous et reste étonnamment cohérente d’un point de vue world design. Le jeu distille ses ambiances avec soin et chacune d’entre elles correspond à une faction particulière. On regrettera cependant l’absence de système météo qui aurait été le bienvenu, et aurait sublimé au passage des panoramas déjà impressionnants de par la distance d’affichage très honnête.
Techniquement on oscille entre le joli et le franchement moyen. Les effets de lumières sont tous extrêmement réussis, les forêts touffues et pliées par la force du vent et rarement un levé de soleil n’aura autant sublimé des marécages pestilentiels. Les textures passent de bien définies à baveuses, mais on s’émerveille occasionnellement devant le bon décor au bon moment de la journée, havre de paix dans un monde cassé où le chaud et le froid se côtoient plus souvent qu’on aimerait. De manière générale, Elex 2 est parfois moche, parfois joli, rarement véritablement beau (mention spéciale aux superbes décors enneigés). Rappelons que le jeu a été testé avec ses options graphiques au maximum.
La ballade fut aussi plaisante que frustrante, aussi ravissante qu’écorchée. On est curieux, on explore, on s’émerveille, un rythme de croisière doucereux s’installe, puis on peste, on râle, on s’exaspère. Beaucoup. Trop.
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