Lorsque Nintendo a teasé pour la première fois ce qui ressemblait à une toute nouvelle licence, avec un court trailer ne montrant qu’un effrayant personnage affublé d’un sac étrange représentant un visage souriant, la toile s’est enflammée. Le géant japonais allait-il enfin s’essayer au jeu vidéo mature ? Tenait-on là le premier jeu d’horreur des créateurs de Mario et Donkey Kong ? Loin s’en faut. Il fallait y voir, mais c’était bien sûr impossible à deviner, l’arrivée prochaine d’un nouvel épisode de la franchise Famicom Detective Club, nommé Emio – L’Homme au Sourire. Un titre dans la droite lignée des deux précédents, à première vue, ou plutôt de leur double remake paru sur Nintendo Switch en 2021. Il s’agit donc de Visual Novel, un genre assez niche, puisque allant de pair avec un gameplay limité, voire son absence pure et simple. Après une première percée dans son intrigue, nous ayant donné fort envie d’en savoir plus, Emio – L’Homme au Sourire : Famicom Detective Club nous a livré tous ses secrets. Ce troisième opus, paraissant plus de trente ans après les deux premiers, vaut-il que vous vous y intéressiez ?
Conditions de test : Nous avons passé environ 12h sur le jeu, et y avons principalement joué en mode portable. Ce fut suffisant pour arriver à son terme, sans nous presser. Ce test est garanti sans spoiler.
Quoi ? L’éternité
Nous l’abordions dans notre preview, la première chose qui frappe lorsqu’on lance le jeu et que l’on n’est pas familier avec les précédents, ou plus précisément le double remake de 2021, c’est l’aspect graphique de Emio – L’Homme au Sourire. Parce que le titre reprend tout ce qui faisait la force de ses grands frères, pour un résultat qui flatte la rétine, notamment des décors détaillés et vivants. Mais ce sont évidemment les personnages qui retiennent principalement l’attention, chacun ayant son petit truc, ses mimiques, et jouissant d’un design très réussi.
Il est essentiel, pour un jeu basé sur du texte, de se démarquer un minimum sur le plan visuel pour accrocher les joueurs sur la durée. Et Emio – L’Homme au Sourire s’en sort admirablement à ce niveau, en offrant à sa vaste galerie de personnages une identité forte, reconnaissable et jamais excentrique, accompagnée de doublages investis, exclusivement en japonais. On notera aussi une bande son réussie. Considérant le fait que les protagonistes (et même les personnages subsidiaires) sont tous animés, notamment quand ils parlent, nous obtenons une aventure qui se déguste un peu comme un film.
Et cela tombe plutôt bien, parce que cet aspect participe à nous tenir éveillé pendant les discussions parfois un peu longuettes que le jeu propose, et ses quelques séquences moins inspirées. On aurait aimé vous dire que celui-ci était aussi bien rythmé que les deux précédents, mais dans les faits, Emio – L’Homme au Sourire : Famicom Detective Club souffre de pertes de vitesse. Après un démarrage en trombe, nous ayant personnellement saisi au vif, le titre retombe malheureusement dans un récit plus classique et plus mou pendant un long moment.
Sa plus grande force réside dans son grand méchant, qu’on nous tease habilement au début de l’aventure, et que l’on aperçoit à plusieurs reprises au cours de l’enquête, que ce soit via flashback ou non. Un tueur qui fait froid dans le dos, dont le mode opératoire a de quoi mener à quelques cauchemars chez les plus influençables, qui se pare de surcroît d’un mystère singulier, contribuant à le rendre doublement plus intrigant et menaçant. Emio, puisque c’est comme cela qu’on le nomme, a de solides arguments, et il soigne ses entrées.
Malheureusement, on en revient au même problème, ce tueur glaçant n’apparaît que trop rarement, au cours de la première partie de l’aventure, et l’on a tôt fait de perdre patience devant une enquête qui semble ne pas avancer. Il faut dire aussi que ce troisième volet est plus consistant que les deux précédents, proposant trois à cinq heures de temps de jeu supplémentaire, pour un total d’environ dix à douze heures, en prenant son temps. Alors bien sûr, l’action s’accélère et gagne en intérêt sur les derniers instants, mais elle est un peu trop molle sur la première moitié en contrepartie.
La mort en été
Comme pour tout Visual Novel, le genre étant assez difficile d’accès pour des raisons évidentes, il vaut mieux savoir où l’on met les pieds avant de se lancer. Autant le préciser d’emblée, Emio – L’Homme au Sourire : Famicom Detective Club ne joue pas dans la même cour qu’un Ace Attorney ou un 13 Sentinels : Aegis Rim. Pas de gameplay à proprement parler ici, ou du moins, pas de séquence différente nous aérant un peu l’esprit après une grosse quantité de texte ingurgitée. À ce niveau, le titre ne fait pas vraiment d’effort pour acclimater les néophytes.
Emio – L’Homme au Sourire : Famicom Detective Club ne fait qu’un petit pas en direction des joueurs moins assidus, ou de ceux qui débutent dans le Visual Novel, en colorant les mots clés pendant les dialogues, et en proposant régulièrement des récapitulatifs interactifs. Des séquences mettant en scène le personnage principal, ainsi que son acolyte Ayumi, se remémorant les informations clés qu’ils ont pu apprendre au cours de leur enquête. Une idée intéressante, sur le papier, qui fonctionnera surtout chez ceux qui distillent leurs parties dans le temps. Les autres risquent malheureusement de les trouver rébarbatives, un peu trop récurrentes, et passablement inutiles, surtout dans la mesure où rater les interactions ne mène à aucune punition.
Les habitués du Visual Novel retrouveront leurs marques instantanément, avec une interface simpliste affichant ostensiblement les « actions » pouvant être réalisées. On peut ainsi interroger notre interlocuteur, lui montrer un objet en notre possession, ou encore examiner les environs. Rien qui ne demandera de grande réflexion, ni qui impliquera véritablement le joueur. Emio – L’Homme au Sourire est un Visual Novel dans la plus pure tradition du genre, comptant sur son histoire pour capter l’attention durablement, et c’est tout.
Et ça, il y arrive finalement assez bien, en dépit de chutes de rythme qui ternissent l’aventure. Parce que l’écriture est soignée, autant celle du fil rouge que des personnages de manière générale. Le titre se paye aussi de jolis rebondissements, dans un premier temps assez simples, mais efficaces, puis plus marquants à mesure que l’on progresse dans l’enquête. On ne peux évidemment pas vous en révéler davantage, mais on peut néanmoins vous dire que certains passages font vraiment froid dans le dos, et certaines révélations sont réellement surprenantes.
Enfin, il est bon de noter que le titre fait quelques rares références à des événements survenus dans les deux précédentes enquêtes de Famicom Detective Club. Détail qui fera sûrement plaisir aux habitués et aux fans, et qui ne dérangera guère les autres dans la mesure où ils ne seront jamais largués. Quant à la fin, puisqu’il faut bien en parler, elle a de quoi chambouler. On se gardera de vous en dire plus, bien entendu. Mais sachez néanmoins que rien que pour elle, on ne peut que recommander le titre à ceux qui apprécient le Visual Novel et qui ont le cœur bien accroché.
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